samedi 14 octobre 2017

Le cauchemar étasunien, introduction

C’est un projet que j’avais depuis quelques mois, à force de faire la chronique de la situation désastreuse des Etats-Unis. La décomposition dont parlait Todd il y a 15 ans a beaucoup progressé. Et parce que ceux qui nous dirigent s’en inspirent, il est donc essentiel de rappeler que les Etats-Unis ne sont en aucun cas un modèle à suivre. Bien au contraire, il est essentiel de s’en démarquer, très fortement.


La loi de la jungle marchande

« Après l’empire », d’Emmanuel Todd, est un livre remarquable. Avant l’invasion de l’Irak de 2003, et alors que le pays de l’Oncle Sam était pour beaucoup le leader du monde libre, le pays qui devait nous inspirer après la chute du communisme, et alors que la Chine n’avait pas encore la position qu’elle a aujourd’hui, il avait su prendre le contre-pied de la pensée dominante. Il a compris avant d’autre que le 21ème siècle ne serait pas le siècle des Etats-Unis, anticipant le déclin d’un pays déconsidéré par ses interventions militaires agressives et non justifiées, et les failles de son modèle économique, exhubérant, irrationnel, violent et profondément inégal, pour ne pas dire extraordinairement injuste.

Quinze ans après, je souhaite apporter ma petite pierre à cette réflexion. Depuis dix ans que je tiens un blog, j’ai accumulé tant de faits que je souhaitais réunir dans une série de papiers mes réflexions sur le côté obscur des Etats-Unis. Bien sûr, l’accumulation des papiers dressera un portrait peu flatteur du pays qui est encore la première puissance économique du monde. Il faut malheureusement dire que, dernièrement, il n’est pas facile de trouver des domaines dans lesquels ce pays nous donne un bon exemple, même si cela n’a pas toujours été le cas. Et si la chute de l’URSS avait déchainé toutes les forces négatives du pays, comme si l’ubris s’exprimait à l’échelle d’une nation, quand elle devient la première sans le moindre contre-poids à l’échelle planétaire pendant trop longtemps ?

Certains trouveront l’entreprise manichéenne, ou excessive. Pourtant, tous les points que j’aborderai sont illustrés, par de nombreuses sources, souvent issues de promoteurs du modèle étasunien, qui en reconnaissent aujourd’hui certaines limites, sans pour autant défendre une vraie remise en question. Il n’y aura pas de jugement de valeur sur les Etats-Unis, mais plus l’effarement de voir un peuple prendre une telle direction, nourrissant une violence spectaculaire contre lui-même, sans être capable de produire des anti-corps à cette funeste évolution, comme l’illustration la plus pure de la théorie développée par Jacques Généreux dans son livre remarquable, « La dissociété ».


Quelques que soient les qualités des étasuniens, leur société devient de plus en plus détestable, sans doute largement à leur corps défendant, comme dans les dissociétés décrites par Généreux. Je vous donne donc rendez-vous dans les prochaines semaines…

13 commentaires:

  1. Faut-il parler du cauchemar US ou bien, plus généralement, du cauchemar du néolibéralisme ? Car celui-ci a émergé politiquement il y a presque 40 ans, avec Thatcher et Reagan, et il semble qu’aujourd’hui ces deux pays sont sur le point d’en sortir alors que l’UE, qui a 30 ans de retard, est encore en plein dedans. Par ailleurs, l'ordo-libéralisme allemand qui nous sert de modèle est peut-être encore pire que la version anglo-saxonne du néolibéralisme.

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    1. Il faut parler du cauchemar US : néolibéralisme, multiculturalisme et oubli de l'histoire.

      Tout ceci nous vient des US, pays passé directement de la barbarie à la décadence.

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  2. Le cauchemar étatsunien est doublé par la trahison de nos élites politiques, économiques et sociales sous alibi européen, notamment. La vente d'Alstom énergie à l'américain General Electic venant après la cession des chantiers navals et enfin du secteur ferroviaire à Siemens en est le signe. Après Péchiney, Arcelor, ALcatel, Lafarge en attendant Airbus déjà passé sous contrôle allemand entre autres. La direction d'Alstom sous l'égide de Patrick Kron comme tous leurs complices politiques sont coupables d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation selon l'article 410-1 du Code pénal. Parce que le procès pour trahison a été retiré de notre justice pénale et politique ( la constitution).

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    1. N'en parlez pas à Herblay, il est au fond d'accord avec ces cessions.

      S'il ne l'était pas, et compte-tenu de l'urgence, il aurait voté FN en 2017.

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  3. Je serai au rendez-vous que vous proposez, Laurent, car j’ai plaisir à vous lire, même si je ne partage pas certaines de vos convictions.

    Cependant il y a un autre rendez-vous que j’aurais aimé prendre avec vous. Un rendez-vous plus positif, plus optimiste. Un rendez-vous qui me semble incontournable si vous voulez convaincre.

    C’est le rendez-vous de l’exemple. L’exemple de situations ou les théories que vous soutenez sont appliquées, et où ça marche. Le rendez-vous de la démonstration par la preuve.

    Je suis convaincu que votre analyse sur les dysfonctionnements des Etats-Unis va être brillante, richement documenté. Mais encore une fois on va être dans la dénonciation de ce qui ne va pas. Et au final que va-ton en retenir : que le monde est inégalitaire ? Que les pays les plus riches concentrent toute la richesse du monde ? Que les pays les plus riches sont les plus inégalitaires ? Et que tout cela est exacerbé aux Etats-Unis ? Pardon mais ça tout le monde le sait. Même les enfants l’apprennent à l’école, c’est dans les programmes de livres d’histoire. Je parle en connaissance de cause, je viens de faire réviser une leçon à ma fille de 5ème sur le sujet !

    Alors bien sûr je vous fait confiance pour expliquer le lien entre la terrible situation des Etats Unis et la politique neo-libéro-libertaires-libertruc qui a inspiré leurs dirigeants et qui continue d’inspirer les Macron, Juncker, et autres suppôts de l’Euro qui à vos yeux ne sont que les ambassadeurs des riches.

    Mais comment pouvez-vous être sûr que l’alternative que vous proposez fonctionne ? Ce n’est pas parce qu’un modèle est différent d’un autre modèle qui ne marche pas que le premier fonctionne forcément (désolé pour la tournure alambiquée … vous m’avez compris !).

    Moi ce qui m’intéresse c’est une description de situations réelles ou le modèle que vous proposez est mis en pratique et où ça marche. Sinon je suis désolé mais vous risquez de passer pour un super théoricien, un utopiste, un doux rêveur, … un de plus.

    Je pense que vous devriez, pour la défense de vos idées, avoir un angle d’attaque complémentaire à celui que vous choisissez.

    Alors, ce rendez-vous optimiste de la démonstration par la preuve des vertus du souverainisme, c’est pour quand ?

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    1. Êtes vous sûr de ne pas être en train d'inverser la charge de la preuve ?

      La France était indépendante et souveraine à l'époque du général De Gaulle. Puis les européistes ont prétendu que les choses iraient mieux si la France renonçait à sa souveraineté.

      C'est donc à eux de prouver que la France va mieux aujourd'hui grâce à la construction européenne. Ce sont eux qui ont réclamé à la France le sacrifice de sa souveraineté, c'est à eux de rendre des comptes maintenant et de prouver que la promesse a été tenue, que ce sacrifice n'a pas été vain.

      Remarquez même en inversant la charge de la preuve il ne sera pas difficile aux souverainistes de démontrer que la perte de souveraineté de notre pays a produit des effets désastreux.

      Cela me fait penser à la prohibition. Les prohibitionnistes ont promis aux citoyens qu'en sacrifiant leurs libertés individuelles à commencer par la plus fondamentale, celle de disposer de leur propre corps, et en payant avec leurs impôts des forces de police pour surveiller leur vie privée ils allaient rendre service à la communauté et lui faire engranger des gains substantiels en matière de santé publique, à commencer par une diminution de la consommation de chaque substance frappée de prohibition.

      Comme c'est exactement l'inverse qu'on a observé aujourd'hui les prohibitionnistes inversent la charge de la preuve et demandent à leur adversaires de prouver, en "expérimentant" ce qui a été la loi du pays pendant des milliers d'années avant l'introduction de la prohibition au siècle dernier que les choses iront mieux demain si on abroge la prohibition.

      Comme ils ne veulent pas qu'on fasse de comparaison avant/après ils essaient de faire croire qu'il n'y a pas eu d'avant, qu'ils sont aux commandes depuis toujours, et que les congédier nous ferait faire un grand saut dans l'inconnu.

      Ils sont comme ces familles d'aristocrates qui essaient de faire croire qu'elles détiennent leurs fiefs et privilèges depuis toujours, comme s'il n'y avait pas eu de commencement, comme si le fondateur de la dynastie n'était pas né roturier.

      Ivan

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    2. Je comprends. Je suis d'accord quand vous dites que l'euro n'a pas tenu ses promesses, et que ceux qui nous l'on vendu se sont trompés. Mais justement, lorsque j'entends des souverainistes nous expliquer avec autant de ferveur que la solution c'est la leur, et bien je prends du recul. J'ai l'impression qu'on substitue une croyance à une autre.

      J'entends votre argument sur la belle France souverainiste de De Gaulle. Mais l'argument "c’était mieux avant" ne suffit pas a me convaincre, pour deux raisons. D'abord parce que je ne suis pas sûr que c'était si idyllique que cela avant. Ce n’est pas l’UE, ni l’Euro, qui ont inventé le chômage de masse. Ensuite parce qu’il est possible que ce qui a fonctionné à une époque donnée puisse ne pas fonctionner 80 ans plus tard. Prenons par exemple les centrales nucléaires, si chères au Général. C'était peut être une idée géniale à l'époque, elle faisait surement l’unanimité. Mais les temps ont changé. Aujourd'hui c'est un héritage qu'on a du mal à assumer. Si, aujourd’hui, nous devions lancer un programme pour assurer notre indépendance énergétique, nous nous y prendrions différemment, sans aucun doute. De même la maitrise des frontières et des échanges entre les personnes, les biens et les capitaux. Cette belle idée était, je pense, beaucoup plus facile à concrétiser en 1950 qu’en 2017.

      J’en reviens donc à mon message initial : s'il existait des exemples récents démontrant l'efficacité de la solution souverainiste à notre époque, et bien je suis preneur. Si vous n’en avez pas, je ne vais pas en déduire que vous avez tort. Mais si vous en avez, il me semble que ça aiderait considérablement votre cause.

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    3. "s'il existait des exemples récents démontrant l'efficacité de la solution souverainiste à notre époque, et bien je suis preneur."

      Le premier qui me vient à l'esprit est la Suisse. Mais on pourrait aussi citer l'Islande...

      Ivan

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    4. Très bien, j’ai hâte de lire un billet de souverainiste sur la Suisse !

      Où on nous expliquera comment faire pour arriver à amener un peuple à répondre « non » par référendum à la question « voulez-vous passer de 4 à 6 semaines de congés payés », ou encore à nous expliquer comment la Suisse qui n’est pas une zone monétaire optimale puisque parlant 5 langues différentes a pourtant parfaitement réussi à mettre en place une monnaie unique, etc, etc…

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    5. Ben les partisans des 6 semaines ont fait une mauvaise campagne je suppose. C'est pas grave comme la Suisse est un pays démocratique le jour où ils feront une bonne campagne ils gagneront, et surtout personne ne pourra leur voler leur victoire.

      A ma connaissance les suisses parlent quatre langues, et je ne vois pas le rapport avec les zones monétaires optimales.

      Ivan

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  4. Vous oubliez le Yéniche. La barrière de la langue est régulièrement citée par les détracteurs de l'Euro comme obstacle à la mise en place d'une monnaie unique.

    Pas convainvu que cette terre d'accueil des grandes banques et multinationales illustre le triomphe des idées souverainistes. Mais plutôt celui du pragmatisme, qui leur a permis d' installer un dialogue appaisé et démocratique sur pas mal de sujets de société, très loin justement des querelles binaires et stériles entre les ayatollah souverainistes et leurs rivaux.

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  5. @ Anonyme 12h55

    Bien d’accord, je le dénonce depuis longtemps

    @ Anonyme 14h41

    Le FN, c’est ce qui permet à Macron d’être au pouvoir. Et je ne suis même pas sûr qu’ils empêcheraient ces ventes…

    @ Anonyme 14h27

    Pas faux. En fait, je l’ai fait, en 2012, en construisant le programme de NDA. J’avais même construit un budget quinquennal avec des choix forts.

    Bien sûr, on n’est jamais 100% sûr que cela fonctionne. Mais l’Asie (Japon, Corée du Sud) représente sans doute un bon exemple dans bien des domaines : protectionnisme sélectif mais vigoureux, véritable politique industrielle, fort rôle de l’Etat, monnaie mise au service premier de la collectivité. Bien sûr, tout n’est pas rose : l’inégalité augmente également, la société pressure sans doute trop les individus… Et plus généralement, les sociétés dites occidentales avant le grand virage ultralibéral, me semblaient bien plus équilibrées.

    Sur le contrôle des frontières, cette idée n’est pas plus difficile à appliquer aujourd’hui qu’hier. C’est juste que les pays européens ont décidé d’y renoncer presque complètement. Mais ce n’est pas ce que font les Etats-Unis (cf acier, pneus chinois par exemple) et plus encore l’Asie qui parvient à exporter ce qu’elle veut tout en laissant ses frontières largement fermées (cf le commerce du riz ou automobile au Japon, en Corée ou en Chine). Beaucoup d’autres exemples, en Amérique Latine (avec des réussites mais aussi des échecs), ou en Europe (Islande…)

    Sur la Suisse : c’est un exemple et un contre-exemple (parasite fiscal notoire)

    Une zone monétaire optimale, c’est un budget commun, la liberté de circulation des personnes et une forte homogénéité économique. On peut imaginer que cela correspond à la Suisse, d’autant plus que le pays a des siècles d’histoire commune

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  6. @LH,

    C'est la pente naturelle, nécessaire, et inéluctable du libéralisme, dont les effets sont encore un peu tempérés chez nous - mais plus pour très longtemps - du seul fait de la persistance des structures héritées de la société ancienne.

    Le libéralisme n'est rien d'autre qu'un "ordre" de destruction, la matière pour et par la matière, sans aucun autre objectif ; une guerre totale de l'instinct contre la conscience. C'est cela le libéralisme !

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