samedi 3 octobre 2015

Un autre regard sur la crise à Air France




Derrière les apparences


Mais cette présentation des choses est un peu courte. Déjà, raisonner en heure de vol est aussi partiel que partial. Les syndicats contestent les chiffres de la direction, qu’ils comparent aux autres grandes compagnies européennes. Il est bien évident que les compagnies à bas coûts ont sans doute pu embaucher à bas prix avec un chômage aussi élevé… D’ailleurs la compétition n’est pas loyale, notamment avec les compagnies du Golfe, qui bénéficient d’avantages colossaux et auquel le gouvernement continue pourtant d’accorder de nouveaux créneaux en France… En outre, on peut comprendre que les syndicats contestent ces nouveaux efforts alors que la compagnie s’est redressée, au point qu’elle va dégager 300 millions de profits en 2015. Enfin, il est étonnant que l’on oublie l’opposition des PNC…

Une logique détestable

Bien sûr, quand le capitalisme actionnarial s’attaque à des personnes qui sont au sommet de la pyramide, il est plus difficile de trouver des personnes qui les soutiennent. Après tout, les pilotes gagnent 75 000 euros au début de leur carrière et les commandants de bord plus de 10 000 euros bruts par mois. Qu’ils volent une centaine d’heures de plus par an ne semble vraiment pas déraisonnable. Mais d’abord, après le drame du krach d’un avion en France, on peut penser que ce métier mérite un salaire plus important que la moyenne. Après tout, il y a quelques décennies, les pilotes ne devaient pas gagner moins que les joueurs de football ou les traders. Est-il juste que la rémunération de ces derniers se soit envolée, et pas celles des pilotes, qui suivent pourtant des études et des formations très dures ?

Plus généralement, ce n’est pas parce que la loi de la jungle capitaliste s’attaque au haut de la pyramide qu’elle est plus acceptable. Ce faisant, cela illustre les théories de Piketty, Stiglitz ou Todd, pour qui les inégalités ne se mesurent plus au niveau des 10% qui gagnent le plus, mais au niveau des 1 ou même des 0,1% les plus riches, dont les rémunérations s’envolent, comme on le voit pour les patrons du CAC 40, qui gagnent aujourd’hui en moyenne plus de 4 millions par an. Ce qui se passe à Air France ne s’inscrit-il pas dans le rançonnage de 99% à 99,9% de la population par le 1% ou 0,1% du haut ? Ce qui se passe pour les pilotes n’est-il pas que la réplique de cette quête délétère de compétitivité ?


D’ailleurs, les surprenantes critiques du patron de la CFDT contre le syndicat des pilotes, après celles du Monde l’an dernier lors de la grève, poussent au contraire à prendre du recul sur la dénonciation trop facile du corporatisme des pilotes et se pencher sur le triste courant de notre époque.

6 commentaires:

  1. L'objectif de l'actuelle direction du groupe me parait être un transfert d'activité d4air France vers KLM. C'est pratiquement achevé pour le fret avec Martinair et ils vont s'attaquer au trafic passagers.
    Les gains de productivité (alpha et omega de la croyance libérale) sont un excellent prétexte pour amener, au travers de négociations pipées, une rupture avec les syndicats, par ailleurs en "perte de vitesse". Le pseudo abandon de certaines dessertes en long-courrier sera plus vraisemblablement un transfert vers KLM qui ne dit pas son nom.

    RépondreSupprimer
  2. et bien sur vous préférez payer 100€de plus chez A France que d'aller sur Ryanair

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui. Et je passe aussi par les caisses à caissières, pas pas les cochonneries automatiques.

      Supprimer
    2. Il est écoeurant que pour que le client gagne 100 euros sur le prix de vente, il faut que le patron gagne 500 euros de plus, parce qu'on a supprimé deux ou trois salaires dans les frais de fonctionnement de l'entreprise...

      Ça fait cher l'économie.

      Surtout quand ça fait toujours plus de chômeurs qui sont à la charge de la collectivité !

      Gagner un petit 100 euros ici, pour dépenser ensuite 1 000 euros d'impôt par contribuable là pour financer les RSA et les indemnités chômages... dont les entreprises sont exemptées de contribution.

      Ça fait cher l'économie.

      Je préfère du coup payer le billet 200 euros plus cher même, et que l'Etat ne soit pas obligé d'augmenté le nombre de radar pour collecter des impôts déguisés. Que l'Etat ne soit pas obligé d'augmenter les impôts ou de diminuer les alloc' chômages et les allocations familiales.

      Supprimer
  3. La paupérisation des classes moyennes s'étend désormais à la classe aisée mais c'est bien la suite du même phénomène.
    Ce sont ceux qui savent faire quelque chose, qui ont un vrai métier, qui voient leurs revenus diminuer tandis que les brasseurs de vent, les communicants, les "managers", les actionnaires et les requins de Marc Rameaux, qui ne savent rien faire et pillent le travail des autres, s'empiffrent plus que jamais

    RépondreSupprimer
  4. @ Cliquet

    En effet. Et le plus effarant, c’est quand la CFDT critique les syndicats de pilotes

    @ Zen aztec

    La course vers le moins-disant social, si elle permet des économies à court terme pour qui en profite, est destructrice de la société à moyen terme.

    @ Anonyme 18h52

    C’est ce que je fais également

    @ Abd_Salam

    Très juste

    @ Rodolphe

    En effet, la pression s’étend sur la totalité de la population

    RépondreSupprimer