vendredi 4 septembre 2015

Agriculteurs : le gouvernement gonfle ses bricolages




Bricolage complexe et gonflé

En agitant le chiffre de 3 milliards, le gouvernement espère sans doute donner l’impression qu’il pense aux agriculteurs dont tous les reportages montrent la grande difficulté de leur condition. Mais ce chiffre a tout d’une aide sous stéroïdes. D’abord, il ne faut pas oublier que ce chiffre porte sur trois ans. Ensuite, il utilise un montage à la Ponzi puisque si l’aide à l’investissement sera triplée, cela se fera avec un effet de levier de trois ! Bref, les deux tiers du chiffre annoncé correspondent à de la dette. N’est-il pas un peu paradoxal de proposer comme solution à des agriculteurs déjà surendettés d’ajouter deux milliards de plus à leur fardeau. De même, avec l’année blanche sur la dette, si elle soulagera les trésoreries temporairement, les problèmes ne sont que repoussés. La même recette que celle de la Grèce !

En fait, sous les 3 milliards, ne se trouvent en réalité que 50 millions d’allègements de charges en plus, ce qui est sans doute une broutille, moins de 100 euros par agriculteur… Stéphane Le Foll, qui disait ne pas pouvoir tout faire en juin, se contente de promettre des mots, avec la promesse de maintenir « la pression pour que les engagements de hausse de prix annoncés par les industriels et les distributeurs soient tenus. Tout le monde doit respecter les règles du jeu, avec une juste rémunération pour chacun ». Le problème est que la règle du jeu du marché, ce n’est justement pas une juste rémunération pour chacun, mais seulement un gain proportionnel au rapport de force que l’on a, et cela ramène les agriculteurs à la condition de fétus de paille sur le grand océan bien agité du marché dérégulé.

De vraies solutions ignorées

François Lenglet fait le bon constat en soulignant que c’est le démantèlement de la PAC qui a produit cette crise, avec la fin des prix planchers garantis et la soumission des pauvres agriculteurs aux aléas irrationnels et exubérants des marchés. Il a raison de dire qu’ils souffrent d’une concurrence déloyale de l’Allemagne, et ses travailleurs d’Europe de l’Est payés une misère, le tout dans des exploitations bien plus grandes. Mais il n’a pas complètement raison quand il pointe un problème de spécialisation sur les mauvais segments du marché en disant qu’il faudrait privilégier la haute qualité vendue plus chère. Car, même si cela marchait, est-il sain de dire que ce que nos agriculteurs produisent doit être destiné aux classes supérieures de toute la planète quand notre consommation courante serait importée ?

Comme le disait bien un agriculteur sur le panneau que j’ai mis en visuel, la crise agricole des dernières années ne fait que montrer la pertinence des choix de la PAC. Ce dont les agriculteurs ont besoin, c’est de pouvoir vivre de leur métier, et donc faire en sorte que leurs revenus ne soient plus la variable d’ajustement de marchés tellement fous qu’ils peuvent réduire à néant ou presque les fruits du travail des agriculteurs. Mais, ici encore, ce gouvernement, comme les autres, préfèrent faire l’aumône à ceux qui souffrent, même si cela ne résout en rien leur malheur. Bien sûr, pour l’opinion public, cela permet de donner le change, mais le fatalisme affiché est illusoire. Il y a quelques années, nous protégions nos agriculteurs, comme d’autres pays aujourd’hui. Mais nos gouvernements ont décidé de les abandonner.


15 commentaires:

  1. Ne pas oublier la grande distribution :

    "Ainsi, quand vous achetez de la longe de porc à 6,88€ le kilo dans votre grande surface, vous devez savoir que la part du prix de cette viande revenant à l’éleveur qui a nourri le cochon est de 2,50€. La marge brute de l’abattoir qui l’a tué et découpé n’est que de 63 centimes d’euro sur ce kilo de viande, soit à peine plus que les 58 centimes de TVA qui reviennent à l’Etat. Mais, la différence entre le prix d’achat et le prix de vente en grande surface est de 3,39€, soit près de 50% du prix de la barquette de viande payée par le consommateur."

    http://www.humanite.fr/marges-et-prix-les-goinfreries-de-la-grande-distribution-572103

    A combien un hyper achète de la longe made in Germany ,combien elle l'a revend ?
    Est-ce que la marge est la même quelque soit la provenance eux qui prétendent soutenir nos agriculteurs ?

    Quand à la spécialisation dans le haut de gamme est-ce que c'est vraiment faisaible à grande echelle...
    Nos producteurs vont élever des millions d' animaux dont il ne préleveront que 20 % ou 30% de la matière en revendant le reste à Canigou (s'ils n'achètent déjà pas ailleurs)?
    J'ai du mal à croire que ce soit viable ,on parle pas d'automobiles ou de logiciels.

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  2. Comme le gouvernement actuel, ses prédécesseurs et peut-être successeurs, est condamné au bricolage parce qu'il est prisonnier des engagements européens comme en tous domaines.

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  3. Comme pour tout, lorsque l'on focalise sur les conséquences et non sur les causes, on obtient toujours de mauvais résultats

    Tout comme les agriculteurs qui élisent à leur tête le plus grand industriel européen des oléagineux, il ne faut pas s'attendre à mieux...

    Ce monde est foutu !

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  4. La crise agricole sévit en France parce qu’elle souffre de l’agriculture des autres.
    La Crise agricole sévit en France par manque de compétitivité.
    Beau diagnostic qui appelle des actes.

    Les gouvernements pallient AUX EFFETS de ce manque de compétitivité.
    Certains veulent s’en prendre aux causes : contraindre les autres alors qu’ils n’ont aucun pouvoir de le faire.

    Certains veulent taxer les importations pour que les autres fassent ce que nous nous permettrions alors que nous ne le voulons pas qu’ils taxent nos exportations.

    Où est la splendeur de la France à l’époque où nos lumières éclairez l’EUROPE et le Monde ?

    Elle s’est éteinte depuis que le marxisme retient de la monnaie que ses pouvoirs fantasmés.

    Dans la réalité la monnaie n’est qu’un vulgaire outil qui a deux fonctions :
    1° la fonction d’échange quand un bien ou service passe d’une main à une autre : la monnaie s’échangeant contre une chose. Comme quand nous exportons ou importons.
    2° la fonction de partage, quand l’entreprise, au sens large du terme, après avoir échangé sa production contre de la monnaie, vas partager cette monnaie pour qu’elle devienne le revenu d’un actif (physique, intellectuels ou financier) pour son temps d’activité ou le revenus des inactifs (retraités, chômeurs, en congés ou autres) pour leurs temps d’inactivité. Ces revenus leurs revenants (aux actifs et inactifs) directement ou indirectement. Indirectement c’est quand une partie de cette monnaie, venant des consommateurs des productions des entreprises, est partagée par l’entreprise, (et non payé par elle) pour règler les dépenses mutuelles ou collectives des actifs et inactifs (impôt, taxes, charges, cotisation, pataquès et jean passe).

    Si vous avez la capacité de discerner ces fonctions de la monnaie vous êtes capable de comprendre
    1° que la valeur d’un objet peut être valeur d’échange quand nous échangeons des biens et services (exportation importation) et une autre valeur ( de partage) quand elle permet de partager nos consommations nationales (production nationale, moins exportation, plus importation) suite au partage de la monnaie. Comme indiqué sur dessus.

    Vous avez, si vous comprenez, la valeur d’échange qui est celle que nos actifs (physique, intellectuels ou financier) empochent directement ou indirectement, avec plus ou moins d’équité entre eux, qui est la valeur des biens et services exporter ou importer. Et la valeur d’échange (valeur qui revient à la fois au actifs et aux inactifs, directement ou indirectement) qui devient la valeur de nos consommations nationales (y compris de nos exportations).

    Vous avez là, sans le dire, taxés les importations et laissés, à chaque nation, la liberté de pratiquer ses partages nationaux souverainement, sans incidence sur les coûts d’exportations et d’importations.

    Pour les salaires qui rentrent dans la valeur (fonction d’échange de la monnaie) vous devriez comprendre que cette valeur n’est pas absolue mais relative puisque le partage de la monnaie va devenir en finalité un partage de la consommation donc : un partage de milliardième de biens ou de services, consommées nationalement qui resteront des milliardièmes quelle que soit la valeur de base (smig par exemple). Seul compte l’équité du revenu de chacun par rapport à l’équité de sa production et de celle des autres.

    Cette logique n’est-elle pas plus réaliste que l’arbitraire actuel de la fixation des prix ou le prix des exportation varie du prix de nos consommations uniquement par un taux de TVA fixé arbitrairement en fonction de types de productions et pour répondre uniquement en un besoin de monnaie sans comprendre que c’est pour un besoin de partage ne nos usages en fonctions de leurs utilisation familiale, mutuelle ou collective ?

    Unci TOÏ-YEN

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  5. Les agriculteurs subissent maintenant le dumping des prix comme les salariés qui ont subi le dumping des salaires, une Europe qui promettait la prospérité, mais ... seulement pour une minorité, il fallait le savoir.

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  6. "Ce dont les agriculteurs ont besoin, c’est de pouvoir vivre de leur métier, et donc faire en sorte que leurs revenus ne soient plus la variable d’ajustement de marchés "

    Formulation maladroite, je crois, Laurent Herblay : les revenus de toute profession indépendante (pas seulement ceux des agriculteurs) sont nécessairement régulés par les marchés:

    - si un producteur est trop cher par rapport à ses concurrents sans proposer une meilleure qualité, il disparaît;

    -si un secteur d'activité est en surproduction (dans le cas de l'agriculture, du fait d'énormes gains de productivité) par rapport à la demande globale , un certain nombre de ses producteurs disparaissent .

    Il n'y a rien d'anormal à ce que, dans l'économie de marché dans laquelle nous vivons, il se constitue, pour l'alimentation ( comme pour tous les autres secteurs : vins, automobiles, etc.) un double marché :

    -un marché de produits très industrialisés et bon marché,
    -un marché de produits plus chers et de meilleure qualité.

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    1. Oui mais dans chaque segment de marché il y'a des producteurs de divers pays.
      Un marché ne se régule correctement, c'est à dire récompensera les plus efficaces et pas le plus malin ou le moins scrupuleux, que si tous les offreurs sont sous le même environnement législatif et social. Et encore c'est une condition nécessaire mais non suffisante.

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    2. Monsieur veut faire le malin avec ses belles tournures. Mais monsieur n'arrive pas à cacher, malgré son brillant doctorat en libéralisme, qu'il ne comprend rien aux enjeux sous-jacents à l'agriculture.

      L'agriculture, ce n'est pas produire n'importe quoi. C'est produire de la nourriture. Oui, monsieur, même vous avec vos manières relevées, vous avez un cycle biologique. Et manger n'est pas un acte anodin. La qualité de ce qu'on mange est directement en lien avec notre santé. Si cette évidence vous fait encore sourire, vous êtes irrécupérable.

      L'agriculture, c'est aussi des productions directement en interaction avec le vivant, l'écosystème. La façon de produire, "la qualité", n'est donc pas une variable somme toute relative. C'est important.

      Derrière les produits carnés, il y a des animaux. Ceux-ci bien qu'on les mange au final ont droit à un minimum de respect. On devrait aussi pouvoir savoir s'ils ont été nourris avec des OGM. L'information claire et transparente est aussi sensée faire partie des principes fondamentaux d'un marché libre, non?

      La course à la productivité, la "compétitivité" érigée en seul aiguillon aboutit à des dérives incroyablement néfastes pour la santé et l'environnement: OGM, pesticides partout, élevages hors sol gigantesques...

      Non, ce n'est pas anodin de trouver normal qu'il coexiste deux "qualités", car il y en a une qui met en danger la santé des consommateurs et qui va à l'encontre de l'intérêt public.

      C'est la stratégie de communication de Xavier Beulin et plus largement du lobby agroalimentaire et chimique qui font bien leur beurre sur la folle mise en compétition des agricultures.

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    3. Pas de chance : ce que demandent les agriculteurs et éleveurs français, c'est justement... moins de normes sanitaires !

      Et ce qui est produit de façon industrielle n'est pas nécessairement nocif pour la santé : cela dépend... des normes imposées, justement:-)))

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    4. Jauresist 4 septembre 2015 21:32

      Complètement d'accord avec toi d'autant que pour ce cher Elie a une vision assez curieuse de la production agricole , qui conduit à une conclusion simple sur le profil des consommateurs : les produits très industrialisés pas chers pour les gueux comme dirait Mme Sarkozy et les produits plus chers et de meilleure qualité pour la surclasse version Attali. Il faut bien reconnaître que les socialauds ont vraiment une vision aussi élitiste que naturelle - au sens de loi naturelle - du monde, une sorte de loi de la jungle new-look. Vivement que le PS fusionne avec les républicains, l'opération mettra fin à la confusion, qui règne depuis longtemps, et fera gagner du temps aux commentateurs et aux électeurs.

      DemOs

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  7. Formulation maladroite ? La tienne ne le serait pas, mais ta conclusion est hors sujet, l'ami. Elle aurait un sens s'il n'y avait pas de distorsion de concurrence. Or, il n'existe pas de concurrence pure et parfaite dans un environnement neutre comme voudraient nous le faire croire les économistes d'opérette et leurs maîtres . Ce ne sont que mensonges et manipulations comme le prouvent, parmi d'autres, les "exceptions" américaines et allemandes (subventions, aides, sous-salaires ...). Il existe bel et bien des règles qui vont d'ailleurs être revues à la baisse pour détériorer la qualité et les prix grâce au TAFTA. Ce qui nous attend, comme le dirait l'inénarrable Jean-Pierre Coffe, c'est de la merde à l'exemple de la fameuse ferme des mille vaches qui surexploite les animaux tout en faisant de la ferme une monstrueuse usine à polluer pour le plus grand bonheur des industriels. Tout le reste est de la littérature à l'eau de rose.

    DemOs

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  8. @ Anonyme

    Merci pour ce rappel

    @ Un citoyen

    L’arbitraire de la fixation d’un prix plancher a longtemps marché en Europe et marche encore dans de nombreux pays

    @ Elie Arié

    Je refuse de penser qu’il faut abdiquer devant le marché roi quand celui-ci produit de telles injustices. Après tout, la PAC fonctionnait bien avec des prix de soutien qui garantissaient des revenus minimums. Pour moi, l’économie n’est qu’un moyen au service d’une fin qui la dépasse, l’homme. Quand on tombe dans le catéchisme du marché dérégulé, c’est l’homme que l’on met au service de l’économie.

    @ TeoNeo & Demos

    Merci

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  9. C'est intéressant de noter que les agriculteurs se plaignent de leur situation mais continuent de voter pour un syndicat, la FNSEA, qui perfidement encourage les dérives dont ils sont victimes. Celle-ci est aujourd'hui présidée par X.Beulin, PDG (et non agriculteur) d'un groupe agroindustriel tentaculaire (Avril) qui pèse 7 milliards de CA.

    Celui-ci dans un discours de technocrate bien rôdé n'a que le terme de "compétitivité" en bouche. Il ne remet en aucun cas en cause la dérégulation libérale. Il ne remet pas en cause la mise en compétition des agricultures au niveau européen et mondiale. Il ne remet en cause que les entraves que seraient les normes et contraintes environnementales qui empêchent de s'aligner sur les systèmes les plus bas, les plus nuisibles pour la nature et l'emploi.

    Et les agriculteurs le réélisent sans broncher.
    Cela me fait penser au reste de la population qui se plaint des politiques, mais qui au moment de voter, réélisent toujours les mêmes de l'UMPS.

    On a la démocratie qu'on mérite, non?

    Un agriculteur qui ne vote ni pour la FNSEA, ni pour l'UMPS (çà existe quand même un peu;-)

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  10. Le rôle des "politiques" n'est pas de résoudre le problème mais de le temporiser afin que son successeur puisse avoir le job!

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  11. @ Jauresist

    Il me semble que la Coordination Rurale gagne en popularité

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