Que penser de la condamnation de Nicolas Sarkozy ?

La condamnation de l’ancien Président de la République à cinq ans de prison avec exécution provisoire, dont la date sera annoncée le 13 octobre, a déclenché une véritable tempête politique. En ayant pris du temps pour y réagir, il est assez frappant de constater la complaisance d’une grande partie de la classe politique et médiatique, de Marine Le Pen à Jean-Michel Apathie. Qu’en penser ?

 

Justice trop dure pour un délinquant trop habile ?

 

Il faut reconnaître que le jugement tel qu’il est exprimé peut sembler étrange. En effet, il a été relaxé du motif de corruption passive, de recel de détournement de fonds publics libyens, et financement illégal de campagne, en l’absence de preuves suffisantes que sa campagne présidentielle a reçu effectivement de l’argent de Libye mais a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs, au motif qu’il a participé à une action organisée visant à obtenir des financements illégaux. J’ai vu qu’un avocat peu suspect de complaisance à son égard, Régis de Castelnau, y voit un « arbitraire judiciaire », pointant une différence de traitement avec les affaires du clan Macron. C’est cette ligne d’une justice subjective que toute la droite politique et médiatique a entonnée, reprise jusqu’à Jean-Michel Apathie dans un long post sur X.

 

Même si les Français n’ont pas une image extraordinairement positive de la justice, une nette majorité semble avoir choisi de lui faire confiance, à peine 21% des Français se déclarant mécontents du jugement ! Pour avoir lu une partie du document de Blast qui serait le jugement du tribunal, et avoir cherché à comprendre les tenants et aboutissants de ce jugement, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il est sans doute très difficile de prétendre avoir un jugement définitif sur cette décision de justice sur la foi de quelques documents, aussi longs soient-ils. Ne faudrait-il pas avoir accès à l’intégralité des pièces, et les avoir toutes lues, pour pouvoir émettre un avis définitif ? En effet, je ne maîtrise pas complètement la notion d’association de malfaiteurs et je n’ai pas connaissance des preuves, qui semblent non négligeables.

 

Trop habile pour avoir laissé des preuves suffisantes, la justice irait-elle un peu loin en utilisant une notion un peu trop souple pour condamner Nicolas Sarkozy ? Ou a-t-elle sanctionné à juste titre une association de malfaiteurs largement qualifiée ? Difficile d’avoir un avis définitif, même si je penche plutôt pour la deuxième option, au regard des recherches que j’ai pu effectuer. En outre, il y a une circonstance aggravante : le profil du prévenu, embourbé dans un nombre d’affaires extravagant. Nicolas Sarkozy a émergé politiquement dans les Hauts-de-Seine de Charles Pasqua, pas vraiment un îlot de moralité… Si on remonte loin dans le temps, il était un des piliers de la campagne d’Édouard Balladur en 1995, dont les comptes auraient dû être rejetés, comme l’a révélé l’ouverture des archives du Conseil Constitutionnel en 2020. Déjà, le plafond de dépenses avait été dépassé, et des versements suspects avaient été faits.

 

Plus proche de nous, on peut rappeler l’affaire de l’arbitrage de Bernard Tapie sur Adidas, opportunément réalisée après le soutien de ce dernier à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2007 et de nombreuses réceptions de l’homme d’affaire à l’Élysée par… Claude Guéant. On peut également penser à cette campagne présidentielle de 2012, où Nicolas Sarkozy a dépensé 38 millions, près du double du plafond de 21 millions, à l’insu de son plein gré si on en croît l’ancien Président. A minima, il a un très mauvais jugement sur le niveau de dépenses d’une telle campagne, pourtant sa troisième, et il est un chef tellement mauvais que ceux qui gèrent sa campagne ne lui en auraient rien dit… Et ce n’est qu’une partie des affaires dans lesquelles il est impliqué, chaque présidentielle ayant son lot d’affaires troubles.

 

Si je suis assez convaincu que Nicolas Sarkozy est une crapule, la justice n’est pas toujours infaillible, et ses jugements doivent pouvoir être questionnés en démocratie. Mais j’ai l’impression que beaucoup de réactions de soutien à l’ancien président sont un peu hâtives, et pas forcément faites en toute connaissance des pièces du dossier. On peut croire que lui et ses proches, cédant à l’hubris, aient laissé des preuves suffisantes des faits qui justifieraient une condamnation aussi grave dans notre histoire.