mercredi 30 mai 2012

La faillite de l’euro (2/4) : pourquoi ?


Après avoir étudié en quoi la monnaie unique européenne n’a pas tenu ses promesses et qu’elle est surtout un moyen de contraindre les européens à accepter une Europe fédérale, il faut étudier pourquoi cette monnaie unique ne marche pas, comme l’annonçait beaucoup d’économistes il y a 20 ans.

Pourquoi la zone euro ne peut pas marcher

Pour être honnête, le mythe de l’euro peut être séduisant : des pays qui se faisaient la guerre unissent leurs monnaies, pour la paix, pour leur prospérité et pour davantage peser dans un monde dont les équilibres changent. Tout d’abord, on peut douter que la monnaie soit un facteur de paix. Ensuite, il faut bien constater que question prospérité, la zone euro va mal. Certes, les Etats y sont endettés, mais pas plus qu’ailleurs, ce qui démontre qu’il y a un problème spécifique.

Et ce problème spécifique, c’est justement le fait d’avoir une monnaie unique pour des pays différents. En théorie économique, on dit qu’une monnaie doit correspondre à une Zone Monétaire Optimale selon les théories de Robert Mundell. Il y a trois critères majeurs : l’existence d’un budget commun important, la mobilité des travailleurs et l’homogénéité économique. Ces trois critères existent à l’échelle de la France ou des Etats-Unis ou de tous les autres Etats-nations.

En revanche, par un seul n’est vérifié à l’échelle de la zone euro. Le budget commun est faible, les travailleurs sont 90% moins mobiles qu’à l’échelle des Etats-Unis selon une étude rapportée par The Economist et il n’y a pas d’homogénéité économique dans un espace aussi divers, que ce soit au niveau des SMIC (qui varient de un à cinq) ou des acteurs économiques, qui restent très nationaux. Bref, ce n’est pas pour rien que les monnaies sont nationales en général.

Pire, comme l’explique Paul Krugman, le fait d’avoir une seule monnaie a tendance à faire diverger les économies au lieu de les faire converger. Paradoxalement, il serait plus simple de rapprocher les économies européennes avec des monnaies distinctes. Comme Jean-Jacques Rosa l’explique, le fait d’avoir une seule monnaie impose une politique unique qui a tendance à renforcer ceux qui vont bien et affaiblir ceux qui vont mal, accentuant les différences au lieu de les résoudre.

Les cercles vicieux de la monnaie unique

Le fait d’avoir une seule monnaie pour des pays aussi différents pose de nombreux problèmes. De manière triviale, cela revient à imposer une pointure unique (un 40 par exemple) à des personnes qui ont des pointures différentes (de 36 à 45). Dans les années 2000, la politique monétaire de la BCE était à la fois trop restrictive pour l’Allemagne (et freinait une croissance anémique) tout en stimulant excessivement l’économie espagnole, par des taux trop bas là-bas.

Deuxième cercle vicieux créé par la monnaie unique : une pression à la baisse sur les salaires. En effet, dans l’ancien SME, quand un pays avait plus d’inflation que le voisin, il dévaluait (ce qui est moins brutal qu’une baisse des salaires, comme l’explique Patrick Artus). Aujourd’hui, le seul moyen de retrouver de la compétitivité est de baisser les salaires, comme en Grèce, où le SMIC devrait baisser de 22%. Et cela risque de provoquer une course au moins-disant salarial.

Troisième cercle vicieux : l’impossibilité de rééquilibrer sa balance commerciale. Avant, quand un pays avait un déficit, il dévaluait, ce qui pénalisait les importations et favorisait les exportations. Et quand il était en excédent, sa monnaie s’appréciait. D’ailleurs, les balances commerciales étaient beaucoup plus équilibrées il y a dix ans. Le passage à l’euro rend impossible cet ajustement, ce qui a fait exploser les excédents comme les déficits, autant de bombes à retardement économiques.

Bref, de nombreuses raisons expliquent pourquoi la monnaie unique ne fonctionne pas, comme le soulignent de nombreux économistes. La question qui suit est de savoir s’il faut aller vers plus d’intégration pour corriger les effets pervers de la monnaie unique ou s’il faut revenir à des monnaies nationales.

17 commentaires:

  1. Bonjour j'ai du mal a comprendre la phrase suivante:
    "quand un pays avait plus d’inflation que le voisin, il dévaluait"

    N'est-ce pas plutot quand un pays voit sa balance commerciale se deteriorer qu'il faudrait dire.

    Je crois qu'une devaluation aurait plutot tendance a renforcer l'inflation non?

    Antoine C.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les deux sont justes, et en général (mais pas toujours) liés.

      Le surplus d'inflation érode la compétitivité, et donc déséquilibre la balance commerciale par rapport aux pays qui en ont moins (ce que montre bien l'euro, où il n'y a pas de dévaluations possibles).

      Mais, du coup, la dévaluation a aussi tendance à renforcer l'inflation.

      Mais cela ne pénalisait pas la croissance des pays plus inflationnistes (Italie vs Allemagne années 1970 et 1980). Chacun avait un mode de fonctionnement adapté au comportement de ses agents économiques.

      Supprimer
    2. Je concourre avec Antoine C.

      De fait, c'est lorsqu'un pays a un déficit commercial qu'il dévalue.

      A la limite, il peut aussi vouloir dévaluer en cas de DEFLATION (typiquement le cas lorsqu'une monnaie est trop forte) pas d'inflation! Parlez-en aux japonais...

      Il y a de toute évidence une erreur de frappe qu'il faut reconnaître pour ne pas décrédibiliser le reste de l'argumentaire de Laurent Pinsolle dans ses billets pour le reste excellents

      S. Tremblay

      Supprimer
    3. je ne comprends pas que l'Europe se soit construite sans tout d'abord imposer les mêmes salaires, taxes etc.. pour tous les pays qui en sont membres, bien sur qu'en l'état actuel cela ne peut pas fonctionner..... il n'est pas nécessaire d'être économist ou sorti de ST Cyr pour comprendre cela!!!

      Supprimer
  2. Mercredi 30 mai 2012 :

    L'Italie emprunte 5,74 milliards d'euros, taux en forte hausse.

    L'Italie a emprunté mercredi 5,74 milliards d'euros à moyen et long terme à des taux en forte hausse, dans un marché très nerveux en raison notamment de fortes tensions sur l'Espagne liées aux inquiétudes concernant son secteur bancaire.

    Dans le détail, le Trésor italien a émis pour 3,39 milliards d'euros d'obligations à cinq ans, proche de son objectif maximum (3,5 mds), à un taux qui a grimpé à 5,66%, contre 4,86% lors d'une émission similaire le 27 avril.

    Il a émis en outre pour 2,34 milliards d'obligations à 10 ans, soit en milieu de la fourchette visée (2 à 2,75 mds), à un taux qui a atteint 6,03%, contre 5,84% lors de la précédente émission.

    Globalement, le Trésor est resté bien en-deçà de son objectif maximal de 6,25 milliards d'euros.

    Même si les experts ont jugé la demande correcte, d'autres ont noté qu'elle était un peu plus faible qu'à l'ordinaire, compte tenu du caractère attractif des taux concédés lors de cette opération.

    "Les opérateurs restent très prudents car les trois prochaines semaines seront cruciales pour l'avenir de l'union monétaire" européenne, a estimé Annalisa Piazza, stratégiste pour Newedge.

    Le marché obligataire est secoué par les craintes des investisseurs à l'égard de l'état de santé du secteur bancaire espagnol, ce qui a entraîné de fortes tensions des taux espagnols et des taux italiens dans leur sillage.

    La firme spécialisée Spiro Sovereign Strategy a notamment expliqué la hausse des taux d'emprunt concédés par Rome par "ses gros besoins de financement et la nécessité pour ce pays d'émettre davantage d'obligations à long terme".

    La bourse italienne a pâti de cette envolée des coûts de financement pour l'Etat italien et reculait de 1,1% vers 10H00 GMT à 12.953 points.

    Après avoir profité depuis le début de l'année d'une forte détente de ses taux, l'Italie fait face depuis la mi-avril à un rebond en raison du regain d'inquiétude des marchés pour la zone euro, en particulier pour l'Espagne.

    Plombée par des plans d'austérité à la chaîne destinés à rassurer les marchés, l'économie italienne est elle aussi dans une situation délicate et le gouvernement de Mario Monti a dû revoir en baisse récemment ses prévisions de PIB, qui devrait se contracter de 1,2% cette année contre -0,4% initialement prévus.

    http://www.boursorama.com/actualites/l-italie-emprunte-5-74-milliards-d-euros-taux-en-forte-hausse-debf19c674abb274de7011b354f81eb7

    RépondreSupprimer
  3. Finalement, l'Euro n'est qu'une sorte de subprime, pendant des années taux avantageux pour ses membres quelques soient leurs types d'économies et leur solvabilités.

    Un subprime à l'européenne...

    Olaf

    RépondreSupprimer
  4. Une baisse des bas salaires n'est-elle pas criminelle?
    Si l'Euro n'est qu'un moyen d'aller au fédéralisme, c'est donc le plus important à interroger. Aujourd'hui, c'est contre lui que nous avons besoin d'arguments.
    Jard.

    RépondreSupprimer
  5. Lui n'y croit pas :
    http://finance.blog.lemonde.fr/2012/05/15/la-grece-restera-dans-leurope-et-dans-leurozone/#xtor=RSS-32280322

    Lui,si :
    http://blog.mondediplo.net/2012-05-24-Euro-terminus

    Olaf

    RépondreSupprimer
  6. Comme réponds un commentateur de "finance.blog.lemonde"

    " L’URSS regroupait 15 nations.

    L’URSS était un Etat fédéral.

    L’URSS avait une monnaie unique : le rouble.

    Aujourd’hui, l’URSS n’existe plus.
    Aujourd’hui, chacune des 15 nations indépendantes a sa monnaie.

    1-Arménie. Monnaie : le dram.
    2-Azerbaïdjan. Monnaie : le manat azéri.
    3-Biélorussie. Monnaie : le rouble biélorusse.
    4-Estonie. Monnaie : l’euro.
    5-Géorgie. Monnaie : le lari.
    6-Kazakhstan. Monnaie : le tengue.
    7-Kirghizistan. Monnaie : le som.
    8-Lettonie. Monnaie : le lats.
    9-Lituanie. Monnaie : le litas.
    10-Moldavie. Monnaie : le leu moldave.
    11-Ouzbékistan. Monnaie : le sum ouzbek.
    12-Russie. Monnaie : le rouble.
    13-Tadjikistan. Monnaie : le somoni.
    14-Turkménistan. Monnaie : le manat turkmène.
    15-Ukraine. Monnaie : la hryvnia.
    "

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @ A-J H

      Merci pour ce rappel, que Sapir apprécierait.

      @ Olaf

      D'accord et merci.

      @ Jard

      Complètement d'accord (sur le côté criminel des baisses de salaires)

      Supprimer
  7. L’euro a été mis en place pour notamment éviter les dévaluations dites « compétitives », évoquées, par exemple, dans cet article datant du mois de février 1996 et intitulé « l’Italie doit en finir avec la dévaluation de la lire » :

    http://lexpansion.lexpress.fr/economie/l-italie-doit-en-finir-avec-la-devaluation-de-la-lire_4726.html

    Cela dit le remède appliqué avec l'union monétaire de la zone euro était vicié à la base par ses dispositions concrètes comme diverses études économiques l'ont démontré :

    http://www.debout-la-republique.fr/article/quand-les-economistes-continuent-accabler-l-euro

    Les effets négatifs d'une zone euro mal conçue ont mis plusieurs années avant de se concrétiser. Les concepteurs de la zone euro n'ont pas remarqué qu'ils avaient mis en place des institutions qui risquaient d'aboutir à la crise actuelle. Et notamment ils n'ont pas vu que des États risquaient de se trouver dans une situation critique du fait des mécanismes économiques et financiers créés pour la zone euro et en raison de leur impossibilité à dévaluer leur monnaie pour régler leurs problèmes. Ils n'ont pas prévu que que ces États en difficulté risquaient de devoir être mis sous perfusion financière pour les aider à s'en sortir et que cela coûterait cher aux autres membres de la zone euro. Voir sur ce point:

    http://www.20minutes.fr/economie/757254-grece-italie-portugal-irlande-espagne-europe-a-t-elle-moyens-aider

    Voir aussi l'étude économique ci-dessous intitulée « Dévaluer en cas de besoin avait beaucoup d’avantages » :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=64150

    Tout cela un bon connaisseur des mécanismes économiques et financiers aurait pu le prévoir. Ce qui est surprenant c'est que les décideurs au niveau de la zone euro font comme si ces mécanismes destructeurs n'existaient et se bornent principalement à recommander aux États membres de tout mettre en œuvre pour réduire leur endettement.

    http://fr.news.yahoo.com/bruxelles-demande-27-redoubler-defforts-contre-crise-dette-123034624.html

    Ce qui signifie, à mon avis, que la zone euro implosera sous la pression des marchés financiers. Sous la pression, par exemple des taux d’intérêt insoutenables imposés à l'Espagne et l'Italie pour se financer et des sommes de plus en plus colossales qu'il faudra dégager pour aider les pays en difficulté.

    http://www.20minutes.fr/economie/943787-espagne-italie-malmenees-marche-dette

    Saul

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Selon Olivier Delamarche, "Tout le système bancaire espagnol est en faillite" :

      http://www.agoravox.tv/actualites/economie/article/delamarche-tout-le-systeme-35254

      Saul

      Supprimer
  8. Michel Duchemin30 mai 2012 à 23:49

    Bonsoir

    La question qui suit est de savoir s’il faut aller vers plus d’intégration pour corriger les effets pervers de la monnaie unique ou s’il faut revenir à des monnaies nationales.


    Plus d'intégration signifie : Europe Fédérale.

    Pour ma part, cette question est tranchée depuis longtemps : s'il devait exister une Union Européenne, elle serait Confédérale, afin de respecter les spécificités et aspirations de chacun des peuples qui la compose.

    RépondreSupprimer
  9. Le slogan, euh, la devise de l'Union européenne est paraît-il "unie dans la diversité". L'euro est précisément l'exemple-type de la vacuité de l'"idéal européen", tel que défini par les thuriféraires du fédéralisme technocratique : on pose une unité monétaire contre la diversité de fait des économies. On postule que cette construction va faire émerger une unité politique européenne et qu'en partageant une même monnaie au sein d'un même espace on va faire émerger comme par magie une conscience qui transcende les appartenances nationales.

    Le résultat est précisément l'exact inverse : l'unité forcée fait ressortir les divergences entre États. Schématiquement, nos têtes pensantes se rendent compte que les Allemands ne sont pas les Grecs : la belle affaire, mais ils s'entêtent à vouloir maintenir sous perfusion un système condamné à l'échec...

    Belle élite autoproclamée qui se comporte comme des bœufs tout en prenant les citoyens "de base" pour des incapables...

    RépondreSupprimer
  10. @ Lambda

    Très exactement.

    @ Michel Duchemin

    Je traite cette question dans les deux papiers suivants.

    @ Saul

    Malheureusement, tout avait été prévu.

    RépondreSupprimer
  11. L'Euro est un montage financier voulu par la Mondialisation, une hypocrisie financière reposant sur une malhonnêteté intellectuelle, sociale, financière non dissimulée.
    L'Euro repose sur la volonté des manipulateurs de l'humanité, la Mondialisation et ses sectes tel le Bilderberg Group, Trilateral Commission, le Siècle, le FMI, la BM, l'OMC etc..
    Les politiques du monde entier sont les salariés de la Mondialisation et préfèrent les avantages à leurs citoyens.
    L'Euro est un piège orchestré depuis longtemps et tous les responsables politiques Européens le savent, et ils nous ont notifié leur volonté de nuire, souvenez vous : le peuple français a refusé la constitution Européenne et les politiques ont bafoué le verdict des urnes, pourquoi?
    Le oui de la France était "indispensable" pour continuer à détruire l'économie citoyenne et asservir les citoyens.
    Aucune solution politique ne guérira l'économie, seul une organisation citoyenne de masse pourra changer le cours des choses, mais la Mondialisation est convaincue et à juste titre, que jamais les citoyens ne seront capables d'être solidaire comme elle l'est.
    Lire Le MEDEF « Dame Justice, aucune loi n’interdit à la Mondialisation de détenir la totalité de l’argent mondial ! » au http://0z.fr/F7OCN ou "Le Siècle, le QG de campagne de Nicolas Sarkozy, de François Hollande et de François Bayrou !" au http://0z.fr/8gdXl ou DSK : "L’Euro c’est un succès total, la perfection même de la malhonnêteté intellectuelle, économique et de la malveillance sociale!" au http://0z.fr/r2SY5 sur L'Abolition de la Raison, le roman de la psychiatrie de la mondialisation et de ses collabos, les politiques.

    RépondreSupprimer
  12. @ Laurent Pinsolle Vous posez la question de savoir si nous devons aller vers plus d'intégration ou s'il faut revenir à des monnaies nationales. Sérieusement, comment voulez-vous aller vers plus d'intégration dans une Europe aussi diverse ? Comment allons-nous harmoniser les règles économiques, sociales, environnementales ... ? En choisissant de les aligner sur le moins disant, la moyenne ou le plus disant ? Vous notez vous-même le fossé, qui existe entre les Européens. De plus, imaginons les discussions infinies pour arriver à des textes communs, sans parler des modalités de leur adoption ! Quand on pense que nous n'avons même pas été capables de mettre en place une défense commune ! Il me semble évident que le retour à des monnaies nationales, en dehors du fait qu'il desserrerait l'étreinte de l'euro sur les pays en difficulté, permettrait de travailler à une convergence des politiques communes.

    RépondreSupprimer