dimanche 24 novembre 2013

Fin de l’euro : les options espagnoles et italiennes avancent aussi


Le calme des marchés depuis plus d’un an est trompeur. De manière souterraine, les forces qui vont tôt ou tard mener au démontage de la monnaie unique continuent à se renforcer. Outre l’éloignement progressif de l’Allemagne vis à vis de l’euro, le même phénomène est en marche à Rome et Madrid.



L’Espagne et l’Italie à la dérive

Bien sûr, certains observateurs à courte vue voient dans le rééquilibrage rapide des balances commerciales des deux pays un signe que la situation va mieux. Néanmoins, il s’agit presque du seul rayon de soleil dans une situation très difficile. En outre, cette amélioration vient d’abord de la baisse de la demande intérieure, qui provoque une baisse des importations. Beaucoup de signaux restent extrêmement inquiétants, entre la hausse continue des créances douteuses en Espagne, qui ont atteint un nouveau record en septembre ou surtout le maintien d’un niveau de chômage absolument colossal.

D’ailleurs, à l’occasion de la mise en place de la surveillance des budgets nationaux décidée avec le TSCG, la Commission Européenne a émis des doutes sur la situation de l’Espagne et de l’Italie. Elle a contesté l’hypothèse de croissance de Rome pour 2014. Il faut dire que 1,1%, cela semble optimiste. Et cela pose problème car le manque de croissance a fait exploser la dette, à plus de 130% du PIB. L’Espagne est visée pour ses déficits qui tardent décidemment à se réduire, avec 6,8% cette année. Les marches seront hautes pour atteindre l’objectif de 3% du PIB, fixé actuellement pour 2016.

La 2ème phase de la crise européenne

En fait, il semble que nous sommes rentrés dans une seconde phase de la crise commencée en 2010. Il faut lire l’interview glaçante du ministre espagnol des finances. Il soutient que « l’Espagne est redevenue compétitive ». Même le Monde est contraint de demander « ce retour de compétitivité ne repose-t-il pas trop sur la baisse des coûts ? » et de souligner que cette course mène à des « emplois plus précaires et moins rémunérés ». Le principal objectif chiffré qu’il se fixe, c’est de passer le poids des exportations de 25 à 35 ou 40% du PIB pour avoir plus de croissance que les autres pays européens.

Mais une telle logique est mortifère. Tous les pays ne peuvent pas bâtir leur croissance sur les exportations, et la baisse des salaires déprime la demande ! Comme je l’écrivais en 1997, « la concurrence des politiques budgétaires pourrait entrainer des politiques déflationnistes ayant pour but d’avoir une moindre inflation (…) les risques de politiques récessives et déflationnistes s’en trouveraient augmentés ». Devant ces contradictions, le Telegraph pronostique qu’en absence d’assouplissement monétaire, l’Italie finira pas sortir de la monnaie unique pour reprendre son destin en mains.

Mais l’Espagne est un candidat tout aussi sérieux à un tel scénario quand on prend conscience qu’elle a aujourd’hui le déficit le plus élevé de la zone euro et que l’on constate la fatigue de l’austérité qui s’empare de la Grèce. Il faut rappeler ici que le gouvernement grec a repoussé une motion de censure de justesse au Parlement après la défection d’un 6ème député du PASOK et qu’il n’accepte plus les demandes de la Troïka. En outre, un document de la Commission révèle que les politiques d’austérité ont coûté entre 3,5 et 8 points de PIB de 2011 à 2013 dans la zone euro.

Bref, on constate que les potions amères éprouvent durement les peuples d’Europe du Sud. La question est de savoir qui perdra patience le premier. Les Allemands parce qu’ils auront l’impression d’avoir confié leur monnaie à des irresponsables ou les pays du Sud parce qu’ils auront trop souffert.

12 commentaires:

  1. Parmi les articles d'Ambrose Evans-Pritchard pour le Telegraph, on notera aussi celui-ci, sur les coûts de l'énergie :

    http://www.telegraph.co.uk/finance/financialcrisis/10295045/Brussels-fears-European-industrial-massacre-sparked-by-energy-costs.html

    qui est aussi relayé par Patrick Artus :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=73827

    Pour la France, cela a les implications suivantes :
    - est-ce une bonne idée de fermer Fessenheim, et au-delà de ne pas prolonger la durée de vie des centrales nucléaires ?
    - fallait-il se laisser imposer un quota d'ENR par l'Allemagne, comme l'a fait le faux dur Sarkozy sous les applaudissements des irresponsables européistes du Monde ? (mais le PS tendance Aubry et sous influence verte peut faire bien pire)
    - fallait-il se laisser imposer par la Commission une concurrence contre-productive faisant monter les coûts dans le secteur électrique, comme l'ont fait la gauche et la droite ?
    - et enfin, la question du gaz de schiste : http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/11/21/01008-20131121ARTFIG00842-gaz-de-schiste-des-risques-maitrisables-selon-l-academie-des-sciences.php

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  2. Bonjour, je ne comprends pas trop votre position sur l'euro. Etes vous pour sa suppression pure et simple, ou sa transformation en monnaie commune (actuellement monnaie unique)?

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    1. Bonjour, vous vous trompez, l'euro n'est pas une monnaie unique mais commune. Toutes les banques centrales nationales ont été conservéeset les euros sont des monnaies différentes d'un pays à l'autre avec un taux de conversion un pour un.

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    2. Je suis désolé de vous l'apprendre mais l'euro est belle et bien une monnaie unique, qui se caractérise par le fait de la suppression des monnaies nationales, entraînant le partage d'une monnaie entre différentes nations. La monnaie commune ne supprime pas les monnaies nationales mais impose seulement certains contraints dans l'objectif d'une harmonie monétaire au sein de la zone concerné.
      Il n'y a plus de taux de conversion entre les pays membre de la zone euro, et le fait que les pays ont gardés leurs banques centrales, n'en fait pas une monnaie commune, puisque ces banques centrales sont au service de la BCE.

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  3. J'ai la conviction de plus en plus forte que le véritable objectif de l'euro était d'imposer la BCE. Le véritable pouvoir non seulement économique, mais aussi politique, appartient à celui ou ceux qui contrôlent la monnaie et le crédit.
    Comme toujours lorsqu'il s'agit de l'Europe, les choses avancent sous un faux-nez. Au delà de l'apparence qui veut montrer que la BCE appartient aux 27 banques anciennes banques centrales européennes, il vaut remonter à l'actionariat des dites banques pour constater que nombre d'entre elles sont majoritairement détenues par des banques privées. Je vous laisse le soin de découvrir lesquelles...
    http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20130312trib000753546/l-independance-de-la-bce-n-est-qu-allegeance-au-systeme-bancaire.html

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  4. M. Pinsolle,
    Merci pour votre article et pour votre blog d'une grande qualité. Je vous signale la parution aujourd'hui d'un sondage Ifop pour le quotidien régional Sud-Ouest. 74% des Français sont méfiants vis-à-vis de l'Europe et 57% sont pour moins d'intégration et plus de gestion de la part des Etats. C'est la preuve que nos thématiques sont en train de gagner dans l'opinion. Reste à transformer l'essai pour les élections européennes en ne laissant pas le monopole de l'opposition à l'UE au FN et au Front de Gauche.

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  5. Dimanche 24 novembre 2013 :

    Le journal SUD OUEST DIMANCHE publie un sondage sur l'intégration européenne :

    Qui sont les Français les plus favorables à l'intégration européenne ?

    Les sympathisants de l'UDI : 69 %
    Les sympathisants du MODEM : 67 %
    Les sympathisants écologistes : 61 %
    Les Français âgés de 65 ans et plus : 58 %
    Les sympathisants du PS : 56 %
    Les sympathisants de l'UMP : 53 %
    Les professions libérales et les cadres supérieurs : 51 %

    http://www.sudouest.fr/2013/11/23/les-francais-et-l-europe-un-vote-de-mefiance-est-a-prevoir-aux-elections-europeennes-1238414-710.php

    L'intégration européenne, c'est un truc de vieux riches, fait par des vieux riches, pour des vieux riches.

    Mardi 14 février 2012 :

    Le Medef s'invite dans la campagne présidentielle.

    La présidente du Medef, Laurence Parisot, a présenté mardi les propositions du patronat dans la perspective de l'élection présidentielle. Articulées en une vingtaine de points, elle fait du déficit public nul en 2015 une des priorités pour la France, avec le fédéralisme européen.

    Une Europe plus intégrée, des entreprises plus compétitives ou encore une flexibilité du marché de l'emploi...Le programme du Medef a été présenté ce matin par Laurence Parisot. Un programme intutilé "Besoin d'aire" en référence à celui de la dernière campagne mais cette fois ci avec un e à la fin.

    "Les entreprises ont besoin de respirer", a expliqué Mme Parisot. "Elles ont besoin de nouveaux horizons, de nouvelles frontières, besoin de conquérir", a-t-elle poursuivi, en présentant le programme 2012. La "top priorité", c'est l'Europe et "il faut oser le fédéralisme".

    http://lexpansion.lexpress.fr/election-presidentielle-2012/le-medef-s-invite-dans-la-campagne-presidentielle_282832.html

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    1. Donc en 2012 ces gens du MEDEF voulait réduire à zéro un déficit de 150 milliards en moins de 3 ans. Et le tout sans payer d’impôts ?
      Et c'est eux qui viennent nous parler de réalisme ?

      C'est ce que je disais dans un commentaire précédent: les mêmes qui fulminent contre les impots aujourd'hui ont voulu la règle d'or il y'a 2 ans.

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  6. Lors d'une conférence à l'Université de Rome, l’économiste français Serge Latouche a dit que l'euro allait disparaître même si on ignore si c'est une questions de mois ou d'années. Il exhorte la France et l'Italie à sortir immédiatement de l'euro sans attendre la fin désastreuse et catastrophique prévisible.

    http://www.investireoggi.it/economia/leuro-e-vicino-alla-fine-ecco-le-previsioni-di-latouche-sulla-crisi/

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Latouche


    Saul

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    1. Ceux qui sont pour cette option veulent in fine sauver cette ue de merde a tout prix c' est une concession ; seule une déflagration permettra d'y mettre fin .

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  7. @ Anonyme

    Bien d’accord sur tous vos points, qui rejoignent mes réflexions dans une série de papiers de cet été sur l’énergie (lire les papiers suivants) :

    http://www.gaullistelibre.com/2013/08/energie-peut-on-debattre-sereinement.html

    @ Enfant de la patrie

    Pour sa transformation en monnaie commune idéalement.

    @ Cliquet

    Merci pour le lien. Cela mérite un article.

    @ Anonyme

    Merci. Je suis bien d’accord.

    @ BA

    Merci pour cet article.

    @ TeoNeo

    Bien d’accord

    @ Saul

    Bien d’accord

    @ Patrice

    Pas sûr que l’UE survive à la fin de l’euro

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  8. En Europe, il y a des nouvelles dépenses qui vont apparaître.

    Ces nouvelles dépenses vont venir s’ajouter aux dépenses déjà existantes : nous allons vivre l’explosion des dépenses publiques.

    En Europe, aucun Etat ne respectera la soi-disant “règle d’or”.

    Croire à l’équilibre budgétaire des Etats européens, c’est croire au petit papa Noël.

    Lundi 25 novembre 2013 :

    La transition énergétique coûtera des centaines de milliards d’euros en Europe.

    La transition énergétique nécessitera des centaines de milliards d’euros d’investissements pour l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne au cours des prochaines décennies, selon une étude publiée lundi par la grande-école HEC Paris et le cabinet de conseil Kurt Salmon.

    Le constat est implacable : ce sont des centaines de milliards d’euros que nos pays vont devoir financer au cours des deux prochains décennies pour atteindre leurs objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre, souligne l’étude.

    Les trois pays passés sous revue représentaient à eux seuls 40% de la consommation pétrolière de l’Union européenne en 2012. Ils ont chacun emprunté des trajectoires différentes pour réduire la dépendance de leur économie aux énergies fossiles émettrices de CO2.

    La facture devrait être la plus élevée pour l’Allemagne, qui a engagé sa sortie du nucléaire et recherche un nouveau modèle de croissance économique en favorisant les énergies renouvelables.

    Jusqu’à 400 milliards d’euros seront nécessaires d’ici à 2030 pour financer la transition, sans que l’impact sur l’emploi puisse être quantifié avec précision, estiment les auteurs de l’étude.

    Cela correspond à un tiers de l’effort engagé pour la réunification de l’Allemagne et de l’Ouest et de l’Allemagne de l’Est (1300 milliards d’euros), soulignent-ils, évoquant notamment comme pistes de financement une augmentation des prix de gros de l’électricité et de la tonne de CO2.

    La facture pourrait même atteindre 580 milliards d’euros en 2050.

    http://www.romandie.com/news/n/_La_transition_energetique_coutera_des_centaines_de_milliards_d_euros_en_Europe_21251120131208.asp

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