samedi 31 mars 2018

Le Brexit, 21 mois après, partie 1

Une sortie, au ralenti

Autant le vote de juin 2016 avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans des milieux métropolitains si uniformément attachés à leur religion soit-disante européenne, autant les vingt et un mois qui ont suivi ont finalement été assez paisibles, pour qui prend un peu de recul sur le fracas de quelques déclarations exagérées. La croissance de la Grande-Bretagne ne s’est pas effondrée, le pays ayant pu compter sur sa propre monnaie et sa propre banque centrale pour adopter presque immédiatement des mesures de soutien à l’été 2016, qui ont fait baisser la livre. Un bon exemple qui montre l’intérêt d’avoir sa propre monnaie et de ne pas être enfermée dans la monnaie unique qu’est l’euro.

Sur la croissance, les débats sont assez agités. Le camp du « Bremain » avait parfois assez imprudemment annoncé un cataclysme, qui n’est pas venu. Depuis, ils s’accrochent aux quelques dizièmes de pourcents de croissance de moins de la Grande-Bretagne par rapport à la moyenne de l’Union Européenne ou la légère remontée de l’inflation consécutive à la baisse de la livre. Mais l’écart reste minime à date et il serait utile de voir l’évolution détaillée par décile. En effet, si le petit écart actuel de croissance vient uniquement du dégonflement de la sphère des très hauts revenus, qui préfère le cadre plus oligarchique de l’UE, alors cet écart n’est en aucun cas un problème pour le Royaume Uni.

Malgré tout, à moins que le pays ne mette en place une politique nettement plus progressiste que dans l’UE, ce qui n’est pas à l’ordre du jour, il faut bien reconnaître qu’un très léger décalage de croissance pourrait persister à court terme. En effet, même si la période de transition va durer jusqu’à décembre 2020, les multinationales devraient préférer le cadre européen, qui leur est plus favorable, et laisse moins de latitude d’action aux Etats pour encadrer la quète des intérêts de leurs actionnaires. Par conséquent, il est probable qu’elles préfèrent des implantations continentales. Mais ce faisant, encore une fois, l’UE montre qu’elle est un espace qui sert d’abord les intérêts du monde des affaires.

Cependant, le gouvernement actuel britannique n’a pas de projets très différents de ceux de l’UE, à la question migratoire près, ce qui explique sans doute le choix d’une sortie lente et au ralenti. Non seulement Theresa May prévoit d’utiliser pleinement les 2 ans de négociation prévus dans l’article 50, mais elle a déjà accepté une période de transition de 21 mois, où pas grand chose ne changera. Finalement, on peut se demander si l’agenda de Jérémy Corbyn n’aurait pas imposé une sortie plus franche et rapide, tant son programme est davantage en contradiction avec l’agenda euro-oligolibéral, au contraire du programme politique des conservateurs, bien plus proche de celui de l’UE.

Dans l’absolu, cette sortie au ralenti, et finalement assez douce, reste inquiétante pour l’UE car elle pourrait dédramatiser l’idée même d’une sortie de l’UE, les risques apparaissant finalement très limités. Mais c’est sans compter sur des média souvent alarmistes et de parti-pris, qui rabâchent leur horreur du Brexit, probablement sans grande influence pour qui n’est pas de leur bord.


Lundi, je reviendrai sur les implications pour une sortie de la France

7 commentaires:

  1. "Finalement, on peut se demander si l’agenda de Jérémy Corbyn n’aurait pas imposé une sortie plus franche et rapide"

    Sauf que Corbyn veut une nouvelle union douanière calquée sur le régime actuel.
    https://www.lesechos.fr/monde/europe/0301342875166-brexit-le-labour-complique-la-donne-pour-theresa-may-2156336.php

    RépondreSupprimer
  2. Mon sentiment est que les dirigeants du RU (que ce soit May ou Corbyn) n’assument pas totalement le Brexit voulu par le peuple britannique. Déjà, il s’est écoulé 9 mois entre le référendum et l’activation de l’article 50. Et ensuite, on prévoit une période de transition de presque 2 ans après les 2 ans de négociations… Il se sera donc écoulé près de 5 ans depuis le référendum lorsque le Brexit entrera vraiment en application, si seulement il entre un jour en application. Ensuite, May a accepté les conditions de l’UE, notamment le chèque de sortie. Et ne me parlez pas de Corbyn qui est pire que May. Tout cela ne plaide pas en faveur d’une sortie de l’UE. Le Brexit est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Ca et la capitulation de Tsipras, ça nous handicapent, nous les eurosceptiques, lorsque nous défendons la sortie de l’euro et de l’UE.

    RépondreSupprimer
  3. Il ne faut pas perdre de vue que ni May ni Corbyn n'étaient favorables au Brexit.

    RépondreSupprimer
  4. Vous êtes ridicule, le Brexit n'a toujours pas eu lieu, il est en négociation et les résultats seront très mauvais pour la GB qui est en train de se mettre tout le monde à dos, Ecosse et Irlande compris.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les résultats seront « très mauvais » ? À quel titre ? Quelle est la crédibilité des études qui prétendent le montrer ? J'ai déjà cité ici les travaux récents de Gudgin, Graham, Gibson, Coutts et Buchanan, qui démontent les analyses pessimistes sur les conséquences économiques prévisibles du Brexit et en soulignent le caractère idéologique : http://www.gaullistelibre.com/2018/03/lesbrouffe-protectionniste-de-donald.html?showComment=1520767056296#c4053832002987874033.

      Enfin, la question écossaise n'est pas nouvelle et ne découle pas du vote en faveur de la sortie de l'UE, tandis que l'Irlande est le pays qui, après le rejet du traité de Lisbonne par un premier référendum en 2008, a fait revoter ses citoyens « dans le bon sens » après les avoir éclairés, c'est-à-dire après une campagne de pure propagande assimilant la non-ratification éventuelle du traité à un cataclysme condamnant l'Irlande à sombrer dans les profondeurs de l'océan. La Catalogne s'agite aussi, les nationalistes sont aux affaires en Corse et, à ma connaissance, ce n'est pas parce que Madrid ou Paris auraient envisagé de quitter l'UE.

      YPB

      Supprimer
  5. Il semble qu'il y a une petite erreur .L'euro est une monnaie commune et pas unique .

    Paul

    RépondreSupprimer

  6. @ Moi

    Autant les contradictions économiques sont limitées entre les traités européens et le programme des conservateurs, autant l’écart est beaucoup plus grand avec celui de Jérémy Corbyn. L’approche du pouvoir pourrait le pousser vers une rupture plus franche s’il est fidèle à ses convictions (ce qu’il semble avoir été dans le passé)…

    @ Anonyme

    Résultats aussi mauvais que ceux de l’UE et de l’euro sont bons j’imagine ?

    @ YPB

    Merci

    @ Unknown

    Pour ceux qui ont suivi les débats de 1991-1992, la monnaie commune est une monnaie supplémentaire qui ne vient pas en substitution de l’ancienne, contrairement à ce que l’euro, monnaie unique, représente aujourd’hui pour les pays qui en font partie.

    RépondreSupprimer