lundi 3 mai 2021

Les cent jours de Biden (1/2) : tout ce qu’il doit à Trump

Avant même d’être élu, il était attendu comme le Messie. Son élection extrêmement serrée a été présentée comme un triomphe, en oubliant de mentionner que seulement quelques dizaines de milliers de voix avaient fait la différence. Au passage de ses 100 jours, les média français restent tout miel pour Joe Biden, en oubliant souvent qu’une part de sa réussite vient de son prédécesseur.

 


Quand Trump assure le succès de Biden

 

Certains journalistes sont incroyables. Attribuer ne serait-ce qu’une partie de la réussite de la stratégie vaccinale étatsunienne au nouveau président est franchement abusif. Le niveau de vaccination aux 100 jours de Joe Biden est quasiment exclusivement le produit de l’action de l’administration Trump, comme nous le savons bien en Europe. Ce n’est pas l’action du nouveau président à partir du 20 janvier qui a permis la vaccination, mais bien celle de son prédécesseur. Les commandes passées par l’UE deux mois avant son investiture n’ont permis de vacciner qu’un peu plus de 20% de la population à date, contre plus de 40% aux États-Unis et plus de 50% en Grande-Bretagne… Il fallait s’y prendre dès le printemps 2020 pour permettre un approvisionnement de masse par les laboratoires pharmaceutiques dès le début de l’année. Ici, Biden surfe sur le succès des choix de Donald Trump.

 


De même, la santé actuelle de l’économie étatsunienne doit beaucoup à l’ancien président. Alors que l’UE peine toujours à finaliser un plan chétif et tardif, Trump avait dégainé deux plans massifs, de 2200 milliards de dollars en mars 2020, puis de 900 milliards en décembre 2020, amortissant grandement la crise économique par rapport à une UE paralysée par son organisation et ses traités ubuesques, ce qui a permis la croissance de plus de 6% au premier trimestre. L’argent du plan Biden n’est arrivé qu’à partir de mi-mars. Résultat, le taux de chômage est déjà tombé à 6%, et, dès la fin de l’année, l’économie étatsunienne aura totalement effacé l’impact de la crise. Par comparaison, l’UE se dirige vers une reprise molle en 2021, du fait du fiasco vaccinal et de plans de relance bien modestes.

 

Mieux, pour qui prend un peu de recul, il est frappant de constater à quel point le premier plan Biden est un prolongement des plans Trump, reprenant plusieurs de ses mesures phares : chèque d’argent envoyé aux ménages et allocation chômage majorée. Il est aussi renversant de faire la comparaison avec le plan d’Obama en 2009, dont Biden était le Vice-Président, qui avait largement oublié les classes populaires, pour concentrer la distribution d’argent aux entreprises… On peut reconnaître que Biden a eu le mérite de poursuivre la politique de Trump, plutôt que de vouloir faire table rase du passé récent. Les Etats-Unis ont ainsi expérimenté une forme de distribution d’argent façon hélicoptère, et il est frappant de constater qu’ils augmentent les allocations chômage quand Macron les baisse.

 

Paradoxalement, l’influence de Trump est sans doute également forte en matière sociale et fiscale. Bien sûr, ici, les nouveaux plans annoncés par Biden, et les hausses d’impôts prévues pour les financer, sont à l’opposé de la politique fiscale menée par son prédécesseur. Mais parce qu’il s’agit aussi d’une rupture avec les politiques menées par les démocrates depuis des décennies, on peut y voir une forme de réaction au succès de Trump dans les classes populaires, qui impose aux démocrates de repenser leur logiciel économique s’ils ne souhaitent pas être battus en 2024. Ainsi Biden pourrait replacer le débat politique dans un cadre classique, où les démocrates prennent aux plus riches pour redistribuer aux autres, mettant ainsi Trump potentiellement dans la position du défenseur de l’oligarchie.

 

Point trop ignoré, Biden est, à date un des présidents les moins populaires à ce stade, malgré le rebond de la croissance et la réussite vaccinale. Il est possible que les étatsuniens soient plus lucides sur ce qui est dû à l’administration précédente. Gageons que cela n’est pas neutre dans ses derniers plans économiques, qui semblent marquer une remise en cause de la pensée dominante.

 

A suivre : les nouveaux plans Biden sont-ils une révolution ?

8 commentaires:

  1. "Mais parce qu’il s’agit aussi d’une rupture avec les politiques menées par les démocrates depuis des décennies, on peut y voir une forme de réaction au succès de Trump dans les classes populaires, qui impose aux démocrates de repenser leur logiciel économique s’ils ne souhaitent pas être battus en 2024. "

    Vous nous dites donc que les citoyens américains ont bien fait de voter pour les "populistes" en 2016 (un an et demi avant mai 2017) puisque cela contraint les démocrates à changer d'attitude ?

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  2. Nous nous voilons pas la face, la gestion de la crise du coronavirus a été une catastrophe de la part de D.Trump. Mais Si D. Trump a fait n'importe quoi sur la gestion en revanche il a été super cash sur les vaccins. Il a donné 1 milliard de $ d'entrée de jeu pour la mise au point du vaccin P***R et a remis 9 milliards sur la table en contraignant 5 autres entreprises du secteur à élaborer du vaccin. Il n'a pas hésité à faire appel aux services logistiques de l'armée pour organiser la vaccination. Alors notons quand même que les Etats eux-mêmes n'ont pas attendu D. Trump et certains ont investi en masse sur tous les plans.
    Aujourd'hui J.Biden comptabilise les décès, ça on ne ne peut pas le nier mais il a juste à se baisser pour ramasser les fruits de la politique vaccinale de D.Trump.

    La Chine, tout le monde la critique tout le monde ferme sa bouche !
    D.Trump au mépris de toutes les règles internationales, ce qui ne va pas sans grosses remises en cause pouvant être graves, n'a pas hésité. Ce n'était pas très construit, de l'emporte-pièce par moments mais cela a suffit pour que la Chine se montre bousculée et prudente dans ses réponses vis-à-vis de l'administration Trump. D.Trump est quand même le seul gouvernant qui a clairement dit que la Chine était responsable de la crise du coronavirus, qu'elle n'avait pas été transparente et qu'il faudrait qu'elle assume la derrière. Aujourd'hui quia repris cette ligne ? Personne.

    En fait ces 2 exemples montrent le paradoxe Trump. Avec lui la gouvernance des Etats-Unis n'a pas été performante ni très bonne mais tout n'est pas à jeter et tout ne sera pas jeté. La vaccination pour les Etats-Unis va au-delà du simple sauvetage de vies américaines et de retour à la normale d'un pays puissant qui a vacillé. Il y a beaucoup d'autres paramètres derrière dont un important notamment vis-à-vis de la Chine : la puissance industrielle américaine à se mettre en branle-bas de combat pour lutter contre une épidémie et en plus se positionner en force à l'international avec ses innovations technico-médicales. Ce que la Chine ne parvient pas à faire. Son vaccin vendu en quantité à un pays comme le Chili n'a pas fait montre d'efficience et d'efficacité.
    Par ailleurs, pas de naïveté ! l'époque Trump ne s'est pas refermée avec sa défaite. Non, non...quand Trump est arrivé à la tête des US le pays était déjà embourbé dans des questions et thématiques graves : inégalités sociales et raciales criantes , ancrage bien établi et influent d'une Amérique de citoyen.nes se sentant laissés à l'abandon, une balkanisation de la société etc...D.Trump n'a juste que politisé ces thématiques au point d'en faire un programme politique présentable et pouvant gagner.
    Enfin, je pense que la mandature Trump a mis en lumière quelque chose qui a commencé à faire son chemin aux Etats-Unis : la place et l'ancrage de la communauté latina. A mon sens c'est LA communauté aux États-Unis, pas que la communauté Afro-américaine va disparaître (idem pour les communautés blanches) mais elle va perdre en force et lumière car la latina gagne toujours plus de place. En plus, elle n'est pas uniforme dans le sens où elle regroupe Cubains, Mexicains mais aussi Vénézuéliens, Porto-ricains, argentins. Ces derniers ont une vision différente de la communauté afro-américaine de par la différence de la trajectoire historique. Les Latinos.as se définissent comme des Américain.es au sens large. certes ils/elles viennent de Tijuana, de San José, de Caracas, mais ils/elles sont Amériacian.es car du continent américain.
    Et le vote très partagé de cette communauté lors des dernières élections a été un révélateur.

    Bonne journée
    Sylvie

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    1. "inégalités sociales et raciales criantes"

      Oui, tous ces étudiants blancs et plus encore asiatiques, écartés des bonnes universités en dépit de leurs meilleurs résultats pour faire place aux protégés des culs béni.e.s locaux, c'est vraiment très injuste.

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  3. Bonjour Sylvie et bonjour Laurent,

    J'ai bien aimé votre post car je trouve qu'il passe des idées et points de vue intéressants.

    Je suis d'accord avec le paradoxe Trump. Pour moi, il a pas fait de conneries et s'est pas mal de fois ridiculisé mais il y a des points, des projets, des politiques etc...pour lesquels il a quand même eu du pif ou de la chance au choix.

    Alors après soyons honnêtes...il a pu avoir certains comportements offensifs avec "après moi le déluge" car les US ne sont pas finis sur le plan international et de puissance. La Corée du Nord il en a eu rien à faire et a fait comme il voulait. Et tout le monde a flippé notamment "non mais la Chine ne va pas laisser faire". Et la Chine a dû rester tranquille et supporter.

    Votre point de vue sur la communauté latina je crois que ce n'est pas la 1ère fois que vous en parlez. Du coup j'ai lu un peu la presse américaine sur ce point sur le Net. Et je pense que vous êtes dans la bonne direction. J. Biden s'est beaucoup appuyé sur les Afro-américains, je dirai par opportunisme au regard des derniers faits divers. Mais il est pas bête, il a bien intégré que le vote latino aurait pu se retourner contre lui. Car en effet, il était très partagé aux dernières élections. Et vous verrez il fera de la régularisation massive avec les immigrés clandestins venus d'Amérique du Sud.

    Bonne après-midi
    L'Anonyme du Jour

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    1. Pas idiot les commentaires sur les Latinos aux USA ! On est super focalisé sur la communauté Afro-américaine car les media en Europe et particulièrement en France se sont fixés sur l'affaire G. Floyd et le Black Lives Matter.

      Mais en effet, les Latinos représentent la communauté ou minorité, je ne sais pas trop comment le dire, importante en Amérique. Et en effet, son vote n'a pas été aussi lisse et simple lors des dernières élections. Je suis allé aussi vérifié dans les média et autres analyses après vous avoir lu car j'avais des doutes.

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  4. @ Anonyme

    Voter pour un camp afin de faire changer l’autre camp me semble une conséquence positive pour les USA du vote Trump en 2016. Les Démocrates redécouvrent la redistribution, à petite dose. C’est bien. Après, il aurait été plus simple de choisir Sanders en 2016, qui aurait apporté un changement sans doute plus important, plus vite, sans les scories du trumpisme.

    @ Sylvie

    Bien d’accord. Il ne s’agit pas d’un blanc-seing pour la gestion de la crise sanitaire de Trump, où, comme souvent, il a fait beaucoup d’âneries. Néanmoins, il est assez effarant d’occulter à quel point il a fait le bon choix sur les vaccins, très tôt. Sur ce point critique, il a été clairvoyant, au contraire de notre président, qui a exprimé jusqu’en décembre ses doutes sur le sujet.

    Sur la Chine, certes, il a mis en place des surtaxes, mais la Chine en a effacé une bonne partie en laissant filer sa monnaie, et au final, le déficit commercial n’a guère bougé, ce qui montre que sa guerre n’était pas aussi forte sur le fond qu’elle l’était sur la forme. Bon point en revanche sur l’origine de la crise sanitaire, une part grandissante des analystes finissant par reprendre ce qu’il disait il y a longtemps.

    Bien d’accord avec la situation des Etats-Unis. Trump a exploité les failles de la société étatsunienne que les démocrates refusaient de voir, et les a battu en 2016 malgré ses innombrables faiblesses, signe que les démocrates n’avaient pas compris grand chose.

    Point intéressant sur la communauté latina, que je gagnerai à étudier plus en détail.

    @ L’anonyme

    La Chine n’est pas restée tranquille : elle a fait baisser sa monnaie pour amortir une partie des surtaxes et a continué à défendre ses intérêts commerciaux sans céder grand chose, ce qui montre aussi la superficialité de Trump sur beaucoup de sujets (mais pas sur les vaccins en revanche).

    Les régularisations massives sont une arme à double tranchant. Comme souvent, il me semble que les latinos n’y seront pas forcément les plus favorables : ici, la dialectique pro-immigration habituelle de la gauche pourrait se retourner contre elle.

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    1. "@ Anonyme

      Voter pour un camp afin de faire changer l’autre camp me semble une conséquence positive pour les USA du vote Trump en 2016. Les Démocrates redécouvrent la redistribution, à petite dose. C’est bien. Après, il aurait été plus simple de choisir Sanders en 2016, qui aurait apporté un changement sans doute plus important, plus vite, sans les scories du trumpisme."


      Et en France, en 2017, passé le 1er tour, comment est-ce que cela aurait bien pu se traduire ?

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    2. La France de 2017 n'était pas les USA de 2016 : là-bas, l'élection s'est joué à un peu plus de 70 000 voix (soit 0,5% des votes exprimés). En France, il y avait 10 millions de voix d'écart.

      Ensuite, si on suit votre raisonnement, faudrait-il comprendre que vous trouveriez intéressant de voter MLP pour rendre Macron plus social ? Un peu complexe comme façon de faire.

      Je le répète, la bonne option me semblait plus de voter Sanders en 2016

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