mardi 20 février 2018

Débat, éducation, économie: l’horreur numérique

Bien sûr, la révolution numérique n’a pas que des aspects négatifs : elle donne la parole et permet à quiconque le souhaite de défendre ses idées sur un blog par exemple. Mais plus le temps passe, et malgré la fascination qu’exerce cette révolution sur beaucoup, le voile de fumée s’effrite, de la désertion fiscale à leur impact plus général sur nos vies ou le débat public.


Ces cris d’alarme qui se multiplient

Marc Dugain et Christophe Labbé ont publié « L’homme nu », un livre qui a remarquablement synthétisé les dérives apportées par cette révolution numérique. Un nouveau papier de la Tribune décrit les pratiques révoltantes d’Alphabet, la maison mère de Google, qui a transféré en 2016 pas moins de 15,9 milliards d’euros des Pays-Bas vers une société écran aux Bermudes pour éviter de payer des milliards d’impôts. C’est la technique du « double irlandais » et du « sandwich néerlandais ». J’avais rapporté récemment que les GAFA se débrouillent pour facturer plus de 90% de leurs revenus réalisés en France ailleurs, une forme de vol légal d’1,5 milliard d’euros d’IS par an pour 4 entreprises !

Se pose aussi la question de l’effet de cette révolution sur le débat public. Beaucoup ont pointé la fermeture provoquée par les réseaux sociaux, où ne résonnent que des opinions similaires, comme des pro-bremain l’avaient témoigné après le référendum sur le Brexit, qu’ils n’avaient pas vu venir au regard de fils d’actualité où leurs contacts votaient tous Bremain. On peut aussi voir d’un œil méfiant la chasse aux soit-disantes fausses nouvelles, qu’analyse remarquablement Frédéric Lordon, qui ressemble parfois à une chasse aux sorcières, pour laquelle Facebook rémunère désormais le Monde, après l’avoir dépouillé d’une bonne partie de ses recettes, créant un drôle de meilleur des mondes…

Beaucoup, comme les auteurs de « L’homme nu », pointent le caractère malsain de l’avènement des Big Data sur nos vies. Denis Olivennes pointait récemment dans le Figarovox le fait qu’aucune dimension de nos vies n’échappe plus à la connaissance des géants d’Internet, qui pourrait les transformer en Big Brother. Dans un article extrêmement bien documenté, Marianne racontait toutes les nouvelles formes d’espionnage de Facebook, qui peut suggérer des amis en fonction de la géolocalisation des téléphones des personnes qui se croisent et échangent ensemble, ou reconnaître automatiquement les personnes présentes sur un photo, sans la moindre indication de la personne qui la poste.



Et pour couronner le tout, un juge anti-terroriste a accusé Facebook et Twitter de complicité avec la propagande de Daech. S’il ne s’agit pas de refuser toute évolution, ce qui est frappant ici, c’est le laisser-faire total dans lequel cette nouvelle économie se développe. Nos politiques semblent tétanisés à l’idée de la moindre critique, ou pire, régulation, sur un univers qui en aurait pourtant bien besoin.

10 commentaires:

  1. En plus des questions soulevées dans votre article cher Laurent, j'en vois deux autres:
    - l’abandon du droit à la vie privée involontaire et obligatoire des citoyens : involontaire car le citoyen (et pas uniquement les jeunes) ne mesurent pas l'enjeu de l'exposition de leurs données perso' et confidentielles les coupant par étapes du droit à la vie privée et obligatoire car le numérisation, la virtualisation, la dématérialisation se fondent sur la communication de données de base à des données très confidentielles. La loi française va rendre progressivement la dématérialisation obligatoire dans de nombreux, nombreux et nombreux domaines (les plus évidents la déclaration d'IR, les compteurs électroniques, la récupération et le paiement en ligne de ses factures etc...etc...). La France a une des législation les plus rigoureuses sur la protection de la vie privée et des données personnelles. Néanmoins, cette loi est détricotée au fur et à mesure avec le consentement inconscient des citoyens;
    - la sécurité informatique ! qui dans le monde peut garantir une sécurisation de ses systèmes informatiques contre le piratage, les bugs etc...PERSONNE !
    Cela fait vraiment flipper
    Bonne journée
    Sylvie

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    1. Je crains que notre société ne connaisse de grave déboires à cause de l'absence de sécurité informatique.
      Le pire est à venir.

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  2. D'accord avec Laurent et Sylvie bien sûr.
    Le smartphone est déjà l'extension numérique des personnes qui sans lui se sentent perdues mais qui est un mini big brother consenti à lui tout seul (géolocalisation, big data, réseaux sociaux, contacts, communications, accès internet, paiements, jeux, vidéos, infos...).

    En attendant le développement des puces RFID qui est potentiellement une nouvelle étape. ça ne se fera peut-être pas si vite, quoi que....

    C'est triste à dire, mais je plains les nouvelles génerations et j'ai peur pour elles. ça n'est peut-être qu'un réflexe de vieux chnoque, ou pas.

    ***Jacko***

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    1. Cher Jacko, non,non,non vous n'êtes pas un vieux chnoque. J'ai la quarantaine bien tapée (mais pas la cinquantaine encore sonnée ;-)), j'évolue dans un monde professionnel où le Dieu dématérialisation/numérisation" est idolâtré. Je ne crache pas entièrement sur lui bien au contraire...il aide pas mal et cela va dans le sens du progrès. Mais, je suis comme vous je m'interroge vivement et je m'inquiète fortement pour les nouvelles générations mais même pour les actuelles et pire pour les seniors ! Donc pas de complexe, pas de réflexe de vieux chnoque car je pense que c’est une réaction très saine de votre part. La question: combien sommes-nous à avoir cette réaction ? Pas grand monde car comme vous le soulignez la greffe smartphone a super bien pris (pour ne parler que de celle-ci) !
      Allez je m'en retourne à mon bon vieux roman version papier en sirotant mon café.
      Au plaisir de vous relire
      L'Anonyme du Jour

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  3. Je suis aussi un vieux chnoque de quarante ans ! Je constate aussi autour de moi les gens aliénés à leur smartphone , surtout les jeunes. Je constate surtout des gros problèmes de concentration , cinq minutes sans regarder son portable devient de plus en plus difficile...
    Mais il y aussi le problème écologique du numérique. Le "cloud" ne se trouve pas dans les nuages mais est belle et bien terrestre, qui a besoin de beaucoup d’énergie.
    Tout les produis numérique sont fais avec des métaux rares , qui demande de plus en plus de forage minier. Ses métaux ne sont pas à 100% renouvelables , loin de la , donc à un moment il aura forcément un problème de ravitaillement !
    Pour les plus curieux je recommande de lire le livre de Philippe Bihouix "l'age de low-tech"

    Une conférence sur se thème à l'école des mines Paris tech
    https://www.youtube.com/watch?v=xBueecLLC6A&t=3219s

    Enfin une conférence sur le désastre de l'école numérique
    https://www.youtube.com/watch?v=tKNcdN14i0E

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  4. Le web permet au moins de trouver des textes qui dégonflent les baudruches et impostures comme Guilluy :

    https://www.telos-eu.com/fr/le-mythe-des-deux-france.html

    https://aoc.media/opinion/2018/02/07/tous-urbains/

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    1. Le web permet de trouver n'importe quoi, y compris des arguments en faveur de la terre plate.

      Le papier d'Olivier Galland ne contient aucun démontage sérieux de l'argumentaire précis de Guilluy, mais une simple réfutation d'une idée générale, celle d'une coupure tranchée entre deux France (« C’est pourtant, à ce degré de généralité, une idée fausse »). Ce à quoi Guilluy aurait beau jeu de répondre qu'il ne s'en tient pas justement à « ce degré de généralité ».

      Guilluy n'est jamais cité que sous la forme d'un procès d'intention qui prétend s'attaquer, selon l'aveu même de Galland, aux idées « sous-jacentes » dont seraient porteurs ses travaux (« […] l’idée sous-jacente, dans les thèses de Guilluy, d’une forte corrélation entre le clivage territorial et le clivage électoral »). À partir du moment où l'on fait dans la critique du sous-entendu, de l'implicite et du sous-jacent, tout est possible. Galland est coutumier du procédé.

      L'autre critique, Lussault, affiche sa prétention à rendre compte de la réalité objective de la géographie sociale contre les déformations idéologiques dont Guilluy se rendrait coupable (« […] symptômes d’une cristallisation efficace d’un imaginaire qui a triomphé sur l’objectivation des réalités par les sciences sociales »). Comme si on ne savait pas, depuis au moins Weber, qu'il n'y a pas d'objectivité dans les sciences sociales : https://sortirdelaconfusion.wordpress.com/2015/07/17/lobjectivit-dans-les-sciences-sociales-max-weber/.

      Mais il faudrait aussi savoir qui est vraiment MIchel Lussault, géographe, mais aussi ancien président démissionnaire du Conseil supérieur des programmes, avant de prendre ses propos pour paroles d'évangile : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/09/29/31003-20170929ARTFIG00224-sous-ses-airs-revolutionnaires-michel-lussault-n-etait-qu-un-pedago-de-plus.php. Bref, un idéologue qui traite Guilluy d'idéologue…

      D'autres auteurs, vraiment soucieux de rigueur méthodologique, ont par contre critiqué Guilluy sur la base d'arguments scientifiques purs (terminologie, méthodologie) qui ne relevaient pas du procès d'intention politique. Je les ai cités dans d'autres posts : http://www.gaullistelibre.com/2017/08/la-vision-tres-noire-de-guilluy.html?showComment=1502529435154#c276623243709783794. Ils méritent d'être pris en compte pour relativiser l'intérêt des écrits de Guilluy, lesquels s'inscrivent dans une tradition qui n'est pas celle de la littérature universitaire, mais celle de l'essai.

      Achille Warnant, doctorant en géographie à l'EHESS, a ainsi écrit des lignes pertinentes sur les travaux de Guilluy, dans une optique très critique, mais avec un réel désir d'ouverture : « Cette histoire n’est pas une fable et les travaux de Guilluy ont l’intérêt de mettre en lumière la problématique des inégalités territoriales. Si d’autres l’ont fait avant lui, aucun d’entre eux, nous semble-t-il, n’était parvenu à dépasser le cadre très restreint du monde universitaire pour gagner le champ médiatique et politique comme il l’a fait. Par ailleurs, Guilluy met le doigt sur les contradictions de ceux qui prônent le vivre-ensemble et qui n’y participent pas, de ceux qui critiquent le «  système  » mais qui en vivent. Si le propos frise parfois la caricature (c’est un euphémisme), il n’est pas toujours, loin s’en faut, dénué d’intérêt. Il constitue en cela une invitation bienvenue au débat. » (https://jean-jaures.org/blog/le-crepuscule-de-la-france-d-en-haut).

      YPB

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  5. @ Sylvie

    Merci pour ce complément utile, que ce soit sur la vie privée ou la sécurité informatique

    @ Jacko, l’Anonyme du jour & Cgrotex

    Je pense que les frémissements d’un réveil apparaissent

    @ YPB

    Un grand merci pour la réponse au troll

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  6. "Un grand merci pour la réponse au troll"

    Herblay, vous n'êtes qu'un crétin infantile, tout ce qui vous contredit ne peut venir que d'un troll, vous n'êtes qu'un vil connard borné et puant.

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    1. Non, tout ce qui contredit Laurent n'est pas un troll, mais toi tu l'es. Donc la réponse de Laurent est tout à fait adéquate.

      CQFD (c'est pas ma signature, au cas où tu t'apprêterais, bête comme tu es, à injurier un certain CQFD…).

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