vendredi 11 septembre 2015

Rapport Combrexelles : le droit du travail façon puzzle




La troisième fusée du dispositif

L’offensive du gouvernement contre le droit du travail est particulièrement bien chorégraphiée. Il y a trois mois, c’est Robert Badinter, encore auréolé par son rôle dans la fin de la peine de mort, qui a défriché le terrain en co-écrivant un livre sur le sujet. Puis, il y a quelques jours, c’était le tour de Terra Nova, la boîte à idées du Parti Socialiste, qui a publié un rapport « suggérant de laisser aux accords d’entreprise la possibilité de fixer la quasi totalité des règles du droit du travail ». Et maintenant, c’est en grandes pompes, à Matignon, que le rapport Combrexelle a été dévoilé par le Premier ministre et la nouvelle ministre du travail, signe de l’importance du dossier pour une majorité qui semble toujours autant confier une part prépondérante de son avenir à des politiques de l’offre, favorables aux entreprises.

D’ailleurs, le Monde, jamais à la traine pour faire la publicité de l’agenda néolibéral, souligne que « le rapport Combrexelle satisfait les syndicats réformistes et le patronat », disant implicitement que seuls les archaïques pourraient ne pas accueillir positivement les propositions de ce rapport détonnant. Tout ceci démontre que la communication autour de la réforme du droit du travail est extrêmement travaillée. Non seulement, le chemin a été bien préparé entre l’annonce de la réforme, le livre de Badinter, le rapport de Terra Nova, puis celui-ci. Mais de plus, le gouvernement a adopté une ligne de défense assez habile, entre critique du poids du code actuel et souci affiché de protéger les fondamentaux (temps de travail, SMIC). L’idée d’un SMIC différent par région ne servant qu’à jouer le rôle utile d’épouvantail.

Hollande dépasse Sarkozy par la droite

Sarkozy avait mis en place les accords de compétiitvité, notamment utilisés par Renault, qui permettent déjà de mettre la marche arrière sociale face à la pression de la compétition internationale. Mais François Hollande, décidemment plus néolibéral que les Républicains, semble penser que ce n’est pas assez. Déjà, les partenaires sociaux s’étaient rapprochés pour assouplir les conditions d’utilisation de ces accords, soit le moyen d’accélérer la déconstruction du droit du travail. Et la loi Macron a largement étendu le travail du dimanche, tout en donnant discrètement le moyen de réduire le supplément de rémunération pour le faire. Mais ici, avec le rapport Combrexelle, même s’il peut sembler préserver l’essentiel, comme le communique le PS, le diable est dans le détail, une déconstruction sournoise.

En effet, ce que permettrait ce rapport, donc beaucoup de médias ont souligné le caractère révolutionnaire, c’est de transformer une grande partie du droit du travail en menu à la carte, personnalisable entreprise par entreprise, bien sûr, sous réserve d’accord d’une majorité des salariés. Mais, entre concurrence étrangère déloyale, comptabilité créative ou aléa de la conjoncture, ne serait-il pas simple pour bien des entreprises d’utiliser une telle possibilité au moindre soubresaut comme un chantage à la délocalisation ? Dans un pays où le chômage est au plus haut, il s’agit d’une bombe à retardement social car le rapport de force restera pour longtemps en faveur des entreprises et en défaveur des salariés. Mais Hollande est habile, il vend la déconstruction du droit social comme une concertation paritaire…

Bien sûr, il y a sans doute besoin de simplifier des éléments de notre droit, ou de notre fiscalité, d’autant plus que la complexité ne profite qu’à ceux qui ont les moyens de se faufiler dans les interstices. Mais ici, il s’agit d’une révolution néolibérale sournoise, où la bonhommie de Hollande cache des choix thatchériens.

6 commentaires:

  1. Pas de surprise, "le programme" se construit au niveau Bruxellois et rendre la situation irréversible est le seul but pour nous imposer ce que l'on ne désire pas encore, "le temps" est une facteur important pour imposer ce changement!

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  2. Ce n'est pas ce que vous dites, il s'agit de mettre en avant les accords de branche et de réduire le nombre de celles ci au profit des entreprises :

    "Chacun a bien entendu compris l’imposture profonde de la mission Combrexelle: sous couvert de donner du lest aux entreprises, il s’agit en réalité de les étouffer dans un tout coupé au cordeau où seuls les représentants des grands groupes auront droit au chapitre. Les petits pourront juste remplir des cases laissées vides par des négociateurs parisiens totalement inconnus d’eux et ignorant même tout de leur métier. Le regroupement des branches obligera en effet à faire négocier des accords pour des entreprises aux métiers très différents."

    http://www.eric-verhaeghe.fr/combrexelle-ou-lart-de-la-negociation-hydroponique/

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  3. Hollande, valet le plus efficace depuis bien longtemps des patrons, de la finance, de l'Union et des USA, le "benêt sympathique".
    Affaire Snowden, Morales, Assange, TVA sociale, Pacte de "responsabilité", tensions sur les questions de société pour faire diversion, Valls, Macron, Afrique, Russie, ridicule des affaires personnelles, j'en passe et des meilleures...
    Faut-il encore s'attarder à commenter les conséquences plutôt que les causes, les origines et la logique d'un système qui est pourri de l'intérieur et à la base ?
    Les deux François du PS auront été les 2 fossoyeurs d'un certain système social et d'un certaine idée de l'Etat, en attendant le coup d'estocade du p'tit matador Manu, dès 2017 à mon avis , pourquoi perdre du temps ?

    ***Jacko***

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  4. La France va répéter les échecs de l'Espagne, Italie, Grece et autres. Et je pense que les politiciens se fichent du résultat car ils peuvent continuer leurs carrière confortablement malgré les échecs. Mais comme je l'ai écris plusieurs fois les politiciens ne sont pas mis devant leurs responsabilités et le pouvoir sans responsabilité n'est pas démocratique.
    La politique de l'offre est une totale hypocrisie car il n'y aura aucune contrepartie comme pour l'ANI ou le "pacte de responsabilité". Si les salariés étaient mis à contribution pour la bonne cause des baisses de salaires seraient intégralement reporté à plus tard ou mis en provision pour l'entreprise grâce à des participations. La compétitivité serait améliorée plus efficacement car il n'y a pas de spoliation des efforts des salariés. On pourrait aussi ajouter l'idée du crédit d’impôt investissement qu'avaient réclamé des patrons de PME visiblement bien intentionnés.
    Enfin dès qu'une reforme ne va pas dans les poches de l'actionnariat ou du patronat on vous répondra que c'est du populisme ou de l’extrémisme.
    Bref il y'a une autre voie même si on ne voulait pas toucher au libre échange et à l'euro. (l’idéal serait de faire les deux en même temps).



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  5. "Le cas du travail dominical n’épuise naturellement pas l’ensemble du code du travail, mais il est symptomatique des reproches infondés qu’on lui adresse. Par conséquent, accuser le droit du travail de lourdeur et de complexité et sous-entendre de fait que les protections des salariés empêchent de créer des emplois, c’est ne pas voir que beaucoup de cette complexité provient des dérogations consenties depuis une trentaine d’années aux employeurs dans l’espoir de stimuler l’emploi, avec le succès qu’on sait."

    http://www.alterecoplus.fr/tribunes-debats/code-du-travail-ce-sont-les-derogations-qui-le-complexifient-pas-les-regles-elles-memes-201509111344-00002080.html

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  6. "Il s’agit d’une révolution néolibérale sournoise, où la bonhommie de Hollande cache des choix thatchériens." Non, il ne s'agit pas d'une révolution. Nous pouvons parler d'une contre-réforme, d'une politique réactionnaire. Ces soi-disant "socialistes" mènent une politique de régression - sociale et économique - tout en accusant dans un mouvement bien expliqué par George Orwell ceux qui la remettent en cause d'être des populistes, conservateurs, peureux ... Nous sommes une majorité à avoir fait ce constat.

    La question, qui se pose maintenant avec d'acuité, la seule qui vaille, est de savoir comment nous militons et agissons pour qu'une alternative crédible, solide naisse et prenne son essor.

    DemOs

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