dimanche 7 avril 2013

L’UE défend ses intérêts et ceux de ses amis, pas ceux des peuples


Dans la mythologie fédéraliste, l’intégration européenne serait le meilleur moyen pour défendre nos intérêts car cela nous permettrait d’avoir du poids face aux Etats-Unis ou la Chine. Outre le fait que de petits Etats parviennent à tirer leur épingle du jeu, tout dépend des intérêts alors défendus…

Quand l’UE se défend elle-même

C’est un point qui est insuffisant compris. Les institutions européennes ne cherchent pas à protéger les peuples dans cette crise : elles cherchent à se protéger elles-même. Il y a un énorme vice de forme dans cette construction artificielle, à savoir que si la solution à la crise est un démantèlement de l’euro, il est bien évident que la Commission Européenne et la BCE refuseront une telle issue, qui équivaut à une forme de suicide politique. Elles préféreront essayer de faire de fonctionner par tous les moyens possibles cette construction baroque pour se sauver eux-même.



C’est bien pour cette raison que l’action des institutions européennes est aussi désordonnée et incohérente, comme on a pu le voir à Chypre. Elles cherchent simplement à sauver leur peau et sont prêtes à tout pour le faire. D’où l’incroyable proposition de taxer à 6,75% tous les dépôts des petits épargnants, ce qui remettait en cause la garantie des dépôts de moins de 100 000 euros. D’où la création ad nauseam de 1000 milliards d’euros pour refinancer les banques, en contravention complète avec le mandat de prudence monétaire des statuts de la BCE. D’où le discret plan d’aide à l’Irlande

Alors, bien sûr, tous les gouvernements au monde font cela et cherchent à être réélus. Mais, il y a une grande différence entre eux et les eurocrates : la responsabilité démocratique. Les politiques répondent de leurs actes devant les électeurs et subissent la pression de l’opinion. Les eurocrates indépendants et irresponsables n’ont pas à se soucier de son opinion de la même manière, particulièrement la BCE, enfermée dans sa tour d’ivoire. D’où un problème de responsabilité quand ils utilisent leurs immenses moyens pour se sauver eux-mêmes, quitte à torturer les peuples.

Pire, quand on en vient aux solutions à la crise, elles consistent invariablement en un renforcement des pouvoirs centraux européens. Pourtant, plus le processus d’intégration avance, plus la situation se déteriore. Mais quelque soit le sujet, les eurocrates proposent toujours d’augmenter leur pouvoir. On peut soupçonner qu’il s’agit plus d’une simple quête de pouvoir personnel qu’un vrai désir de résoudre des problèmes qui seraient mieux gérés à leur échelle qu’à leur échelle nationale. Et ce mélange des genres est profondément malsain : tout le monde oublie que l’eurocratie est juge et partie ici.

La finance plutôt que les peuples

En outre s’ajoute le problème est que l’eurocratie a clairement choisi la finance et les multinationales contre les peuples. On peut le voir dans presque toutes ces décisions : quand la Commission se fait l’exécutrice du lobby des OGMs pour essayer d’imposer leur culture, contre la volonté des peuples et des gouvernements, quand elle accepte la logique du moins-disant sanitaire en laissant rentrer la viande lavée à l’acide des Etats-Unis. C’est cette Europe qui sanctifie l’anarchie financière qui profite aux parasites fiscaux et l’anarchie commerciale qui provoque délocalisations et baisse des salaires.

De même, la Commission et la BCE ont une complaisance scandaleuse à l’égard de la finance. Elles ont longtemps refusé de restructurer la dette grecque, voulant faire peser sur les seuls citoyens le terrible ajustement. Il a fallu l’insistance de l’Allemagne et du FMI (pourtant pas des grands progressistes, ni terriblement hostiles aux banques) pour aboutir à une telle solution. La BCE a tout de même fourni 1000 milliards de liquidités aux banques sans la moindre contrepartie. Et les plans européens épargnent au maximum le secteur financier, au contraire de l’Islande.

La post-démocratie pseudo-éclairée des experts européens a démontré dans cette crise toutes ses limites. Elle méprise l’avis de peuples qu’elle torture pour essayer de se sauver elle-même et protéger ses amis. C’est bien pour cette raison qu’il faut la détruire.

9 commentaires:

  1. L'Eurocratie et la bureaucratie qui va avec cherchent en effet à croître, notamment en recrutant, dans chaque bureau, des "collaborateurs" pour déféquer de nouvelles normes et de nouvelles directives. Plus il y a de nouvelles contraintes ubuesques, plus il faut recruter des parasites pour les suivre ; pour s'occuper, ils en pondent de nouvelles et ainsi de suite. Au passage, ces fonctionnaires inutiles se gardent bien de s'appliquer l'ultralibéralisme et la concurrence qu'ils veulent imposer aux autres.

    La meilleure analogie pour l'eurocratie est celle du cancer : rien n'arrêtera cette saloperie si ce n'est la mort de l'organisme dont elle dépend : espérons donc que leur Europe soit en phase terminale et crève le plus rapidement possible.

    Et encore... Dans le cas du Diable de Tasmanie et d'un cancer de l'utérus des chiennes, on a des cas de cancers contagieux...

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  2. Par exemple il ne faut compter sur les dirigeants chypriotes pour sortir de l'euro, car eux, des euros, ils en ont plein les poches. Retirés à temps des banques avant les prélèvements sur les dépôts, où ayant même effacés sur leurs dettes aux dites banques. Citation de l'article de Philippe Béchade ci-dessous :

    http://la-chronique-agora.com/requiem-chypre/

    « Plus distrayant encore, d’autre rumeurs font état de transferts massifs de capitaux opérés fin février/début mars par des proches de l’ancien président mais également de celui récemment élu. Il y aurait également l’effacement inexpliqué de nombreuses dettes contractées par des hommes politique chypriotes auprès des banques locales… au prétexte que le remboursement ne leur était pas réclamé.Voilà un moyen simple et efficace de toiletter les comptes bancaires ! Hop, d’un simple coup de gomme, on s’épargne des procédures de recouvrement fastidieuses et inutiles.

    Si nous résumons la situation, les milliardaires fuyant le fisc russe et certaines catégories d’emprunteurs un peu “particuliers” vont certainement s’en tirer sans trop de casse. Ce sont les simples particuliers ou les entreprises chypriotes qui vont devoir financer la quasi-totalité du renflouement de l’état et du système bancaire.Du coup, ce ne sont plus 30% qui vont être ponctionnés en moyenne au-dessus du seuil des 100 000 euros mais au minimum 60% — voire la quasi-totalité de leurs avoirs pour les déposants de la banque Laiki en liquidation (les économies de toute une vie pour nombre de retraités, ou la trésorerie de nombreuses entreprises qui vont pouvoir mettre la clé sous la porte dès ce mardi). »

    Saul

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  3. @LP,

    Voilà une bonne raison - une de plus - de sortir directement de l'UE (cadre institutionnel et politiques libérales) sans tenter préalablement de réformer un système à vocation fédérale qui est totalement irréformable.

    Merci pour cet article !

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  4. Bonjour,

    Il me semble qu'il y a une raison supplementaire a la "mauvaise" gestion de la crise par l'UE (que je crois avoir lu plusieurs fois sur le web, peut-etre ici, ou chez Sapir, ou des blogs plus a gauche): la crise est une opportunite pour les elites pour faire passer les mesures liberales (privatisations, baisse de la secu, des retraites, ...) !

    Cela rejoint la theorie du choc de N. Klein (qui me semble en grande partie justifiee).
    D'ailleurs, il me semble que Krugman fait parfois la meme analyse pour les USA (et pour l'Europe): si les republicains US ou les austeritaires europeens pronent toujours les memes recettes, malgre leur peu d'efficacite, c'est que cela fait partie depuis longtemps de leur agenda...

    Le "plus" de l'Europe, c'est que les "elites" ont trouve un organe externe qui permet d'appliquer ce programme en toute impunite: on n'a pas besoin de tenir compte des oppositions, on fait du chantage lors des plans d'aides, au besoin, les politiciens se servent de l'UE comme d'un bouc emissaire facile alors que ce sont eux qui ont mis en place ce systeme ou qui votent les decisions au conseil europeen !
    La cerise sur le gateau, c'est que l'on peut napper tout cela de bons sentiments: pour la paix en Europe.., l'ouverture au monde, ...

    Donc ce n'est pas seulement que la bureaucratie europeenne veut etendre son pouvoir (comme tous les pouvoirs ! donc c'est previsible et peu surprenant), c'est aussi que ce systeme arrange beaucoup une grande partie des classes dirigeantes nationales ! (Sinon, cela ne fonctionnerait pas aussi bien).

    Donc il faut garder a l'esprit que s'il ne faut pas faire confiance aux autorites UE, les elites nationales sont plus que complices et sont a l'origine du probleme...

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  5. le système eurocratique a des puissants relais locaux, politiques et médiatiques, en France par le PS et l'UMP servis par le mode de scrutin et son plafond de verre qui empêche toute vraie alternance politique que ce soit Nicolas Dupont-Aignan ou MLP.

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  6. Le politologue bulgare Ivan Krastev a publié de remarquables analyses de la crise européenne, centrées sur la question du déficit démocratique et de la gestion de la défiance par les élites politiques. Dans une étude publiée en septembre 2012, il s’efforce de mettre en parallèle la désintégration du bloc soviétique et la crise politique actuelle de l’Europe : « The Political Logic of Disintegration: Seven Lessons from the Soviet Collapse » (http://www.ceps.eu/book/political-logic-disintegration-seven-lessons-soviet-collapse).

    L’Allemagne, note Krastev, est perçue comme la seule vraie puissance européenne surnageant au cœur de la crise, et l’exemple par excellence de « ce qui marche » en Europe. De ce fait, la question de savoir si l’union de l’Europe survivra aux difficultés actuelles équivaut à s’interroger sur la capacité de l’Allemagne à imposer à tous sa stratégie de transformation d'une « Europe des solidarités » en « Europe des règles». L’expérience de la transition post-communiste en Europe de l’Est explique la stratégie choisie par l’Allemagne : l’intervention extérieure (sous forme d’aides associées à de puissantes contraintes) comme instrument de modernisation des États, notamment dans le sens de leur responsabilisation fiscale. Mais la transposition de cette stratégie à l’Europe du Sud est évidemment problématique.

    Tout d’abord, parce qu’il existait dans l’Europe post-communiste un puissant consensus négatif sur la période antérieure. Ensuite, parce que la transition y est apparue comme débouchant sur un réel progrès de la démocratie. Enfin, parce qu’elle s’est accompagnée de l’émergence de nouvelles élites et d’un puissant espoir quant à l’avenir. Toutes conditions qui apparaissent comme absentes en Europe du Sud actuellement : les peuples n’ont pas le sentiment d’être des acteurs de la crise, mais de la subir ; ils vivent les transformations qui la caractérisent comme une perte ; les jeunes tout spécialement y apparaissent sacrifiés. Comment l’optimisme quant à la pertinence des solutions libérales pourrait-il enfin l’emporter, quand le malaise européen est perçu comme une manifestation particulière d’une crise générale du capitalisme et de la démocratie libérale ?

    Davantage pourtant que le risque d’une vague populiste renversant les gouvernements en place, c’est la défection d’au moins une partie des élites elles-mêmes qui pourrait conduire l’Europe à sa désintégration. L’UE est née comme un projet des élites soutenu par le respect de ces dernières pour les formes démocratiques ; aujourd’hui, il est devenu un projet des élites menacé par la peur que leur inspire la démocratie. Incapables de mettre en place une véritable démocratie européenne du fait de l’absence de « demos » européen, effrayés par la montée en puissance des populismes anti-européens au niveau national, beaucoup de politiciens européens sont intellectuellement prêts — qu’ils le fassent savoir ou non — à tourner le dos à l’Union.

    La stratégie qu’ont privilégiée les dirigeants européens consiste à fixer des contraintes collectives privant les décideur politiques de leur rôle central (notamment par le biais de la constitutionnalisation de règles de discipline fiscale), dans le but d’alléger la pression démocratique exercée sur eux. Mais à supposer que les résultats escomptés tardent à se manifester, cette rigidité pourrait accélérer le processus de décomposition de l’Union au lieu de la renforcer. « It is now clear that the EU cannot survive with a common currency not supported by a common treasury. But could it survive as a union of austerity states where the economic decision-making is taken out of electoral politics and where identity politics is all that is left in politics? The popular response to ‘there is no alternative’ can readily become ‘any alternative is better’. ».

    YPB

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  7. @ Saul

    Tout ceci montre que le système est profondément pourri.

    @ Jaurès

    De rien

    @ Anonyme

    Sur la théorie du choc, je crois qu’elle est en grande partie involontaire de la part des politiques (à savoir qu’ils pensent que c’est la seule chose qu’ils peuvent faire dans un tel contexte). Après, je ne crois pas qu’il y ait un grand dessein et une crise organisée pour permettre une telle régression sociale.

    C’est un mélange de dogmatisme et de conformisme intellectuel. Sur l’Europe, je suis bien d’accord, cela facilite grandement le passage de ces politiques. Et je suis d’accord pour dire que ce partage des responsabilités est commode pour certains gouvernements car cela permet de rejeter la responsabilité sur d’autres.

    C’est pour cela que 100% de la responsabilité doit incomber aux gouvernements nationaux.

    @ Cording

    Bien trop tôt pour juger s’il y a un plafond de verre au-dessus de NDA. Notre première campagne nationale, c’est 2009…

    @ YPB

    Excellent résumé. Comme vous, je pense ce qui pouvait marcher à l’Est (grâce au rattrapage économique) me semble plus aléatoire dans la partie occidentale…

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  8. Le problème allemand par Bertrand Renouvin

    http://www.bertrand-renouvin.fr/le-probleme-allemand/

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  9. suite a mon post de 11:55,

    Je crois que vous etes un peu optimiste (LP) sur les buts des dirigeants. Bien sur, personne ne pense que les dirigeants font expres de monter le taux de chomage a 25% ou 30% dans certains pays du sud, mais simplement qu'ils en profitent pour faire passer des mesures prevues de longue date. (De meme, dans la theorie du choc, les chocs peuvent etre involontaires, comme des catastrophes naturelles.)

    C'est particulierement evident pour l'UE, dans un autre registre, ou toutes les crises servent de "pretexte" a certains pour reclamer plus de federalisme, quelque que soit la nature du pb.

    Je crois que ce n'est pas que du conformisme. Il y a des interets plus forts (voire des interets de classe, si j'ose les gros mots). Il me semble clair que bcp d'europeistes (pas tous), comme Monti, Goulard, Quatremer, Cohn-Bendit, Lamassoure, milieux d'affaire, ..., ne sont pas pro-UE MALGRE son caratere libre-echangiste/liberal/... mais AUSSI a cause de cela.
    C'est particulierement clair par ex. pour J. Quatremer, qui se felicite regulierement de ce que l'UE peut contraindre la France a plus de liberalisme/flexibilite/....
    Pour bcp "d'experts", le mot "colbertisme" est une injure et l'UE sert aussi a "reformer" la France.

    D'ailleurs, malgre tous leurs discours sur la paix, etc..., je soupconne que bcp de ces gens seraient bcp moins pro-UE si l'on construisait une UE tout aussi pacifique mais moins libre-echangiste/liberale et plus protectionniste/colbertiste.

    Donc s'il y a une grosse part de conformisme, il y a aussi une part volontaire et tout a fait consciente (je ne crois pas que Minc ou Lamy soient surpris/decus de la politique UE, au contraire cela va dans le sens qu'ils esperaient.... et ils/leurs amis ont tout fait pour cela).
    Il n'y a pas besoin de croire aux theories du complot pour penser que des interets collectifs existent (differents pour differents groupes sociaux) et influencent le cours des choses, sans meme que les acteurs aient besoin de se concerter dans des reunions obscures.

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