mercredi 26 juin 2013

Les critiques légitimes mais incohérentes du PS contre Barroso



C’est déjà le 3ème épisode de cette mauvaise comédie où l’équipe aux affaires en France et la Commission Européenne échangent des amabilités. Une critique qui n’est pas injuste, mais qui pose problème dans la mesure où c’est bien le PS (entre autres) qui lui a donné ses pouvoirs, comme j'en ai débattu hier sur France 24 : partie 1 et partie 2.



Une tragi-comédie en trois actes

Sur le fond, François Hollande et son gouvernement n’ont pas tort quand ils critiquent les prises de parole de la Commission Européenne, qui s’était illustrée sur les propos de Nicolas Sarkozy sur les roms. Le premier épisode, fin mai, a eu lieu quand les eurocrates avaient publié un rapport qui donnait une feuille de route détaillée pour le gouvernement français, s’attirant la colère de François Hollande qui avait alors déclaré que « la Commission n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire », étant donné son bilan désastreux dans la zone euro, comme le reconnaît même le peu progressiste FMI.

Puis, nous avons eu droit à la déclaration totalement hallucinante de José Manuel Barroso dénonçant le caractère réactionnaire de la position française consistant à défendre notre exception culturelle. François Hollande a décidé de pratiquer la politique de l’autruche devant cette provocation inexcusable de la part de celui qui doit négocier en notre nom de le très dangereux traité transatlantique de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union Européenne, au sujet duquel Jean Quatremer a souligné le danger « d’abandonner le modèle européen au profit du modèle du tout marché ».

Cette fois-ci, c’est Arnaud Montebourg qui a déclenché les hostilités en faisant de Barroso « le carburant du Front National » et de la « façon dont l’UE exerce une pression considérable sur les gouvernements (…) la principale cause de la montée du Front National ». Le président de la Commission Européenne a répliqué en disant que « quand il s’agit de réformes économiques, d’ouverture, de mondialisation, de l’Europe et de ses institutions, certains souverainistes de gauche ont exactement le même discours que l’extrême-droite », s’attirant à nouveau des critiques de la gauche comme de la droite.

Incohérence à Paris, tyrannie à Bruxelles

Sur le fond, les propos tenus par José Manuel Barroso sont extrêmement critiquables. Pour moi, François Hollande devait exiger des excuses suite à ses propos sur la position « réactionnaire » de la France. Un fonctionnaire qui a en charge un mandat confié par des gouvernements démocratiquement élus n’a pas à critiquer ce mandat publiquement. Il doit l’exécuter fidèlement, et ne pas servir l’agenda d’une puissance extérieure, comme semble le faire le président de la Commission, ce qui a été souligné par le Monde, qui n’est pourtant pas le critique le plus acerbe de l’UE.

Jean Quatremer a raison de dire que « cette harmonisation risque de se faire par le bas, les (Etasuniens) étant bien moins protecteurs que nous dans tous les domaines. Bref, un compromis se soldera forcément par un alignement du modèle européen sur le modèle (étasunien) ». Mais comme le souligne justement Coralie Delaume, citant Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». En clair, il est un peu fort de café que ceux qui défendent depuis des lustres cette UE viennent aujourd’hui critiquer le produit des traités qu’ils ont soutenus.

Car c’est bien le gouvernement Hollande, dont Arnaud Montebourg est un membre, qui a fait voter le fameux TSCG et accepter le two pack, ces prodédures qui mettent les budgets nationaux sous coupe réglée et qui prévoient que la Commission se mèle des politiques nationales. Et si Jean Quatremer a raison de dire que cet accord risque de promouvoir le moins-disant en matière de qualité, il devrait reconnaître qu’il ne fait que reprendre les analyses que nous faisons depuis toujours, quand nous dénonçons la promotion des OGM, l’autorisation des farines animales ou du poulet lavé à l’acide

Barroso est sans doute un carburant du FN pour reprendre l’expression d’Arnaud Montebourg, mais faisant partie d’un gouvernement qui a construit les pompes qui le distribuent, il n’est pas moins responsable du succès d’un parti qui surfe sur la colère légitime des Français contre cette mauvaise Europe.

10 commentaires:

  1. Le seul espoir est que cela finisse par decredibiliser le PS et l'Europe, en ouvrant les yeux des europeistes de gauche...

    Le "debat" sur France 24 n'est pas terrible...
    La dame du "Think Tank Different" (deja le nom est tout un programme: allegeance a la pensee unique liberale/atlantiste) est exasperante.
    Elle est presentee comme "de gauche" mais on se demande ce qui la separe de Barnier ou Madelin.
    Et la rituelle "ouverture a l'AUTRE" employee systematiquement par tous ces apparatchicks pour noyer le poisson et delegitimer toute opposition est exasperante/affligeante.
    Elle est bien partie pour se faire inviter regulierement a la tv...

    Je crois que la mouvance euro-sceptique manque de representants "bon client tv", qui fassent le buzz et soient invites par les medias pour faire le "show", un peu a la maniere de Todd, Melenchon, J.F. Khan,... Il faudrait plus de personnes respectables/respectees (i.e., hors FN et avec eventuellement des qualites professionnelles reconnues, qui puissent "parler" a tous les publics) mais qui aient aussi un cote "grande gueule" ou "show-man" pour etre souvent invites et marquer les telespectateurs.
    (Evidemment, il faut faire attention au risque de derapage si on envoie une "grande gueule" inexperimentee.)

    Meme a l'extreme gauche, ou le "public" est a priori tres ideologise et peu sensible a la personnalisation, on a bien vu qu'avoir des "figures" comme Laguiller ou Besancenot fait une difference.

    (Ce n'est pas une critique pour vous, car c'est bien d'avoir aussi des gens serieux comme vous, mais je crois qu'avoir des visages bon client tv aide fortement, surtout au debut pour se faire connaitre.)

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  2. Vous devriez peut-etre sauvegarder sur un disque dur/clef usb quelques citations de
    J. Quatremer pour les ressortir en 2014 (son site peut disparaitre ou perdre ses archives d'ici-la a cause de changement de logiciels, pannes, etc...).
    Cela pourrait etre utile pour varier les sources et montrer que meme des europeistes convaincus reconnaissent que tout n'est pas parfait dans l'UE...

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  3. @ Anonyme

    Je pense qu'il ne faut pas seulement faire du buzz. il faut aussi des personnes plus rassurantes de manière à ce que les Français ne soient pas seulement conscients des problèmes posés par le système actuel mais soient convaincus du fait qu'il est possible de mener des politiques différentes. En rester à de la protestation qui buzz n'abattra pas ce système qui peut tenir avec le discours TINA (Il n'y a pas d'alternative). Pour dépasser la simple protestation et le renverser, il faut être crédible à mon sens.

    @ Anonyme

    Bien vu. Mais globalement, le discours évoluent. Même le Monde devient de plus en plus critique.

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  4. Je ne suis pas d'accord. Je trouve qu'il y a trop de grande gueules qui l'ouvre pour dire des choses approximatives. Je suis peut être naif sur le niveau intellectuel des français, mais je pense qu'une bonne partie attends au contraire des politiques posés, construits, respectueux, nuancés...

    Evidemment, devant ces gens exaspérants qui simplifient, déforment, caricaturent... (cette politologue fait un peu pitié, pour le coup elle ne doit pas raisonner beaucoup...) ce doit être assez fatiguant de garder sa rigueur intellectuelle. Mais il faut s'y tenir.

    Notamment Laurent, n'oublie pas de rapppeler chaque fois que tu le peux que l'europe ce n'est pas (que) l'union européenne. C'est affligeant le nombre d'invités qui font l'amalgame...

    Mathieu

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  5. La stratégie qui consiste à mettre en avant des "bons clients des média" pour promouvoir des idées s'entend, mais elle a ses limites. Ce ne sont pas les "grandes gueules" qui feront bouger les lignes, ils serviront au final à alimenter les journalistes avides de buzz.

    La meilleure solution est de s'appuyer sur des exemples concrets, des démonstrations simples(ce qui est/ ce que je propose), qui "parlent" aux Français à condition de pouvoir se faire entendre par le plus grand nombre.

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  6. Bonsoir Laurent

    Je viens d'écouter les 2 parties, c'est toujours pénible de constater que l'on vous coupe la parole.
    En tout cas, chapeau d'être l'un des rares à porter la contestation à la pensée unique.
    Vous avez bien mis l'accent sur la chute vertigineuse où l'on va dans le domaine social, il faudrait leur poser la question, quand le pouvoir d'achat de 90ù des européens va chuter, comment créeront-ils de la croissance?
    Et ce jeu hypocrite: commission ce sont les gouvernements, les gouvernements c'est la commission.

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    1. Méfiez-vous de la communication et de la novlangue, qui nous endorment insidieusement.

      Les gouvernants se moquent comme d'une guigne de la croissance au sens où nous l'entendons, du chômage, de l'appauvrissement des Français, du vote des électeurs et de bien d'autres choses encore. Ce ne sont que des discours creux que les faits contredisent quotidiennement. Voyez et jugez donc d'après les faits et dites stop aux blablas des politiques.

      La seule croissance qui vaille pour les dirigeants européens, aucun doute là-dessus, c'est celle des profits des multinationales, de leurs actionnaires, des banques et des privilégiés. Qu'a réussi Hollande au Quatar ? Il a obtenu la construction du métro pour Vinci. Vinci, vous connaissez, non ? La société qui a été choisi pour construire l'indispensable aéroport de Jean-Marc A. : Notre-Dame des Landes.

      Le bonheur des multinationales suffit amplement à faire celui de nos "élites", qui sont toujours récompensées par les vrais détenteurs du pouvoir (cf. les conférences de l'ex-président rémunérés par Goldman Sachs). L'apparence de la démocratie mérite salaire.

      Par ailleurs, je vous rappelle que, dans de nombreux pays, il n'existe que des très riches et des très pauvres. Alors, pourquoi la France échapperait-elle à ce phénomène ? Serait-elle soumise à d'autres règles ? Cessons de rêver ! Cela n'en sera que mieux pour agir sans attendre.

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  7. Plutot que de continuer à tirer sur le FN, davantage qu'on ne le fait sur l'extrême gauche, c'est plutot nuisible pour notre développement.
    Nous sommes ANTI SYSTEME (UMP-PS-CAC40) En tout cas je le suis.
    Notre objectif que nous n'atteindrons pas seul, c'est de "renverser la table"....
    Empruntons la bonne voie, plutot que de constater et critiquer, constatons et proposons....
    G.P.

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  8. L'explication du comportement de Barroso est simple: il est en fin de mandat pour la Commission Européenne et il guigne la présidence de l'OTAN. Pour un ancien trotskiste, ça fait tache...
    Il a probablement les appuis qui vont bien au CFR au travers du Groupe des Bilderbergs auquel il appartient depuis longtemps.

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  9. @ Mathieu

    Je suis d’accord. Je pense que les Français sont modérés. Très juste sur la distinction Europe / UE.

    @ Démos

    C’est ce que je pense aussi. Les bons clients (MLP, JLM) risquent de rester dans des positions où ils ne peuvent pas prendre la majorité, et donc permettre le maintien du PS et de l’UMP.

    Très juste sur la croissance : aujourd’hui, le système ne fonctionne qu’avec une minorité qui en profite.

    @ André

    Très juste sur les 90%. Nous y sommes.

    @ Gilco56

    OK pour l’anti-système, mais le FN reste un danger pour la France.

    @ Cliquet

    Même le Monde le dit…

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