jeudi 17 septembre 2015

Smart essaie de miniaturiser les droits sociaux

La déconstruction des droits sociaux ne passe pas seulement par le futur projet de loi qu’a annoncé Manuel Valls il y a une semaine. Car cette déconstruction a déjà commencé par les accords de compétitivité, déjà passés par nos constructeurs nationaux, et qui se négocient chez Smart.


Résignation des salariés, résistance des syndicats

François Lenglet a bien eu raison de souligner le caractère exceptionnel du référendum organisé par Smart. La direction de la marque, qui appartient à Mercedes, a demandé à ses salariés s’ils soutenaient son pacte 2020, qui prévoit un passage du temps de travail de 35 à 39 heures, payées 37, une diminution du nombre de RTT pour les cadres l’embauche de 50 CDI d’ici à fin 2017, une prime exceptionnelle et une garantie de l’emploi jusqu’en 2020. Pour passer outre l’opposition des syndicats, le constructeur automobile a donc fait un référendum, approuvé par 56% des salariés qui ont donc accepté ses propositions. Il faut noter que les cadres les ont acceptées à 74% quand les ouvriers s’y sont opposés à 61%. Le référendum n’ayant pas de valeur légale, il faut aussi l’accord d’une partie des syndicats.

Curieusement, il suffit de l’accord de syndicats ne représentant que 30% du personnel pour que l’accord soit mis en place. En clair, le cadre légal actuel permet à Smart de mettre en place son plan avec le seul soutien d’un syndicat représentant 30,1% des salariés, même si des syndicats représentant 69,9% des salariés s’y opposaient ! Mais malgré le résultat du référendum, la CGT et la CFDT, qui représentent 54% des voix des salariés, ont été rejointes par la CFTC hier, ne permettant pas à la direction de pouvoir signer un accord car elle avait besoin du soutien conjoint de la CFTC et de la CGC pour réunir des syndicats représentant plus de 30% des salariés. La CFTC a déclaré vouloir « laisser le choix à tous les coéquipiers d’accepter ou non une modification de leur contrat de travail » et mis fin aux négociations.

Rapports de force et chantage à l’emploi

Ce qui est frappant ici, comme dans le cas de Renault, qui avait eu recours à ces accords pour améliorer sa compétitivité en obtenant des concessions de ses salariés, c’est que le contexte actuel est très défavorable aux salariés, notamment dans l’industrie. En effet, les salariés français subissent la concurrence de pays où le salaire minimum est 5 à 10 fois plus bas, en Afrique du Nord, en Europe de l’Est ou en Chine et affrontent aussi des pays d’Europe du Sud qui ont aussi baissé leur coût du travail. La concurrence est d’autant plus dure et cruelle que nos frontières sont complètement ouvertes aux produits des pays aux plus bas salaires, l’inverse n’étant pas toujours vrai, notamment dans le cas de la Chine, et il est bien évident que le coût de transport ne compense pas les différences de coûts salariaux.

Pire, avec le maintien d’un taux de chômage massif, le rapport de force est extraordinairement défavorable aux salariés, qui peuvent préférer un engagement de maintien de l’emploi pour quelques années contre une baisse de leur rémunération horaire, même s’il est parfaitement possible que Mercedes demande d’autres sacrifices à l’issue de ce plan, pour les mêmes raisons, surtout si le cadre législatif le permet toujours. Bref, difficile de ne pas comprendre que ces accords de compétitivité et toute la flexibilité que devrait permettre le projet de loi sur le droit du travail ne fait que renforcer la dépression anti-sociale qui pèse sur les salariés. Le cadre actuel, loin de protéger les pseudo privilèges de ceux qui ont un emploi, permet aux actionnaires de faire pression sur les entreprises pour déconstruire les droits sociaux.

Le plus effarant, même si c’est une habitude depuis plus de trois décennies, c’est de constater qu’un parti qui se dit socialiste continue de déconstruire le droit social, parfois même de manière bien plus radicale que ne le fait la droite, comme on le voit sur le travail du dimanche

7 commentaires:

  1. Comment traduit-on Hartz en français ?
    A votre dernière question le PS et les socialo-libéraux répondront que ces "réformes" sont nécéssaires pour preserver notre système social : le recul est une conservation...
    Du coté de la droite libérale la rhétorique est à peu de chose la même puisqu'ils nous expliquent que le recul est un progrés.

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  2. La compétitivité est un alibi commode.
    Qu'est ce qui garantit que les efforts faits par les salariés seront affectés au prix des produits de l'entreprise et non aux dividendes ou à des auto-augmentations ?
    Avec une monnaie nationale qui reflète la compétitivité du pays, les choses sont claires, si on ne produit pas assez nos produits importés deviennent automatiquement plus chers et inversement.

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  3. Le discours distillé par les dirigeants politiques et économiques français ou plutôt les éléments de langage sur la nécessité d'accroître la compétitivité des entreprises est creux et ne débouche sur aucun résultat positif. Au contraire, les mesures prises mettent en péril le système économique et social actuel et l'économie elle-même en comprimant la demande à cause d'une diminution des salaires et en accroissant les dépenses liées à la progression du chômage. cela n'est pas suffisant pour ce gouvernement de pourris. Mais cela ne suffit pas à nos éminence socialistes qui n'a de cesse s'attaquer aux lois et codes qui régulent, organisent, protègent, équilibrent au motif qu'ils pénalisent les entreprises. Il s'agit là d'une destruction systématique, programmée, coordonnée (cf. les propositions de Badinter, Terra Nova ... sur le Code du travail) que nous devons combattre avec nos moyens politiques, syndicaux, citoyens, associatifs. Si nous restons les bras croisés en attendant des lendemains meilleurs, le moment viendra où il deviendra très difficile, voire impossible de revenir sur les effets de la politique de régression sociales en cours d'exécution.

    DemOs

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  4. Et encore un exemple, très récent, de la manière dont les salariés se font... entuber (notamment les cadres dont je pensais qu'ils étaient d'une efficience intellectuelle un peu plus développée...) : deux ans de sacrifices... pour rien.
    http://www.lalsace.fr/actualite/2015/09/15/mahle-behr-france-met-fin-a-son-accord-de-competitivite

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    1. canlucat

      je ne suis pas sûr qu'il s'agisse uniquement d'efficience intellectuelle pour qui que ce soit d'ailleurs. Dans le cas de ces accords, il me semble qu'il y a des notions qui entrent en jeu que peu de gens sont en mesure de synthétiser dans un dossier d'entreprise comme celles qui sont citées.

      Mais avant tout, il ne faut jamais oublier qu'un contrat de travail met en SUBORDINATION l'employé par rapport à son employeur. Ensuite c'est la peur du chômage associée une pénurie d'emploi qui l'emporte sur toute autre considération ultérieure.

      depuis des décennies, les cadres ne sont assurés de rien de plus dans une entreprise Les méthodes de management fleurissent, ou se sont multipliées (lean management, méthode hoshin, "responsabilisation du personnel" etc....) pour reconstituer les organisations et les organigrammes où les cadres paient leur tribut à l'emploi.

      Ajoutons à cela, pour certains d'entre eux des notions psychologiques comme le choix de la "classe socio pro" qui conduit à accepter momentanément les solutions de la direction, fussent elles ensuite défavorables...

      Il y a encore d'autres choses qui m'étonnent, qui ressemblant effectivement à un entubage en règle....j'en ferai état dès que je peux..

      Stan




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    2. Il ne faut pas oublier que : efficient
      est un mot anglais, importé par ceux-là même qui trouvent que rien n'est bien en France, et qui veulent donner des airs scientifiques à des partis pris idéologiques.

      Je dis ça juste en passant...
      Mais aussi pour montrer comment la propagandage finit toujours par teinter nos esprits, même si nous ne sommes pas d'accord avec l'idéologie dominante.

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  5. @ Anonymes

    Bon exemple de la fusion politique PS-UMP

    @ TeoNeo

    Bien d’accord. C’est une logique désastreuse

    @ Démos

    Il faut dénoncer tout cela et réfléchir au moyen de combattre efficacement ces politiques

    @ CanluCat

    Merci

    @ Abd_Salam

    C’est juste

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