samedi 2 août 2014

Les emprunts toxiques des collectivités : entre finance folle et politiques irresponsables

C’est une information assez discrète qu’a rapporté le Monde : le Conseil Constitutionnel a refusé la requête du groupe UMP contre la loi qui valide les emprunts toxiques contractés par les collectivités locales et les empêchera de se retourner contre les banques. Une histoire plus que révélatrice.

 

L’innovation Frankenstein

Dans un premier temps, on pourrait se dire qu’il n’est pas anormal que les décideurs qui ont signé ces contrats assument toutes les conséquences de leurs actes. Après tout, ils n’étaient pas contraints de souscrire à des emprunts aux montages si exotiques. En outre, on peut également se dire que quand les collectivités locales se retournent contre Dexia, c’est le contribuable qui risque de régler la note. Et cela est d’autant plus choquant que les collectivités locales ne semblent pas vraiment restreindre leurs dépenses, comme le révèle un rapport de l’Observatoire des finances locales, qui souligne que, comme en 2011 et 2012, leurs dépenses ont augmenté de 3,2% en 2013, contre une hausse de 1,9% de leurs recettes, d’où une explosion de leur besoin de financement, passé de 700 millions en 2011 à 9,2 milliards d’euros en 2013, malgré les pressions de l’Etat.

Cependant, l’histoire est plus compliquée que cela. Le simple fait que pile, les collectivités locales paient, face, c’est l’Etat, montre qu’il y a tout de même quelque chose qui cloche dans ces emprunts toxiques. En outre, des journalistes ont bien souligné le décalage d’information entre les banques qui les ont proposés et les collectivités locales qui les ont acceptés, sans avoir conscience des risques qu’elles encouraient.  Nous sommes proches du cas des emprunts immobiliers dits « subprimes » aux Etats-Unis, dont Paul Jorion a bien montré à quel point la responsabilité pèse surtout du côté des banques qui les ont proposés. Et d’ailleurs, n’est-il pas simplement absurde qu’une collectivité locale française souscrive un emprunt dont les taux dépendent de l’évolution du cours du franc suisse ou de la livre sterling ? En souscrivant à des offres de spéculateurs, sans forcément en avoir pleinement conscience, les collectivités locales en ont aussi pris les risques.

Irresponsabilité générale


Bien sûr, dans ce cas, et étant donné l’asymétrie d’informations et de savoir, soulignée par de nombreux journalistes, notamment Emmanuel Lévy de Marianne, il est difficile de ne pas prendre parti pour des collectivités locales qui doivent annuler des rénovations d’équipement scolaire pour payer des emprunts dont les taux d’intérêt peuvent dépasser 15%. Voici une nouvelle illustration de la position de rente dans laquelle les banques se trouvent : elles font souscrire à des élus locaux des emprunts aberrants tout en sachant que, soit ils devront payer rubis sur ongle, soit, si la justice vient à remettre en cause ces contrats, ce sera l’Etat qui interviendra pour les protéger des conséquences d’une éventuelle condamnation. Pile, les banques gagnent. Face, vous perdez ! Dans les deux cas, le contribuable régale, démontrant une fois de plus le vice de forme du système financier actuel. Et la décision du Conseil Constitutionnel n’est guère encourageante…

Mais s’il y a irresponsabilité des banques, qui gagnent qu’elles que soient l’issue, ne peut-on pas déduire également qu’il y a une forme d’irresponsabilité des décideurs politiques. Après tout, même s’il y avait probablement dans beaucoup de cas, une large asymétrie d’informations, pour ne pas dire une forme de manipulation des banques, les collectivités locales ont quand accepté des contrats aux conditions surnaturelles, ce qui aurait dû attirer une plus grande vigilance. Et au final, le contribuable se retrouve payeur de dernier ressort, qui paie des taux d’intérêt extravagants ou renfloue Dexia en difficulté du fait de ses errements ? Bref, cela donne un peu l’impression que les banques et les élus jouent avec notre argent au casino et se défaussent des risques qu’ils prennent sur les citoyens, dans un système qui établit une forme d’irresponsabilité généralisée.

Bien sûr, il faut sans doute interdire ce genre d’emprunts qui n’ont absolument rien à faire dans le bilan de nos collectivités territoriales. Mais ces emprunts toxiques démontrent aussi la folie de la loi de la jungle financière et l’irresponsabilité qui règne dans le monde bancaire et peut-être aussi politique.

13 commentaires:

  1. Gilbert Perrin
    À l’instant ·

    APPEL à REFLEXIONS .....

    ON EN REPARLE !!!!

    Vous êtes nombreux à posséder votre maison que vous avez acquise à force de sacrifices "en tirant le diable par la queue". Félicitations pour votre courage !

    Il a été question et on en reparle :

    - d'imposer les habitations principales à l'IRPP, en considérant la valeur locative comme un revenu ????

    Plusieurs questions :

    - Condamnant avec FORCE ce procédé SPOLIATEUR d'un état qui n'est pas à cette INJUSTICE PRES :

    - ET CEUX qui possèdent un logement (appartement ou maison principaux) et qui disposent d'une maison secondaire à la mer ou à la campagne, qu'ils occupent à leurs loisirs !!! ou qui louent périodiquement ou échangent ces logements ? Qu'en sera t'il ?

    - CEUX qui disposent d'un logement de fonction ou logement public à des conditions TRES PRIVILEGIEES : quel sera le régime ????

    - CEUX qui sont logés par l'ETAT ? etc... etc....

    QU'EN SERA t'IL ? il me parait URGENT de s'en inquiéter car, nous risquons d'être pris de vitesse et mis devant le fait accompli...

    CHACUN PEUT et DOIT raisonner en CONTRIBUABLE, en CITOYEN en JUSTICE et en EGALITE ....

    Gilbert Perrin

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  2. Etant donné l'asymétrie de l'information il y a un vice dans ces emprunts toxiques qui les rends illégitimes donc non remboursables. De plus la responsabilité des prêteurs est engagée parce qu'il doit s'assurer de la solvabilité réelle des emprunteurs autrement cela ressemble à une forme d'escroquerie, un enrichissement illégitime.

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  3. La plupart des contrats ont été vendu à des communes de moins de 10.000 habitants, et dans des condaition mensongère, c'est clairement la responsabilité de l'état car les préfets ont contre signé les contrats. Pourquoi les petits elus se serait inquiété alors qu a aucun niveau de contrôle on a tirer la sonnette d alarme. Le pouvoir excutif, les députés sont responsables et se dechargent aujourd hui encore une fois !

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  4. @IVAN, merci de votre réponse, j'espère que c'est pratiqué partout, permettez moi d'en douter, y compris du montant du loyer !!! dans le privé, c'est compté comme un salaire, donc, inclus dans les revenus ...ce qui est tout à fait normal.
    Par contre les avantages retirés par certains élus ou autres de logements favorables HLM ou autres, celà, je ne pense pas que ce soit INCLUS !!!
    Pour les autres cas, bien évidemment ma question est pertinente et attend des réponses ????
    Quant à inclure le loyer payé dans la base de calcul de votre retraite, c'est une plaisanterie NON ? pourquoi voulez vous vous ne payez pas de charges là dessus et vous voudriez percevoir une retraite sur ces sommes. VRAIMENT ?

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    1. @ gilco56

      Le logement de fonction, et d'une manière générale l'avantage en nature, est reconnu comme un authentique revenu salarial par le fisc et génère des impôts, ce qui est normal. Ce qui n'est pas normal c'est que les avantages en nature ne cotisent ni à l'assurance maladie ni à l'assurance vieillesse.

      Cela incite les employeurs concernés à payer en nature. Pourquoi aussi ne pas payer en bouteilles de bière les SDF pour nettoyer les rues comme la municipalité d'Amsterdam ?

      http://www.lefigaro.fr/emploi/2013/12/05/09005-20131205ARTFIG00602-des-sdf-payes-en-bieres-pour-nettoyer-les-rues-d-amsterdam.php

      Les malheureux payés en nature toute leur vie ne constitueront jamais aucun droit à retraite et devront se contenter du minimum vieillesse, déjà réservé aux très grands vieillards, s'il existe encore.

      Le problème des HLM est différent car le loyer d'un appartement même accaparé indûment se retranche cette fois de la rémunération servie par l'employeur, au lieu de s'y ajouter.

      Ivan

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  5. Bien sûr qu'il faut interdire ce genre d'emprunt ! Pourquoi un individu est-il beaucoup plus protégé en tant que consommateur qu'en tant que contribuable, dès lors qu'il s'agit de fiscalité locale ? Il n'est pas moral de considérer que si un maire a signé, tant pis pour lui. Que risque-t-il ? De n'être pas réélu ? En revanche, ses administrés, y compris ceux qui n'ont pas voté pour lui, devront payer !

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  6. Laurent, il serait instructif d’aller au-delà des critiques contre ce système et de revenir sur ceux qui ont présidé à la construction de cet édifice ruineux et qui se sont, comme Pierre Richard, haut fonctionnaire aujourd’hui en retraite, enrichis grâce aux socialistes et à leur passion pour la finance-casino dans les années 90. On retrouve toujours les mêmes et il y en a encore qui s’étonnent de voir Hollande soutenir un Moscovici. Il y a pourtant bien longtemps que nos chers libéraux-socialistes sont les meilleurs amis des financiers et les grands bénéficiaires des jeux financiers. Eux gagnent toujours et nous, nous payons à chaque fois, sous tous les prétextes possibles et imaginables.

    Demos

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  7. Mais qui sont les membres du Conseil constitutionnel ? Des extra-terrestres ? Des sages ? Ou les pires représentants de l’establishment à la fois juge et partie ? Qui sont-ils ?

    Demos

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  8. Le problème des HLM est différent car le loyer d'un appartement même accaparé indûment se retranche cette fois de la rémunération servie par l'employeur, au lieu de s'y ajouter.

    Anonyme merci de m'expliquer ? chevènement, les enfants des élus ????

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  9. @ gilco56

    Le loyer de Chevènement était payé par lui, pas par son employeur, donc il n'avait pas d'avantage en nature à déclarer au fisc. Ce qui ne veut pas dire qu'il était normal qu'il occupe un logement du parc de la ville de Paris alors qu'il avait les moyens de se loger, certes plus modestement, dans le privé.

    Remarquez que quand nous aurons mis fin à tous ces abus nous n'aurons remporté qu'une victoire purement platonique contre la pénurie de logements. Si Chevènement déménage vers le privé quelqu'un d'autre qui aurait réussi jusque là à se loger dans le privé sera obligé de se tourner vers le public. Globalement cela ne changera rien.

    Cela ne fera ni un logement en plus ni un sans-abris en moins. Et cela durera aussi longtemps qu'on n'aura pas le courage de s'attaquer à la racine du mal, les normes d'urbanisme malthusiennes qui interdisent la construction des logements qui manquent.

    En attendant on peut continuer à jouer aux chaises musicales, cela amuse les médias sans déranger la classe des propriétaires en place et des spéculateurs qui seuls profitent de la pénurie et ne veulent surtout pas qu'on parle du vrai problème.

    Ivan

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  10. @ivan, chaises musicales bien grand mot !!! je n'ai rien à faire de changer Pierre par Paul, les politiques se valent comme profiteurs... Vous enfoncez des portes ouvertes, comme beaucoup vous faites de la répétition. On connait le pourquoi ? mais on passe son temps à dire c'est la faite des autres, AVEC çà, on ne pisse pas très loin.
    Vous trouverez normal que CHEVENEMENT, le fils JUPPE autrefois, des élus de la VILLE de PARIS etc...etc... qui peuvent se payer des logements plus chers (je dis bien se payer, car je n'ai jamais que CHEVENEMENT ne payait pas !!!) soient logés dans des HLM ....MAIS, le problème pose c'est les impots sur des revenus virtuels qui nous pendent au NEZ... comment, sur qui, seront calculés ? J'ai pose la question avec précision, répondez y . MERCI, en reprenant la question, répondez à la question, ne bottez pas en touche... mes questions onbt au moins le mérite d'être précises !!!

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  11. Chevènement, ce n'était quand même pas un HLM : 1 519 euros par mois, plus qu'un SMIC !

    http://www.liberation.fr/politiques/2011/11/10/logement-social-chevenement-ne-veut-pas-demenager_773827

    Le fait qu'on ose sans rire appeler cela un logement social est honteux mais montre une réalité sordide : il est impossible de se loger dans le parc privé à Paris même quand on fait partie de la classe « moyenne » supérieure, qui se rabat alors sur des logements dits sociaux (c'est-à-dire qui devraient être réservés aux plus démunis) pour lesquels elle paie des loyers monstrueux (pas le choix) mais encore très avantageux !

    Il est difficile d’imaginer un désastre plus complet que celui du logement dans notre pays.

    Je suis fermement opposé à l’idée d’imposer un revenu locatif fictif sur les résidences principales occupées par leurs propriétaires. Je n’y vois que la mille et une unième tentative pathétique de maîtriser un symptôme non voulu sans jamais combattre la maladie, qui, elle, a été voulue.

    Le but est de décourager l’accession à la propriété pour siphonner vers d’autres secteurs économiques, qui n’en ont pas besoin car les ménages réclament d’abord et avant tout des logements, les sommes faramineuses que les français y consacrent. Il existe un moyen beaucoup plus simple et plus sûr d’y parvenir : en résorbant la pénurie, faire baisser les prix et ramener les loyers à des niveaux suffisamment raisonnables pour que la perspective d’être toujours locataire à l’âge de la retraite cesse d’être terrifiante.

    Mais c’est tabou. Il faudrait abolir les normes d’urbanisme malthusiennes.

    Par contre l’idée de taxer le capital thésaurisé, comme les logements laissés volontairement vides par le propriétaire pour en faire monter encore le prix, ne me choque pas du tout.

    Ivan

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  12. @ Gilco56

    Bien d’accord, mais je crois que ce projet restera à l’état de projet

    @ David Cabas

    Bien sûr, dans les cas d’abus, il faut une condamnation mais cela montre la faille du système bancaire actuel puisque c’est le contribuable qui va régaler

    @ Ivan

    Merci pour ces extraits et le rappel sur Chevènement

    @ Jyb

    D’accord

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