Le débat suscité par la taxe Zucman n’est malheureusement pas d’une qualité remarquable. Pourtant, il est critique pour tenter de comprendre les raisons des déséquilibres de nos économies modernes, qui tournent principalement pour une petite minorité quand une grande majorité s’appauvrit. « Préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous », et inventent des histoires contre un partage plus juste.
Arguments partiels, partiaux, et souvent faux
Mais, le camp des opposants est bien plus critiquable, tant il recourt à l’outrance pour disqualifier cette idée. Dire que Gabriel Zucman est d’extrême gauche est proprement ridicule car il reste finalement modéré par rapport à la politique fiscale des États-Unis de Nixon, et leur 50% d’IS ou 70% de tranche marginale d’IR. Et il suffit de relire les propositions pour la présidentielle du candidat Mélenchon pour relativiser un peu… L’attaquer sur ses compétences universitaires est d’une mauvaise foi absolue pour un professeur de Berkeley ou Normale Sup, auteur de livres de référence, et qui fait partie d’un groupe d’économistes parmi les plus influents du 21ème siècle. Certains, comme Denis Payre, tombent dans l’insulte et l’insinuation nauséabonde pour critiquer des analyses factuelles, qui montrent que le taux de prélèvement sur les ultra-riches peut être jusqu’à deux fois moins important que pour les classes populaires.
D’autres, comme Dominique Seux sur France Inter face à un Thomas Porcher qui aurait pu être plus solide dans son débat du vendredi, mélangent taux de prélèvement et montants prélevés, pour embrouiller les auditeurs et défendre les ultra-riches. Ce faisant, cela montre également que les éructations de Denis Payre sur le service public qui roulerait pour la taxe Zucman sont, soit profondément malhonnêtes, soit extrêmement superficielles. Pour avoir écouté les éditoriaux économiques de Dominique Seux sur France Inter, j’ai pu constater qu’il a déroulé presque un jour sur deux sa critique de la taxe Zucman, dont le premier contributeur serait… celui qui possède son autre employeur, dans un mélange des genres indigne de ce prétendu service public, qui n’est que le service du pouvoir politique et économique.
Et Dominique Seux est loin d’être le seul sur le service public à critiquer la taxe Zucman : Léa Salamé a invité le patron de Mistral pour montrer que la taxe était difficile, sinon impossible, à appliquer. Les délires sur le soutien du service public, qui aurait presque créé Gabriel Zucman à l’occasion, sont ridicules. Il est connu depuis longtemps pour qui s’intéresse à l’économie, et ses idées ont déjà inspiré plusieurs programmes présidentiels ou législatifs. Le service public n’a fait que son travail, et en donnant plus souvent la parole aux critiques de cette idée qu’à ses partisans au final. L’homme le plus riche de France a sombré dans le ridicule en affirmant que Zucman avait « la volonté clairement formulée de mettre à terre l’économie française ». Rien que cela ! Pourtant, ce qui met à terre notre économie, au contraire, c’est justement toute cette politique de l’offre qui ne nous fait rien vendre de plus et enrichit les milliardaires.
Merci à Gabriel Zucman de pousser le débat sur la justice fiscale. Même si j’ai des doutes sur les modalités de sa taxe, et préfère a priori des solutions plus simples, qui pourraient rapporter encore plus, c’est un débat majeur pour l’avenir de nos sociétés. Le partage injuste de la création de valeur est au fondement de bien des déséquilibres de nos sociétés modernes et il doit être corrigé.
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