jeudi 7 août 2014

Ce qu’il faut retenir des pertes du Crédit Agricole au Portugal



Mardi, le Crédit Agricole a annoncé une charge exceptionnelle de plus de 700 millions d’euros pour tenir compte le plan de sauvetage de Banco Espirito (dont il était actionnaire à hauteur de 14,6%) par le Portugal. Une nouvelle affaire bancaire qui en dit long sur la nécessaire réforme de la finance.



Une nouvelle crise bancaire

Décidemment, l’actualité charrie toutes les semaines au moins un nouveau scandale bancaire, que ce soit la manipulation de cours comme le Libor, les condamnations sur les subprimes, les aléas de l’affaire Jérôme Kerviel, l’incroyable condamnation de BNP Paribas et les innombrables amendes qu’acceptent de payer les banques à la justice aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne principalement. Mardi, Lisbonne a annoncé un plan radical pour sauver de la faillite Banco Espirito, en la recapitalisant de 4,4 milliards d’euros, annihilant, pas illogiquement, les parts des actionnaires. La banque va être coupée en deux, entre une Novo Banco qui récuperera les bons actifs et une mauvaise banque pour solder le reste.

Bizarremment, les raisons de cette recapitalisation massive à l’échelle du Portugal ne sont que rarement évoquées, la plupart des médias se contentant d’évoquer les fraudes de la famille Espirito, qui était alors le premier actionnaire de la banque avec 20% du capital. Mais quelques recherches permettent de trouver cet article des Echos, qui évoque la cascade financière peu orthodoxe de la famille, qui détenait en réalité 100% d’un fond luxembourgeois, qui avait 100% d’un fond portugais, qui avait 49,6% d’un groupe luxembourgeois qui détenait 20% de la banque. La holding de tête a été placée en dépôt de bilan suite à la découverte de fraudes, ce qui a fait tomber le château de cartes du fait d’un jeu de prêts. C’est pour cette raison que les dirigeants du Crédit Agricole ont annoncé des actions en justice.

Une crise du laisser-faire et du laisser-passer

On pourrait ne retenir qu’une énième histoire de banquiers escrocs, mais la portée de cette affaire dépasse ce simple cadre, qui invite pourtant déjà à réfléchir sur l’organisation du système bancaire. Bien sûr, le Crédit Agricole professe sa bonne foi et on peut a priori ne pas trop en douter. Néanmoins, difficile de ne pas se dire qu’il n’a pas été un bon actionnaire, car la taille de sa participation impliquait une surveillance qui lui aurait permis d’éviter une telle fin. Ensuite, il est tout de même assez effarant qu’une banque accepte de prendre 14,6% du capital d’une autre banque en en laissant 20,1% à une famille qui utilise un montage financier qui lui permet d’en avancer à peine la moitié. Bref, même si le Crédit Agricole s’est fait arnaquer, on peut se demander s’il n’y a pas eu des erreurs de sa part.

Enfin, tout ceci amène à se poser la question de l’organisation de ce capitalisme sans frontière et sans limite qui permet tout et n’importe quoi. Le principe des cascades de holding ne semble tout de même pas très juste. Ne faudrait-il pas mettre en place un système légal empêchant cette forme d’abus de pouvoir ? Puis, tous ces bouillons pris par des banques en dehors de leur pays d’origine amène à se demander quel est l’intérêt de laisser ses banques s’exposer à l’étranger. Même si le contribuable français ne sera pas sollicité pour cette affaire, ces dernières années, des contribuables ont payé pour des errements qui ont eu lieu dans d’autres pays, ce qui est aberrant. Bref, l’organisation bancaire actuelle créé une forme d’irresponsabilité qui favorise tous les excès, d’autant plus que l’Etat est toujours là pour nettoyer.

Cette affaire démontre encore une fois, s’il était besoin, que le système bancaire doit être beaucoup mieux et davantage régulé. Et cela ne réussira qu’en démondialisant une finance qui utilise la mondialisation pour conserver ses profits et collectiviser ses pertes, comme même certains libéraux le reconnaissent.

4 commentaires:

  1. BONSOIR

    Ce qui est lamentable c'est le fait que les PME et TPE n'ont pas les prêts nécessaires au moment du démarrage de leurs affaires, il y a toujours de l'argent pour l'économie casino, rien ne change malgré la crise!!
    Le cancer n'a pas disparu!

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  2. Des informations édifiantes sur les méthodes actuelles des grandes entreprises et de la finance par Paul Craig Roberts, économiste et journaliste américain, sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et un des pères fondateurs des Reaganomics sur le site lescrises.fr du 7 août 2014. Extrait : "qu’en est-il du marché des actions ? Bien qu’il ait baissé ces derniers jours, son niveau demeure historiquement élevé. Le marché des actions n’est-il pas l’indicateur d’une économie en bonne santé ? Pas si les actions montent parce que les sociétés rachètent leurs propres titres. Les entreprises sont maintenant les plus grosses acheteuses d’actions. Récemment, nous avons appris que de 2006 à 2013, les entreprises ont autorisé le rachat de leurs actions pour un montant de 4 140 milliards de dollars. En outre, il apparaît que les entreprises ont emprunté de l’argent aux banques dans le but de racheter leurs actions. L’année dernière, 754,8 milliards de dollars ont été utilisés pour le rachat d’actions et 782,5 milliards de dollars pour des emprunts d’entreprise. Au cours des trois premiers mois de l’année, les mêmes corporations ont acheté pour 160 milliards de dollars de leur propres actions". Voilà un des maux essentiels de notre économie, un message à passer à notre Président "ennemi de la finance".

    Demos

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    1. Vous avez bien noté le montant : 4140 mds $ de 2006 à 2013 pour racheter ses propres actions !

      Demos

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