samedi 3 novembre 2012

Nicolas Baverez, faux solidaire, vrai faussaire


Il fallait oser ! Pour vendre sa dernière production néolibéralo-déclino-pessimiste, « Réveillez-vous ! » et faire passer sa potion amère, Nicolas Baverez l’habille d’un vernis solidaire dans une interview au Journal Du Dimanche. Mais ce vernis est, bien sûr, totalement illusoire.

Gloubiboulga intellectuel

Tout d’abord, cela montre que sa pensée repose sur une vision complètement caricaturale et déformée de l’histoire. Il évoque « un niveau d’endettement sans précédent des Etats ». Certes, avec environ 90% du PIB de dette pour la France et la Grande-Bretagne et environ 100% pour les Etats-Unis, nous sommes au plus haut depuis quelques décennies, mais Nicolas Baverez ne peut pas ignorer que ces niveaux ont été largement dépassés dans le passé, notamment en Grande-Bretagne, où elle avait atteint 250% du PIB, à une époque où les recettes fiscales étaient bien moindres.

Ensuite, il poursuit en affirmant que « la mondialisation (a permis) de dépasser les chocs pétroliers des années 1970 ». On aimerait bien comprendre en quoi, d’autant plus que nous ne sommes pas véritablement sortis de cette crise… Ensuite, nous avons droit à la tarte à la crème la plus répandue de la pensée néolibérale : « la réponse protectionniste est un contresens complet. Elle est le meilleur moyen de relancer une grande déflation mondiale comme dans les années 1930 ». 

Déjà, on ne voit pas comment le protectionnisme peut produire de la déflation. En général, les néolibéraux l’accusent de produire de l’inflation. Ensuite, de nombreux « prix Nobel » (Allais, Krugman) ont bien expliqué que le protectionnisme était une conséquence de la crise des années 1930 et non une cause, comme l’a démontré la Grande Récession d’ailleurs. Enfin, on ne voit pas comment le protectionnisme pourrait être suicidaire pour un pays qui a 70 milliards de déficit commercial.

Décryptage de la pensée néolibérale

Si Baverez appelle à un « nouveau capitalisme plus solidaire » et soutient que « la mondialisation dérégulée est morte », on peine à distinguer la différence avec le discours néolibéral. Il propose un « capitalisme universel (appuyé) sur une coopération entre des grands pôles et un réseau d’agences internationales ». Traduction : les démocraties nationales sont des freins à la libéralisation, il faut les contourner en transférant le pouvoir à des technocrates supranationaux.

Il évoque « le potentiel de croissance avec la nouvelle classe moyenne des pays émergents qui rassemble 1 milliard d’hommes et en comptera 2,5 milliards dans vingt ans ». Traduction : les classes moyenne (et les classes populaires) des pays dits développés n’ont rien à espérer. S’appuyant sur un rapport de la Cour des Comptes, il propose « un effort de 120 milliards d’euros sur cinq ans » pour les finances publiques. Une recette idéale pour tomber dans la dépression et la déflation

Suit un portrait apocalyptique de la France. Si la situation n’est pas brillante, Baverez est bien malhonnête de ne pas noter qu’elle est bien pire dans une grande partie des pays dits développés. Parallèlement, il dénonce un choc fiscal de 65 milliards d’euros depuis 2011, qui va transformer la récession en dépression. Mais sa proposition de coupes de 120 milliards serait un moyen encore plus sûr de tomber dans la dépression, comme l’a récemment expliqué le FMI.

On cherche dans cette interview la moindre once de « solidarité ». Ce faisant, Baverez démontre l’imposture de sa démarche, entre lecture fausse et malhonnête de l’histoire économique, discours exagérément négatif et l’absence totale de propositions autres que plus de libéralisation et moins d’Etat. 

25 commentaires:

  1. Ca me rappelle cet excellent texte de Lordon en novembre 2008, sur "Les disqualifiés", ces experts néolibéraux qui ont vanté pendant 20 ans le modèle qui était alors en train de s'écrouler. Je cite l'extrait savoureux qui concerne Baverez, dont le bouquin que vous citez montre bien, 4 ans plus tard, qu'il n'a toujours rien compris.



    A la télévision, à la radio, dans la presse écrite, qui pour commenter l’effondrement du capitalisme financier ? Les mêmes, bien sûr ! Tous, experts, éditorialistes, politiques, qui nous ont bassinés pendant deux décennies à chanter les louanges du système qui est en train de s’écrouler : ils sont là, fidèles au poste, et leur joyeuse farandole ne donne aucun signe d’essoufflement. Tout juste se partagent-ils entre ceux-ci qui, sans le moindre scrupule, ont retourné leur veste et ceux-là qui, un peu assommés par le choc, tentent néanmoins de poursuivre comme ils le peuvent leur route à défendre l’indéfendable au milieu des ruines.

    Parmi eux, Nicolas Baverez est visiblement sonné et cherche son chemin parmi les gravats. L’effet de souffle a dû être violent car le propos est un peu à l’état de compote : « La mondialisation conserve des aspects positifs », maintient-il contre vents et marée, non sans faire penser à Georges Marchais. Pourtant, lâche-t-il dans un souffle, c’est bien le « capitalisme mondialisé qui est entré en crise », et « l’autorégulation des marchés est un mythe ». Il n’empêche : « Le libéralisme est le remède à la crise . » Or qu’est-ce que le libéralisme, sinon la forme d’organisation économique déduite du postulat de l’autorégulation des marchés ? Peut-être, mais Baverez décide qu’il ne reculera plus d’un pouce là-dessus et qu’il faudra faire avec les complexités de sa pensée : « Le libéralisme n’est donc pas la cause de la crise », quoique par autorégulation interposée il soit le problème... dont il est cependant « la solution » — comprenne qui pourra.

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  2. Beaucoup trop de "penseurs" s'interdisent de penser hors du cadre d'une mondialisation financiarisée qui serait une fatalité, d'une économie qui serait une science exacte ou une machine autonome intouchable par les décideurs politiques. Un pas de côté leur ferait du bien, ça demande néanmoins un effort d'écoute important, trop pour certains !

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  3. Le cas Baverez est un des plus étonnants et sans doute sera-t-il un des plus intéressants à considérer a posteriori pour un historien des idées de la fin du XXIe siècle.

    Son point de départ idéologique est en effet loin d'être complètement aberrant. Sa biographie de Raymond Aron, par exemple, est assez remarquable.

    La question sera: comment est-t-on passé du libéralisme pragmatique très dégrisé d'un Aron à la version néo, dogmatique et sado-masochiste de Baverez?

    Emmanuel B

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  4. Plutot que le Gloubiboulga essayons le Gloubiglouba :

    Tremper les biscuits cuillers dans du rhum dilué et tapisser un saladier comme pour faire une charlotte (le fond et les côtés du saladier).

    Verser un peu de compote de pommes sur les biscuits cuillers.
    Retapisser des biscuits cuillers ramollis avec le rhum et l'eau.
    Verser la préparation de pudding parfum chantilly.

    Et continuer de cette manière jusqu'au bord du saladier terminer par une couche de compote de pommes.
    Saupoudrer de cannelle.

    elle est pas belle la vie ?

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  5. En forçant le trait, on pourrait parler de schizophrénie.
    Au fond de lui il comprends que quelque chose ne tourne pas rond dans la mondialisation liberale. Mais un retournement idéologique demande tellement d'efforts...

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  6. Les constats de Baverez ne sont pas tous mauvais.

    Le libéralisme trouve pour partie ses origines dans Montesquieu et le XVIII ème siècle. Actuellement nous sommes loin du libéralisme de cette époque qui n'était pas le laisser faire, mais d'assurer des contre pouvoirs aux pouvoirs en place. C'est pourquoi je pense que nous n'assistons pas des politiques libérales, ultra ou néo, actuellement, mais à un simple capitalisme oligarchique.

    Utiliser le bon vocabulaire c'est important.

    Sinon, le Luchini de l'économie, Lordon avec son humour ciselé en habille quelques uns pour l'hiver :

    http://latelelibre.fr/libre-posts/la-strategie-de-la-vaseline/

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  7. la crise financière partie des Etats-Unis ne peut s’expliquer sans faire ce détour historique. Qu’avons-nous vu? Des membres d’une nouvelle classe sociale, dotée de moyens financiers qui dépassent l’entendement, s’emparer de l’Etat dans le but de le gérer. Ils ne l’ont pas fait pour mettre en oeuvre le grand projet idéologique du grand marché libre. Les membres de cette classe l’ont fait pour que cela puisse leur rapporter le plus d’argent possible, à eux individuellement, et eux en tant que groupes.

    http://www.les-crises.fr/planification-galbraith/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+les-crises-fr+%28Les-Crises.fr%29

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  8. Vous faites trop d'honneur en citant ce monsieur, par ailleurs membre du club Bildeberg.
    A zapper, à éviter.

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  9. Je viens de regarder sa biographie sur wikipedia : on a le droit a l ENA ensuite Cour des Comptes après membre du cabinet de Philippe Séguin, alors Président de l'Assemblée nationale.

    Souvent avec les libéraux qu 'ils soient professeur d université ou autre , la perle revient à Loïc Abadie prof à la Réunion / c' est qu' ils ont tous sucer ou suce le sein de l État Français.


    J' ai toujours travaille pour le prive et que ce soit cadre ou patron de PME, on ressent le stress concernant notre avenir.

    Il faut vraiment avoir une pension ou être payé part l État pour sortir des conneries qui dans la réalité veulent dire de laisser les containers de Shanghai atterrir sur les quai de nos ports sans taxes.

    Voila ce que bientôt les chinois vont nous envoyer :

    http://lexpansion.lexpress.fr/economie/la-chine-peut-elle-vraiment-concurrencer-airbus-et-boeing_242656.html

    Sinon, ce Monsieur est invite partout (presse+ TV ), cela prouve qu'un puissant courant domine notre paysage médiatique

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  10. Bonsoir à tous

    Le film "les nouveaux chiens de garde" montre bien ce puissant courant qui domine les médias, ces experts qui n'ont rien vu venir de la crise et que l'on retrouvent après.
    De façon générale, quelque soit les domaines, il manque de vrais débats dans les médias. Cela pose un problème évident de démocratie.
    Je ne dis pas que les économistes hétérodoxes ont toujours raison, mais il est anormal qu'ils ne soient pas plus souvent invités des grands médias.

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  11. @ Olaf,
    Il s'agit bel et bien d'ultra-libéralisme... les ultra-libéraux sont une "évolution" du libéralisme !
    Les néo/ultra libéraux ne font que pousser toujours plus loin ce que réclamaient les libéraux originels.

    Comme vous l'avez rappelé à juste titre, à l'origine, les libéraux voulaient mettre un terme aux abus du pouvoir en général, et à l'aberration qu'est le droit du prince (qui a tous les droits) en particulier.

    Certains libéraux sont donc passés du refus de l'abus de pouvoir, à "je parle d'égal à égal avec les autorités/pouvoir, et puis à "le pouvoir doit m'obéir".
    (voilà le schéma)

    Je suis d'accord cela dit, que les ultra-libéraux ne sont pas "libéraux", en fait ! bien qu'ils justifient toutes les mesures qui servent leur intérêt particulier bien égoïste par l'idéologie libérale.

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    1. C'est vrai, en fait ils ont travesti le terme de liberalisme comme ils ont travesti tant d'autres termes comme la liberté, ou dernièrement la "regle d'or" qui était un beau principe à la base.
      Aujourd'hui on confond le liberalisme avec le libertarisme de droite alors qu'il y'a 20 ans peut être même juste 10 ans, un keynesien était considéré comme un liberal. D'une certaine tendance certes, mais incontestablement dans la sphere liberale.

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  12. Je ne suis pas trop surpris. Je constate que de plus en plus de gens commencent à découvrir la réalité du projet mondialiste et ses promoteurs doivent commencer à s'inquieter. C'est plutot bon signe...

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  13. C'est probablement banalement un universalisme de droite du bassin parisien, au service de l'inégalité sociale. Nos technocrates apatrides en sont la traduction concrète. On retrouve cette mentalité chez Attali, chez des jeunes de l'UMP également. C'est l'inverse, socialement, du parti communiste de la grande époque. Il s'agit, très exactement, de libertaires libéraux. Ils peuvent aimer eux-mêmes, la France, l'Europe et l'humanité. Les jeunesses girondines de classes moyennes nous produisent l'amour de leur région et de l'Europe. Deux délires conformistes issus de leur inconscient et totalement délirants.
    Ce serait impressionnant que les élites françaises donnent l'armature intellectuelle d'un nouveau capitalisme mondialisé mais cela devrait se heurter aux nationalismes, patriotismes ou différentialismes.
    Avec la disparition du patriotisme chez nous, il faut nous faut refonder une nouvelle combinaison de l'égalité et de la liberté. Je n'ai pas l'impression que nous ayons beaucoup avancé sur ce point. Nous sommes surtout contre les deux autres camps, nous ne faisons pas rêver, nous ne donnons pas d'espoir.
    Jard

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  14. Abd_Salam

    Je pense que nous sommes d'accord, le pseudo néo libéralisme est en fait un néo aristocratisme, sous forme discrète de lobbyisme. Mais le protectionnisme est tout autant sous la coupe du risque des lobbies. On peut changer les appellations, mais les pratiques de couloir et d'influences ne changent pas. Le problème est là.



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  15. @ CyrilCG

    Très juste.

    @ Emmanuel

    Pour Généreux, c’est Darwin + les mathématiques appliquées à l’économie.

    @ TeoNeo

    Lui, il est mal parti

    @ Olaf

    Personne ne dit toujours que des choses intelligentes ou que des choses stupides. Bien d’accord pour le libéralisme. C’est pour cela que je critique le néolibéralisme

    @ Abdel

    Pas faux sur les néolibéraux qui sont parfois payés par l’Etat.

    @ André

    Très juste. Il faudrait de véritables débats.

    @ Abd Salam

    Bien d’accord

    @ Cliquet

    Cela progresse en effet

    @ Jard

    Mais aussi une partie du PS… Très juste sur l’espoir

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  16. Le libéralisme est une pensée trop complexe pour être confiée aux seuls libéraux. Que ce soit le libéralisme politique comme l'économique. Le libéralisme économique le plus complet ne s'épanouit mieux que dans des dictatures comme celle de Pinochet au Chili 1973-1990 et dans la dictature capitalo-communiste en Chine.

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  17. Tout cela est un allez simple vers un régime extrémiste analogue au régime nazi. Il serait fort intéressant de voir le rôle des politiques économiques de l'époque dans la montée au pouvoir d'Hitler.

    Le discrédit qui frappe les partis modérés quand ils défendent l'austérité est terrible. Il ne va que rester des extrémistes avec une crédibilité politique. Ce schéma rend bien compte de l'arrivée au pouvoir d'un Adolf Hitler.

    Selon mon idée, Baverez et analogues nous mènent vers cette catastrophe.

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    1. Les séquences historiques se repètent-t-elles ?

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    2. Il ne s'appellera pas Hitler. Son parti ne sera pas le partie nazi. Son bouc émissaire ne sera pas juif. Bien d'autres différences seront là.

      Il reste le fait que les modérés sont discrédités par une politique économique "rationnelle" et que la population portera ses votes sur autre chose.

      Ma réponse est oui, pour le processus (faudrait voir si les politiques économiques des années 30 ressemblent à l'actuelle), non, pour les détails. Le résultat s'annonce catastrophique.

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    3. Dans ce cas il faut aussi considérer la période 1780 l'oligarchie actuelle ressemble bigrement a une certaine fausse noblesse de l’époque

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  18. Est ce que ce blog est censuré dès lors qu'on exprime pas le goût de la pensée libérale (malgré tout la votre, quand même), et qu'on propose un avis, plébéien, certes, mais qu'on a pris la peine d'argumenter ???
    C'est ce que je vous demande, Monsieur Pinsolle, moi qui lis régulièrement votre blog, et avais décidé pour la première fois d'émettre un bémol, réfractaire, certes, mais peut être partagé par d'autres, vous paraissiez pourtant demander le débat...
    Pour un coup d'essai, c'est un coup de maitre, car on dirait que vous avez décidé de ne pas publier ce que j'avais édité en deux temps, y avait il là dedans quelque chose qui méritait qu'on ne le lise pas, ou simplement, comme c'est de mise le plus souvent un peu partout aujourd'hui, n'y a t il ici, sur votre blog, de place que pour ceux qui partagent le même avis ?

    Bien tristement surprise,

    Cath - Anonyme

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  19. Toutes mes excuses les plus plates, Monsieur Pinsolle, je me suis gourré de fil... Pfff, j'ai honte, il me faut changer de lunettes et de doigts tout simplement !!! Quoiqu'il en soit, je suis bien heureuse de m'être trompée, sur le comportement dont je vous ai sottement soupçonné.

    Encore une fois sincèrement désolée....

    Cath - Anonyme

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