lundi 19 octobre 2015

Le sens de la fin du liquide et des chèques

Ce sont des informations qui peuvent passer inaperçues, d’autant plus qu’elles peuvent paraître aller dans le sens du progrès qu’apporterait la modernité : l’argent liquide et les chèques pourraient disparaître. Mais ces évolutions ont un sens, loin d’être aussi positif qu’on peut le penser.



Fin d’un service public

Bien sûr, les partisans de cette évolution, comme Michel Sapin en mars dernier, disent faire « la chasse à l’argent liquide pour lutter contre le financement du terrorisme » et évoquent la lutte contre la fraude ou les pratiques illégales pour justifier cela. C’est ainsi que le gouvernement a baissé le seuil des paiements en liquide de 3 000 à 1 000 euros. En revanche, le seuil passe seulement de 15 000 à 10 000 euros pour les touristes étrangers, qui, outre le fait de ne pas payer la TVA, sont décidemment bien mieux traités que les citoyens français, avec un seuil dix fois plus élevé et qui ne baisse que d’un tiers. Le même Michel Sapin a annoncé cette semaine de nouvelles mesures pour réduire l’utilisation du chèque et promouvoir l’usage des cartes bleues, en réduisant légèrement les frais de transaction.

A première vue, on peut considérer que cela est un progrès, que ce sera plus pratique. Sauf que quand on paie en liquides, ou par chèque, cela ne coûte rien aux usagers, commerçants ou individus, et ne rapporte donc rien aux banques. Alors que quand on paie par carte bancaire, les banques touchent une commission. Derrière ce pseudo progrès, se cache, comme souvent, de simples intérêts financiers, bien discrets. En fait, même si les arguments sur la lutte contre la fraude sont recevables, il s’agit d’un recul du service public de l’argent. On peut aussi douter de la véritable practicité d’une telle évolution pour les petits paiements et quid des risques posés par toutes ces transactions réalisées sur Internet. Enfin, quel paradoxe de laisser utiliser Bitcoin, malgré son utilisation par des réseaux frauduleux !

L’argent Big Brother

Outre la fin d’un service public, notamment à des fins financiers des banques, décidemment bien défendues par le gouvernement actuel, cette évolution pose un autre problème, un nouvel exemple de l’orwellisation de nos sociétés. En effet, derrière la digitalisation de l’argent, et tous les problèmes évoqués plus haut, se pose aussi le problème d’une société où les individus finissent par pouvoir être fliqués en permanence, au point que des assurances proposent aujourd’hui des remises aux automobilistes qui acceptent un mouchard qui surveillent leur comportement. Bien sûr, on peut penser qu’il s’agit d’une récompense de ceux qui respectent les règles et qu’après tout, il n’est pas injuste qu’ils ne paient pas pour ceux qui ne les respectent pas et qui coûtent plus cher à la collectivité à travers ce mécanisme.

Mais ce raisonnement pose problème. Ne s’agit-il pas de mettre un doigt dans un système où les individus pourraient en permanence être suivis, dans un système quasiment totalitaire et proche de l’univers imaginé par Georges Orwell dans 1984 ? Car après tout, pourquoi ne pas utiliser les données que pourraient donner les montres connectées pour adapter les cotisations des mutuelles de santé en fonction de l’état de santé et des pratiques de chaque individu ? A chaque fois, cela sera vendu comme une récompense pour ceux qui ont les comportements les plus vertueux, mais cela ne risque-t-il pas à une escalade dans le flicage de tous les individus ? Et dans les prémices actuelles d’une telle évolution, la suppression de l’argent liquide n’est-elle pas un élément fondateur de l’orwellisation de nos sociétés ?

Bien sûr, la dialectique de la défense de fin de l’argent liquide est facile : il suffit de dire que cela permettra de lutter contre la criminalité et les fraudes. Mais est-ce le véritable motif et cela le permettra-t-il vraiment ? Ou s’agit-il d’une défense d’intérêts privés, potentiellement porteuse d’une dérive orwellienne ?

13 commentaires:

  1. Qu'est ce qui empêcherait la CNIL d'interdire toute identification numérique possible de celui qui paye avec sa carte en imposant des logiciels spécifiques certifiés par un organisme d'état ?

    Seuls ceux qui se font payer au noir verraient les montants globaux de leurs revenus qu'ils encaissent sur leurs comptes surveillés et devraient être en mesure de justifier leur origine sous forme de facture.

    Ainsi, celui qui paye n'est pas surveillé, seul le payé l'est via son compte bancaire.

    Si la monnaie électronique a un coût, il en est de même avec la monnaie fiduciaire. Fabriquer, renouveler, échanger des billets et des pièces a aussi un coût important, plus important que ne peut l'être une monnaie électronique.

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  2. C'est étrange que l'on entende si peu ceux qui se proclament comme libéraux, lorsque l'on oblige les particuliers à passer par les banques.

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  3. Merci pour cet article et ces rappels.
    Complètement d'accord avec tout ce qui y est dit.

    Encore une fois, on nous sort les grosses ficelles du terrorisme pour faire passer la pilule.

    ça va dans le même sens que l'invasion croissante des robots, automates, caméras, écrans dans la vie quotidienne.
    Les petites musiques qui reviennent sans cesse sur le Fédéralisme, l'Union, le Gouvernement mondial (Star Wars quand tu nous tiens).
    Il faut vraiment relire "1984", "Le meilleur des mondes", "Fahrenheit 451", on s'en rapproche.
    Le toujours plus de centralisation et de contrôle.
    Le toujours moins d'Etat.

    @anonyme 10:28, la monnaie fiduciaire (pièces et billets) est un service que doivent rendre les banques au public en échange notamment de leurs privilèges énormes de pouvoir prêter de l'argent qu'elles n'ont pas (en grande partie) et en plus de se faire payer des intérêts dessus.
    En réduisant la monnaie fiduciaire, on diminue leurs obligations de service et on augmente leurs privilèges.

    Dans quelques années ou décennies, on persuadera les personnes de se faire greffer des puces sous la peau, pour plus de praticité einh ! et encore et toujours pour lutter contre le terrorisme...
    Vous avez rêvé du contrôle et du flicage absolu, ils sont en train de le réaliser tranquilou (revoir le film "Brasil également).

    La dernière pub pour Windows 10 est un modèle du genre. Ils sont trop sympas de s'intéresser aux enfants et aux générations futures.
    En tout cas, je n'aimerais pas naître dans 10 ou 20 ans...

    ***Jacko***

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  4. Oui. Comme toujours, les arguments mis en avant paraissent légitimes mais toutes les dérives possibles sont joyeusement ignorées...

    Autre exemple, la réforme de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, c'est le citoyen qui fait l'action de payer cet impôt (par chèque, virement, etc).
    Demain, pour beaucoup, ce sera leur entreprise.

    Et donc après demain, s'il est décidé par l’État français de transférer cet impôt à Mr Juncker, quel moyen avez-vous de dire "ce sera sans moi" (au moins le temps d'être redressé, et plus nombreux seraient les protestataires, plus grand serait ce temps) ?

    Parce qu'aujourd'hui, s'il en était décidé ainsi et que seulement 100 000 personnes décidaient d'"oublier" de payer leur impôt, ça mettrait un bordel monstre.
    Après demain ?

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  5. Pour enrichir vos réflexions...

    Comme vous le savez, les taux sont bas... et ils ne peuvent pas remonter car sinon tous les états seraient insolvables. On voit même arriver des taux négatifs en Suisse et en Allemagne.

    Pas bon du tout cela le taux négatif sur l'assurance-vie (placement préféré des français)... car confier son argent à un tiers pour au final retrouver un capital inférieur en l'ayant prêté ; car c'est cela déposer de l'argent en banque ou chez un assureur ; cet argent ne vous appartient pas, la banque a une dette envers vous ...

    Donc qui serait assez fou pour laisser de l'argent en banque ou sur compte dès lors que vous perdez ...

    D'où l'interdiction du liquide et la lutte acharnée sur le bas de laine ...

    Tout cela pour mieux tondre la fourmi ... vaut mieux être cigale de nos jours !

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  6. Le FN dénonce sans cesse de soi-disant discriminations contre les français dans leur propre pays, qu'il invente de toute pièce : les étrangers seraient favorisés par notre droit social par exemple. Alors que c'est complètement faux.

    Or il existe d'authentiques discriminations contre les français dans leur propre pays, mais le FN en invente sans cesse de fausses, comme s'il ne savait pas que ce qu'il dénonce existe réellement, alors que c'est son fond de commerce.

    Outre les paiements en liquide, je citerai le permis de conduire, une discrimination scandaleuse contre les français qui existe vraiment et que le FN ne dénonce jamais.

    Imaginons que je passe mes vacances aux USA. Je m'aperçoit que là bas le permis est facile, rapide et bon marché (comme il aurait toujours dû l'être en France) et décide d'en profiter. Dans l'auto-école US je sympathise avec un jeune américain que j'invite chez moi en France.

    Nous avons passé le même diplôme dans la même institution, après la même préparation. Eh bien, lui aura le droit de conduire en France avec ce document, mais pas moi ! Uniquement parce que je suis français.

    Il est effarant que le FN ne dénonce jamais les véritables discriminations dont sont victimes les français dans leur propre pays, même pas celle là qui est particulièrement scandaleuse, et préfère en inventer d'autres qui n'ont jamais existé.

    Ivan

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  7. @ Anonyme 10h28

    Mais alors, quel intérêt de pousser à cela ? Et quid du véritable coût pour la collectivité de l’argent liquide et de la monnaie électronique

    @ TeoNeo

    Bien vu

    @ Jacko, Bip

    Pas faux

    @ Ivan

    C’est révélateur…

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    1. @ Monsieur Herblay,

      juste une petite précision, le terme "digital" est un mot anglais, en français on dit "numérique".

      Ce serait bien d'éviter le globich qui consiste à prendre des mots anglais et à les employer comme des mots français ; votre "digitalisation" devrait être remplacé par : numérisation.

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    2. Quoi que le "digital" est assez expressif parfois, car on te le met bien profond le doigt dans certains cas :) la racine reste latine et le mot est dans les dicos frenchies (pardon, français).

      Tu dis "week-end" ou "fin de semaine" ?
      Quid d'"internet" en bon français, "smartphone", "Full HD", "SMS", "SPAM", "hamburger"... ?

      Pas de problème, certains mots en français sont aussi intraduisibles (ou peu traduits à l'étranger), le plus souvent liés à la bouffe, bizarre non ? "cassoulet", "bouillabaisse", "petit gâteau"...
      et puis les autres pays ont les leurs, pour rester dans le registre de la ripaille : "paella", "ravioli", "chili con carne", "sushi"...

      ***Jacko***

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    3. @ Jacko,

      La règle universelle -valable pour toutes les langues- est un qu'un mot étranger est employé quand il n'existe pas déjà un mot local pour désigner l'objet ou l'idée.

      Et on parle de mots qui sont "traduisibles"... si en plus, il s'agit de mot impossibles à traduire comme sushi ou cassoulet -à vrai dire, quasiment des noms propres-, on prends bien évidemment le mot comme il est.

      Il est normal de préserver sa langue... non ?

      Et aussi, quand on emploie un mot étranger, il est bon de le savoir, donc de le faire en toute connaissance de cause (et pour de bonnes raisons).

      Les mots anglais comme "calibration" et "digital" sont carrément pris pour des mots français !

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    4. @ Abd_Salam

      Vous avez raison. Merci

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  8. "les partisans de cette évolution, comme Michel Sapin en mars dernier, disent faire « la chasse à l’argent liquide pour lutter contre le financement du terrorisme » et évoquent la lutte contre la fraude ou les pratiques illégales pour justifier cela. C’est ainsi que le gouvernement a baissé le seuil des paiements en liquide de 3 000 à 1 000 euros. En revanche, le seuil passe seulement de 15 000 à 10 000 euros pour les touristes étrangers"
    Vous oubliez juste une chose : pour jouer au casino ou au PMU, les sommes supérieures à 1000 euros pourront toujours être payées en liquide !!!
    Or, on sait que les casinos ne blanchient jamais l'argent (ni celle de la Mafia, ni celle des terroristes, etc...). Le fils Fabius pourra continuer sa vie de grand luxe sans problème...

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  9. En gros on ne peut plus faire ce qu'on veut de son argent ... Tu le place ‚ on te le rend plus ... Tu le retire par morceaux ... On te flique ou il sera inutilisable alors? A quoi ça sert de travailler ? Il n'y a plus d'issues car il n'y a plus de portes ... Au pires faite comme Gainsbourg ... Brulez vos billets comme ça personne n'en profitera ! Lol! ;-)

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