samedi 24 mai 2014

La schizophrénie européenne de Nicolas Sarkozy


Finalement, il s’est exprimé. Comme à la veille des élections municipales, l’ancien président de la République a sorti une tribune qui lui permet de continuer à exister médiatiquement. L’occasion de rappeller à nouveau les incohérences de sa pensée sur l’Europe.


Un coup pour les UE-sceptiques

Nicolas Sarkozy est un récidiviste dans la critique de l’UE. Déjà, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, il critiquait l’euro cher et proposait un nouveau traité qui prendrait en compte le « non » des Français au TCE. En 2012, il remettait le couvert en critiquant la politique monétaire européenne. Dans cette tribune au Point, il dénonce « un échec sans appel de la politique migratoire européenne » et propose de suspendre Schengen ! Il dénonce également l’excès de pouvoir de la Commission qui « ne devrait plus avoir de compétences législatives puisqu’il y a un Parlement européen ». Enfin, il propose de « diminuer drastiquement l’étendue des compétences communautaires ». Ce faisant, les opposants de l’UE peuvent trouver des points de convergence.

Mais le problème avec Nicolas Sarkozy, comme souvent, c’est qu’il parle beaucoup mais n’agit pas. En effet, voici un ancien président de la République qui s’est retrouvé dans une position de force en 2007 pour négocier un nouveau traité européen après le rejet du TCE par référendum. Contre une ratification par la voie parlementaire, il pouvait demander beaucoup à nos partenaires : une réforme de la politique monétaire, une réforme de Schengen, dont cet ancien minstre de l’intérieur connaissait les failles. Mais il n’a absolument rien, faisant accepter à Lisbonne une copie conforme du TCE rejeté par les Français. Pour lui aussi, les promesses ne semblent engager que ceux qui les écoutent.

Un coup pour les fédéralistes

Il faut dire que son discours est totalement contradictoire car une partie de son texte pourrait être signée par les plus fédéralistes des fédéralistes. En effet, « il sait maintenant que l’on n’est pas seulement d’un pays, que l’on appartient tout autant à un continent ». Les Français seront heureux de savoir que la France n’est pas plus importante pour lui que le reste de l’Europe. Il avance aussi qu’il « voit un grand mérite à l’Europe (…) elle nous protège des dérives idéologiques de nos gouvernants ». Voici l’admission que la construction européenne actuelle est bien profondément anti-démocratique par nature !

Enfin, il appelle à « la création d’une grande zone économique franco-allemande cohérente et stable au cœur de la zone euro qui permettra d’abord de mieux défendre nos intérêts (…) en gommant nos handicaps fiscaux et sociaux ». Une lubie d’ancien président qui ne l’a pourtant pas fait quand il était au pouvoir. Et on peut aussi voir dans le fait de « gommer nos handicaps fiscaux et sociaux » une perspective de baisse de notre protection sociale et nos salaires. Merci de nous prévenir pour 2017 ! Ce faisant, Nicolas Sarkozy fait une synthèse de son camp politique, quitte à donner le tournis.

Mais ce que montre principalement cette tribune, c’est l’incohérence de la pensée de Nicolas Sarkozy, à cheval sur deux positions opposées. Cela nous rappelle utilement le grand écart qu’il y a depuis plus de sept ans entre ce qu’il dit de l’Union Européenne et ce qu’il en a fait.

11 commentaires:

  1. D'accord avec vous sur Sarkozy, mais ce que l'on dit de Sarkozy, on peut le dire de Guaino qui fut son conseiller durant 5 ans. Que faut-il penser alors des appels du pied de Nicolas Dupont-Aignan à Guaino pour qu'il soutienne DLR (ce qu'il n'a evidemment pas fait, rappelant qu'il était pour l'euro) ?

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  2. Question double langage, il y en a un qui a fait très fort. C’est Martin Schulz – le candidat pochette surprise du parti socialiste.
    Le Parti socialiste, dans un élan de générosité europhilique, a fait de Martin Schulz son porte parole. Choisir un Allemand pour représenter un parti français ne manquait pas de courage et était une manière forte d’affirmer le refus de tout nationalisme (on aime ou on n’aime pas, la question n’est pas là, c’était le point de vue du PS).
    Donc Martin Schulz est venu en France et nous a affirmé que le nationalisme ce n’était pas bien. Je l’ai vu personnellement à Rezé où il nous a expliqué que la seconde guerre mondiale était le résultat des nationalismes de toute l’Europe. Un discours qui m’a profondément choqué. Jusqu’à preuve du contraire, la seconde guerre mondiale a été déclenchée par l’Allemagne qui souhaitait envahir l’Europe pour la piller – ce ne sont ni la France, ni la Grande Bretagne qui se sont mobilisées pour envahir la Tchécoslovaquie, la Pologne ou la Russie. C’est l’Allemagne et elle seule.
    Il y a dans ce discours contre l’idée de la nation au nom de la guerre mondiale quelque chose de profondément malsain. Le nationalisme d’un Churchill, d’un De Gaulle, celui d’un Gandhi ou celui, plus tard, d’un Lumbumba ou d’un Mandela n’ont absolument rien à voir avec le projet d’un Hitler dont l’objectif était bien de créer un empire européen dominé par l’Allemagne. L’idée de nation n’a pas grand-chose à voir avec ça. Il devient urgent de voir dans ce rejet de la nation une sorte d’entreprise de déculpabilisation de l’Allemagne dont Hannah Arendt avait souligné l’importance en son temps.

    Mais l’affaire ne s’arrête pas là.
    En jetant un œil sur la campagne de Martin Schulz en Allemagne, on se rend compte que le discours est complètement différent. Le slogan y est « Aus Deutchland für Europa » qu’on peut traduire par « De l’Allemagne pour l’Europe » et qui a le sens « Un Allemand pour l’Europe ». Cette campagne s’accompagne d’une affiche tout à fait explicite : «Quand vous votez pour le SPD, vous choisissez un Allemand pour diriger la commission européenne ».
    Bref, Martin Schulz qui vient en France nous expliquer que le nationalisme ce n’est pas bien, utilise des arguments purement nationalistes pour être élu en Allemagne. Outre qu’on s’apercevra qu’il y a un problème de « peuple européen » - les socialistes ont été incapables de regarder ce qui se passe dans la campagne de notre voisin - on constatera qu’il y a ici un double langage tout à fait insupportable. On ne peut pas se réclamer du refus du nationalisme chez les autres et s’affirmer grand nationaliste chez soi. Cela s’appelle de l’impérialisme. Les socialistes se sont faits ici les agents (peut-être en toute candeur) d’une opération de domination inacceptable.
    Autant le discours de Nicolas Sarkozy est incohérent, autant le double langage d’un Martin Schulz a du sens. Les socialistes se sont fait rouler dans la farine. Au nom d’une certaine vision de l’internationalisme, on a mis à leur tête un nationaliste allemand. Après l’affaire DSK, après l’affaire Cahuzac, après tous les discours d’un Lamy, voilà qu’on joue avec un de leurs idéaux les plus profonds : « le nationalisme c’est mal, sauf le nationalisme allemand » leur a-t-on dit. Il est urgent pour eux de repenser tous les concepts.

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    1. Les socialistes reflètent juste l'état de décomposition de l'opinion publique française, et cet état d'esprit est effectivement propre à la France parmi les grands pays européens.

      Dans les années 20, les demi-intellectuels qui se prennent pour le nombril du monde en étaient sûrs : la guerre, c'est mal ; ceux qui y réfléchissent sont des cons. Le résultat a été l'occupation militaire de la France.

      Dans les années 60, les mêmes en étaient sûr : l'idée d'Etat-nation, c'est mal.

      Pas la peine d'aller chercher plus loin.

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    2. Pour illustrer le propos, voilà deux affiches de la campagne de Martin Schulz en Allemagne. Même le Stern a été consterné.

      http://d1.stern.de/bilder/stern_5/politik/2014/KW21/Schulz_fitwidth_489.jpg

      http://www.spd.de/scalableImageBlob/119974/data/20140509_plakat_abschluss_schulz_teaser-data.jpg?scalePortraits=true&height=0&width=620&perfectTeaserScale=true

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    3. @ anonyme 11:10

      les socialistes ne reflètent pas l'état d'esprit de la totalité de la population française...
      ET pire encore, les deloristes ne réflètent pas l'état d'esprit de la totalité des socialo...

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  3. Avez-vous vu ce qui se passe dans le secteur de la défense ?

    http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/budget-defense-francois-hollande-dans-nasse-12628

    http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/france/10852165/French-military-heads-threaten-to-resign-over-grave-defence-cuts.html

    Ce pays va vraiment dans le mur.

    On peut être favorable à la redistribution et à la solidarité, mais il y a quand même des priorités à avoir. On ne peut redistribuer que ce que l'on a.

    Or, actuellement, tout ce qui est structuré et qui constitue le coeur de la France passe au second plan, derrière le financement social de gens qui n'en ont jamais assez (et qui pour certains n'en ont aucune gratitude).

    La défense est un exemple, mais les services publics sont eux aussi dans le viseur. Voyez l'exemple des profs de prépa en fin d'année dernière, et maintenant l'augmentation des frais d'inscription en écoles d'ingénieurs (sur légifrance, plusieurs autres décrets d'augmentation ont été pris le même jour pour d'autres écoles) :

    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/05/21/97001-20140521FILWWW00199-2570-de-frais-pour-les-ponts-et-chaussees.php

    ça commence à bien faire de prioriser en permanence les dépenses sociales, et de laisser partir en vrac ce qui a permis à la France d'atteindre son niveau de vie. Et le deuxième point est bien une conséquence du premier...

    Il est indispensable de faire un effort à ce niveau des dépenses sociales et associations (de gauche ou parfois de droite, style Ifrap), ce qui semble possible, et d'arrêter de casser ce qui marche.

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    1. Cessez un peu d'écrire des bêtises !

      Ce n'est pas le principe de redistribution qui pose problème, c'est l'ultra-libéralisme qui fait que l'on sacrifie la défense, l'éducation nationale, la police, l'administration pénitentiaire, et j'en passe.

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    2. Si on continue à sabrer férocement comme on le fait depuis des années dans les droits sociaux et les services publics, les besoins financiers de la défense, la police, l'administration pénitentiaire et même l'éducation nationale vont exploser.

      Il y a là une contradiction insurmontable dans l'agenda idéologique (et crapuleux) des néolibéraux au pouvoir qui nous conduit tout droit au fascisme.

      La nature a horreur du vide. Pour accéder aux services publics et bénéficier des aides sociales, pour ne pas dire des aides humanitaires urgentes dont ils ont besoin les français seront acculés à se tourner vers les mafias et les organisations djihadistes style salafistes ou frères musulmans.

      Ivan

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  4. Une incohérence sur l'Europe à l'image de l'UMP. http://www.blogactualite.org/2014/05/europeennes-2014-quelle-europe-veut-lump.html

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  5. @ Moi

    Bien d’accord sur Guaino

    @ Léonard

    Bien d’accord. Votre commentaire est si intéressant qu’il aurait valu un papier. N’hésitez pas à me contacter si cela vous intéresse.

    @ Anonyme

    Pas d’accord sur l’opinion publique. Ce sont les élites, du PS et de l’UMP notamment, qui sont dans un état décomposé.

    @ Abd_Salam

    Bien d’accord sur vos deux points

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  6. Merci à Léonard pour cette information; eh oui! l'Allemagne, que je connais un peu, c'est cela aussi, fort sentiment national, hypocrisie et mépris des Français.

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