jeudi 15 août 2013

Quelle politique énergétique pour l’avenir ? (2/2)


Après avoir fait la synthèse des quatres premiers papiers sur l’énergie et étudié les problématiques de sources d’énergie pour le futur, deux questions majeures restent en suspens : le financement, et parallèlement, l’organisation du marché de l’énergie, entre privé et public.



L’impasse de la libéralisation

Depuis les années 1980, les anciens monopoles publics de l’énergie ont été partiellement ou totalement privatisés. EDF-GDF a été coupé en deux, avant que GDF ne fusionne avec Suez. Mais dans certains pays, le marché de l’énergie est encore bien plus fragmenté qu’en France avec de nombreuses compagnies régionales. Néanmoins, cette libéralisation n’est que partielle puisqu’il faut bien conserver un réseau de distribution unique et que l’Etat (via des agences indépendantes) impose des tarifs de gros aux opérateurs historiques pour permettre l’émergence de concurrents privés.



Parallèlement, a été mis en place en Europe un marché du CO2. L’idée, pas inélégante intellectuellement, était de confier au marché l’optimisation de l’effort de baisse des émissions de carbone en émettant des droits à polluer qui pourraient s’échanger, laissant à la main invisible le soin de répartir les efforts. Mais cette expérimentation s’est avérée être une catastrophe. Tout d’abord, tous les secteurs ne sont pas inclus et certains ont fait du lobbying pour être exemptés ou mieux traités, créant une injustice, et limitant la portée du projet. Ensuite, ce marché pénalise la production locale par rapport aux importations, qui ne la paient pas. Enfin, les variations de prix pénalisent les investissements.

Enfin, on ne peut pas dire que la libéralisation du marché de l’énergie soit un franc succès. Même The Economist, dans sa période de remise en cause du marché en 2009, avait admis que le secteur privé était mal adapté pour assurer un service optimal de production d’énergie avec les contraintes de rentabilité qui rendent plus difficiles les investissements à long terme. Pire, on voit bien que la concurrence n’est pas naturel pour le secteur de l’énergie qui est un monopole naturel. Résultat, l’Etat organise une concurrence factice et artificielle, qui revient souvent à pénaliser le ou les opérateurs historiques. Pire, cette mise en concurrence aboutit en général à une envolée des tarifs. Enfin, l’épisode de Fukushima incite à maintenir dans le giron de l’Etat les centrales nucléaires.

Du besoin d’Etat

Quand on prend conscience de la nécessité de la transition énergétique et des montants considérables des investissements nécessaires (600 milliards sur 10 ans selon la FNH, à laquelle a contribué André-Jacques Holbecq, comme il l’a rappelé hier), il est évident que cela dépasse complètement les capacités de financement du secteur privé. L’exemple du solaire montre les limites des mécanismes où l’Etat sous-traite la transition à des opérateurs privés. Pour ce faire, des subventions massives sont mises en place, mais cela peut avoir un coût considérable et aboutir à des rentes totalement indues, qui sont alors remises en question, créant une incertitude peu propice à l’investissement.

Les investissements dans les nouvelles technologies, quand elles ne sont pas rentables à leur démarrage, doivent être faits par le secteur public, à moins d’accorder ensuite des rentes totalement excessives aux opérateurs privés. Si le secteur privé sera bien évidemment utile pour innover, en matière d’investissements, seul l’Etat pourra faire les efforts de long terme pour assurer à notre pays un portefeuille énergétique sûr, respectueux de l’énvironnement, diversifié, à coût raisonnable et qui assure notre indépendance. C’est pour cela que je crois qu’il faut rétablir le monopole d’EDF et de GDF sur la production et la distribution de l’électricité et du gaz et fusionner ERDF et EDF. De même, également comme proposé par NDA en 2012, il convient de monter la participation de l’Etat dans Total.

Des investissements gigantesques seront nécessaires pour développer les substituts au pétrole tout en travaillant sur les centrales nucléaires de 4ème génération qui doivent répondre aux problèmes posés par les centrales actuelles (risques en cas d’accident, déchets radioactifs et dépendance à l’égard de l’étranger pour l’uranium) tout en développant des moyens de stocker l’énergie qui donneront plus d’intérêt à la production des éoliennes et des panneaux solaires. Parallèlement, il sera peut-être possible et nécessaire d’exploiter des gaz de schistes (si nous parvenons à le faire de manière propre) pour faciliter la transition. Les montants nécessaires seront considérables et imposeront de passer par des moyens de financement non conventionnels (monétisation par l’Etat) et font de la coopération européenne sur des projets de développement de nouvelles technologies une solution souhaitable.

Face aux enjeux actuels, tout montre que le secteur privé, logiquement préoccupé par son seul profit à court terme, ne sera pas à la hauteur. Le seul et unique moyen de préparer la transition énergétique dans le sens de l’intérêt général est que l’Etat reprenne la main sur notre politique énergétique.

12 commentaires:

  1. @Laurent Pinsolle,
    vous faites bien de parler d'EDF-GDF comme on disait dans le temps! Avec la privatisation des autoroutes françaises, la scission puis la privatisation de ces deux entités est le crime économique (oui crime) le plus inexpiable commis par votre ancien mentor Villepin!
    Pourquoi avoir bradé GDF à Suez? Pourquoi avoir scindé deux entités qui étaient en synergie depuis la fin de la deuxième guerre mondiale? Nous avions à notre disposition, Français, l'association la plus efficace tant d'un point de vue progrès technique, que du service (rappelons nous l'efficacité des électriciens et des gaziers EDF-GDF lors de la tempête de décembre 1999), et le tout à un prix défiant toute concurrence!
    Ce n'était pas assez pour nos technocrate bruxellois, puisque cela infirmait le principe que les monopoles étaient inefficaces et chers, et que la concurrence, c'était tout le contraire! Alors, il a fallu casser et privatiser, par dogme, et uniquement par dogme, et ceux pour spolier les Français de deux entreprises auxquelles ils étaient attachés...
    Quand je pense à la parle de privatisation d'EDF et GDF, j'entre dans une rage folle car on littéralement saboté l'un des atouts économique et social du pays (en gros, l'énergie bon marché) pour faire plaisir à une poignée de rentiers, le tout au nom déguisé sous le vocable de concurrence libre et non faussée...

    CVT

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  2. C'est au Sommet de Barcelone en mars 2002 sous Lionel Chirac et Jacques Jospin qu'a été décidé la privatisation du secteur de l'énergie soit EDF-GDF au principe que la concurrence allait faire baisser les prix. Onze ans plus tard tout le contraire a eu lieu donc il faut en tirer la conséquence de la nécessaire renationalisation et fusion d'EDF et GDFSuez!

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    1. Il faut aller beaucoup plus loin car la concurrence n'a jamais fait baisser les prix in fine , c'est une illusion d’économiste qui raisonnent dans un monde merveilleux ,simpliste et inhumain

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  3. E.D.F. n'a t'elle pas conservé son fonctionnement ? ALORS le reproche porte sur quoi ?
    5% plus 5% plus ?????
    Une analyse précise des raisons ????? évoquées ? réelles ? des chiffres s'il vous plait anonyme !!!!

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    1. Voyez les différents articles de ce site :

      http://www.marcelboiteux.com/

      par un bon connaisseur du secteur qui n'a plus grand chose à y gagner.

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  4. Vous devriez, M. Pinsolle, également consulter des associations comme Sauvons le climat ou JM Jancovici.

    http://www.sauvonsleclimat.org/
    http://manicore.com/

    Dans le premier cas, comme il s'agit d'une association de personnes compétentes ayant pour objectif une politique énergétique rationnelle, ils seront sans doute disposés à des échanges.

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  5. anonyme, marcelboiteux ne peut que défendre son entreprise comme le font tous les EDF ?
    Les clients ont quand même des idées sur leurs factures ? ce sont eux qui paient et qui voient !!!!

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  6. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/08/13/20002-20130813ARTFIG00397-quand-l-allemagne-fait-tourner-un-champ-d-eoliennes-au-diesel.php/#xtor=AL-155

    faut il en rire ou en pleurer ?

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  7. @ CVT

    Tout n’a pas été saboté définitivement. La situation reste moins mauvaise qu’ailleurs, même si elle continue de se dégrader. Et on pourra toujours revenir dessus.

    @ Anonyme

    Merci pour le rappel

    @ Gilco56

    Sur tout ce qui se passe depuis, et notamment l’envolée des tarifs, pour les raisons évoquées plus haut. N’oubliez pas que l’envolée des factures vient de la libéralisation…

    @ Anonyme

    Merci pour les liens. J’ai déjà lu certains de leurs papiers.

    @ Patrice

    Effarant de voir les âneries qui peuvent être faites sur le sujet !

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  8. @oui je l'accorde notamment le salaire PROGLIO et même son double salaire !!!, mais pour autant la gestion de cette entreprise ne pose t'elle pas problème sur le dos des consommateurs ????
    N'y a t'il pas un os quelquepart, résultant du passé aussi ? Je ne pense pasquant à moi que le role de l'état est de gérer des entreprises indistrielles, qu'il gère déjà ce qui lui revient.Par contre les monopoles doivent être traités avec CONTROLE stricts, l'état est il placé ?

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  9. Un site intéressant : http://www.lys-ecologique.fr/

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  10. @ Gilco56

    Je ne dis pas que tout est parfait, mais quand on juge la situation pré-libéralisation, il semble que la gestion n’était pas si mauvaise.

    La distribution de l’énergie est forcément un monopole, donc cela doit être du service public

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