jeudi 13 avril 2017

Euro, Corse : quand Marine Le Pen fait du Hollande




Alternative jacobine ou radsoc régionaliste trop euro-patiente ?

Le temps qui passe n’est pas fait pour rassurer sur la consistance idéologique de Marine Le Pen. Si l’on pouvait attribuer le grand écart entre les programmes de 2002-2007 et celui de 2012 aux différences d’opinion entre le père et la fille, les cinq dernières années jettent un voile peu flatteur sur les contorsions de cette dernière, qui ne semble pas moins souple que les trois derniers présidents pour essayer de suivre le mieux possible le sens du vent. En seulement 5 ans, elle a mis beaucoup d’eau libérale dans son discours économique, parlant de baisse de taxes et de simplications pour les entreprises, quand son programme de 2012 avait des tonalités bien plus étatistes et keynésiennes.

Sur l’euro, le FN n’en finit plus de changer de scenario. Nous avions même eu droit au retour de la monnaie or pendant quelques temps mais maintenant, face à des français peu convaincus, le FN préfère mettre de l’eau dans son vin plutôt que travailler le sujet et être capable de défendre ses propositions dans les média. Le pire est que cela vaut pour Marine Le Pen comme pour Jean Messiha, le responsable du programme. Donc, maintenant, elle annonce une négociation avec nos partenaires clôturée par un référendum, manière de ne pas lier le vote des présidentielles à la sortie de l’euro, pour tenter d’attirer les électeurs qui ne veulent pas quitter la monnaie unique européenne aujourd’hui.

Mais il y a quelques jours, Marine Le Pen a carrément annoncé qu’elle attendrait les élections allemandes et italiennes pour organiser le référendum, ce qui donne à la sortie de l’euro une perspective lointaine et très hypothétique, et pose deux gros problèmes. D’abord, il est absolument effarant de vouloir une telle période d’incertitude, où les taux et les pressions s’envoleraient. C’est pour cela que je pense aujourd’hui qu’il faut sortir tout de suite et en faire le sujet de l’élection. Ici, Marine Le Pen préfère faire appel à des manœuvres dilatoires pour essayer de contourner l’obstacle, se comportant comme ce Hollande si prompt aux synthèses improbables, comme pour les chantiers de Saint Nazaire.

Dans la série des manœuvres politiciennes, le discours de Marine Le Pen en Corse était également assez surprenant, avec sa tonalité très régionaliste, pour une personne sensée être jacobine : drapeau et chants corses, sans parler de sa défense de la langue locale. Bien sûr, on peut être jacobin sans tomber dans une vision ayatollesque, mais ici, les gages données aux locaux ressemblaient beaucoup à ces promesses des professionnels de la politique, qui n’engagent que ceux qui les écoutent, et un peu trop calibrées en fonction des audiences visitées, en somme, comme savent si bien le faire Chirac, Sarkozy ou même Hollande. Vraiment pas de bonne augure pour un véritable changement.


Tout ceci donne l’image d’un parti encore moins solide que Syriza ne l’a été en Grèce pour apporter le changement dont notre pays a tant besoin. Marine Le Pen ne semble pas avoir le sérieux nécessaire, comme le montre également de manière plus triviale mais pas moins révélatrice l’approvisionnement douteux de la boutique du FN, au contraire de celle de NDA.

19 commentaires:

  1. Vouloir faire de la sortie immédiate de l'Euro le centre de la campagne du FN est complètement grotesque car les électeurs FN ne sont pas forcément anti-Euro, ce que sait parfaitement MLP qui ne va pas se tirer une balle dans le pied.

    Votre fanatisme anti-Euro vous aveugle tellement que vous n'êtes même plus capable de faire une analyse politique un tantinet crédible.

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  2. Mais vous n'êtes plus chez NDA. Comment voulez-vous qu'on vous croie, alors que vous avez fait le choix gaullien (hi hi hi) d'aller bouder dans votre coin ?

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  3. La sortie de la France de cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles est bien plus crédible chez Mr Asselineau que chez Mm Lepen car il n'y a pas d'autre but dans le programme, pour ainsi pouvoir sortir de l'euro et de l'OTAN!

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    1. Asselineau m'a un peu déçu au cours du débat de BFM, mélangeant le bon et le moins bon.
      Par contre très bon au JT de TF1 le 11/04, et bons clips de campagne.
      Heureusement qu'il participe à cette campagne, malgré ses quelques défauts.
      En même temps, il a les qualités de ses défauts.

      ***Jacko***

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  4. Contrairement à ce que vous dites Marine Le Pen est plus crédible sur la question de l'euro et du retour au Franc même si sa position comme celle de Mélenchon reste trop prudente et pas assez inspirée du scénario de Jacques Sapir. Dupont-Aignan n'échappe pas à l'ambiguïté, seul Asselineau est plus clair mais pas plus crédible en raison de son obsession à avoir raison en toute chose.
    Marine Le Pen flatte toutes les catégories d'électeurs susceptibles de voter pour elle en leur tenant un discours qu'ils veulent entendre comme l'a écrit le politologue Nicolas Lebourg dans son livre "lettre ouverte aux français qui croient que 5 ans de FN soit nécessaire pour résoudre les problèmes de la France". Je cite de mémoire ce titre, il est peut-être inexact.
    Toute la classe dirigeante a fait depuis près de 5 ans comme si le second tour allait être forcément un duel entre MLP et un membre de l'oligarchie qui l'emporterait sur elle. C'est toute cette classe dirigeante qui feint de s'opposer à MLP pour assurer sa survie mais ce scénario ne marchera pas toujours. Tel Christophe Guilluy qui pense que si MLP échoue cette année elle sera d'autant plus favorite pour 2022.

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  5. On se sent l'esprit rafraîchis apres la lecture de cet article, et aussi par la qualité des commentaires ... Je reste perplexe pour la choix de mon prochain vote, quel est le votre LH ? Merci pour vos éclairages.

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  6. MLP a été très habile pour créer un rapport de proximité vis-à-vis de l'homme de la rue et pour respectabiliser le FN (en dépit du Vel d'hiv'). Mais elle souffre effectivement d'un déficit de crédibilité et de stature présidentielle. Mais elle a un problème qui hélas est commun à tous les candidats d'alternative au système: les Français veulent que ça change radicalement... mais ne veulent pas tous le même changement. Tel chef d'entreprise s'estimant surtaxé va vouloir un libéralisme anglo-saxon pur sucre plutôt que le libéralisme LRPS. Un retraité va vouloir à la fois un serrage de vis autoritaire et du Schroder à la française. L'ouvrier frontiste voudra un serrage de vis autoritaire mais de casse du modèle social. L'électeur de Mélenchon voudra une ligne antispéculative dure. Sans parler de l'Europe, ligne de fracture transpartisane. Etc etc... En sus de l'alliance objective retraités/électeurs des grandes villes insérées dans la globalisation favorable au statu quo soclib, cela explique aussi peut être qu'un pays exaspéré élise des présidents inféodés au consensus mou.

    JZ

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  7. JZ

    Voilà un commentaire plein de pertinence, chose qui manque complètement à Herblay qui s'imagine être la voix du peuple, alors que le peuple est constitué de groupes d'intérêts divergents, c'est le B.A.BA de la politique... et on ne gagne pas une élection en ignorant cette réalité.

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  8. Si Krugman a raison, il n'y a qu'à subir, parce que on n'est pas prêt d'avoir un accord à 27 sur des modifications substantielles en Europe.

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  9. De toute façon MLP sait qu'elle ne peut pas être élue cette année, mais elle doit être au 2e tour pour gagner en 2022 (si possible Macron). Comme sa campagne marque le pas, elle est obligée de dire un peu n'importe quoi à droite et à gauche pour redresser la barre ce qui n"est pas la meilleure solution je pense.
    Je pense que son principal danger, c'est plutôt Fillon. Pour limiter la progression de Fillon (qui peut se faire en fin campagne comme à la primaire), elle devrait parler du mariage Homo. Fillon a dit qu'il ne reviendrait pas dessus, tandis q'elle si. Ca montrerait que Fillon se couche au politiquement correct et pas elle.

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  10. Encore une belle preuve de l'absence de sérieux du FN ...

    Question connexe, au sujet de l'Euro : Paul Krugman est très critique sur cette monnaie unique. En revanche il ne préconise pas, pour la France, d'en sortir :

    «Les politiques dont parle le FN - sortie unilatérale non seulement de l'euro, mais aussi de l'UE - nuiraient à l'économie française».

    Qu'en pensez-vous ?

    Source : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/04/13/20002-20170413ARTFIG00067-le-nobel-d-economie-paul-krugman-etrille-le-programme-economique-de-marine-le-pen.php

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    1. Jacques Sapir lui porte ce jour une contradiction fondée comme d'habitude.

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    2. Sur les raisons de la prise de position de Krugman, je vous ai répondu plus haut.

      Sur le fond, le débat reste le même.

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  11. Parce que vous croyez que Krugman se prononce sur la base d'une analyse économique ?

    Cet animal a voulu jouer le malin au début de la candidature Trump aux primaires, en disant que son programme valait mieux que celui des autres républicains. Et, depuis, il galère pour bien faire voir qu'il n'est pas partisan de Trump...

    Cet animal a aussi une fâcheuse manie de vouloir se mêler de sujets non économiques, le gouvernement Orban en particulier.

    Donc, il se prononce en tant que militant de gauche, ce qu'il est aussi.

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  12. Le problème du FN, c'est la coexistence entre 2 lignes :
    - la "canal historique" qui est toujours bien vivant avec Marion Maréchal,
    - la ligne Philippot, lequel aurait sa place dans tout autre parti réputé plus respectable.
    Quand à MLP, elle a besoin de jongler entre les 2 pour assurer son assise électorale.
    Mais sur le fond, le régionalisme est une idéologie identitaire. Il n'est donc pas très étonnant que le FN s'en empare. Seulement, il y a des identités que ses militants préfèrent à d'autres...

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  13. Je suis l’anonyme auteur du message de 15h50, pas celui de 18h41. Sapir à raison au sujet du fait que la comparaison de la courbe du coût salarial réel de la France qui serait similaire à celle de la moyenne de la zone Euro, n’est pas très pertinente pour les raisons qu’il évoque dans sa réponse à Paul Krugman. En outre si on devait faire référence à des moyennes, Paul Krugman ne devrait pas ignorer qu’en performance moyenne la zone euro à un taux de chômage supérieur à une moyenne de pays développés et une croissance de long terme inférieure à une moyenne de pays développés. Par exemple en février 2017 le taux de chômage moyen de la zone OCDE est à 6,1%, celui de la zone euro à 9,5%, Avec la circonstance que cette dernière a creusé les inégalités entre pays partageant la même monnaie. Aux extrêmes il y a l’Allemagne et la Grèce.

    http://french.xinhuanet.com/2017-04/11/c_136200544.htm

    Cela dit cela n’enlève rien aux doutes que je peux avoir sur le sérieux du programme de Marine Lepen.

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  14. @ Anonyme

    C’est une question qui mériterait d’être au cœur de la campagne. Je ne trouve pas MLP crédible car elle ne cesse de changer de scénario et ne sait toujours pas répondre à la majorité des objections. En 2012, le FN disait qu’elle devrait gagner en 2017 après l’échec de Sarkozy et Hollande. Maintenant, on nous dit 2022. Et en 2022, on parlera de 2027 ?

    @ Pro-Asselineau

    Son discours est largement déséquilibré et je pense que l’article 50 n’est pas une voie pour la France

    @ Patrice

    NDA, comme en 2012. Et ce ne sont pas déclarations de Mélenchon ce soir sur TF1 qui vous me faire changer d’opinion, entre son évocation d’un pseudo coup d’Etat par le Général en 1958, son refus de toute règle sur les signes religieux, la légalisation du cannabis…

    @ JZ

    Elle ne sait pas défendre le changement qu’elle appelle. Elle pourrait répondre à toutes les objections (il y a un papier de Sapir qui résume tout de manière courte et compréhensible)

    @ Anonyme

    Krugman est décevant sur le coup. Il se distancie du parti plus que de l’idée. Merci pour le lien, je vais essayer de le regarder.

    @ André

    Ou sortir de manière unilatérale

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  15. J'ajouterais que Jacques Sapir explique très bien, dans sa dernière note, ce qui se passera en cas de victoire ou de Marine Lepen ou de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle. De toute évidence les programmes de ces deux-là montrent qu’ils n’ont rien anticipé de ce qui va leur arriver, autrement ils auraient vu que ce qu’ils proposent ne tient pas la route quant à la simple faisabilité (à moins qu’ils l’ai vu mais qu’ils ne s’attendent pas vraiment à être élus et donc ils peuvent promettre n’importe quoi pour s’attirer des voix et exister politiquement). En tout cas le déroulé et le contenu de leur programme est inapplicable et donc que va-t-il s’y substituer s’ils sont élus ? Perso l’hypothèse qui me parait la plus probable est celle d’une capitulation en rase campagne évoquée par Jacques Sapir. Il y a des intérêts très puissants qui sont maintenant derrière l’Euro, l’Union Européenne qui s’ils n’ont, en face d’eux, que des politiciens de second ou de troisième niveau qui ne maitrisent même pas les rudiments de l’économie, finiront par imposer leurs volontés :

    http://russeurope.hypotheses.org/5906

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  16. Que ce soit MLP, JLM, NDA sauf Asselineau mais pour de mauvaises raisons (sectarisme) tous les candidats favorables à la sortie de l'euro ont leur part d'ambiguïté pour ne pas braquer un électorat plus que réticent à ce qui lui parait comme un saut dans l'inconnu.

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