mercredi 20 février 2013

La dérisoire réforme bancaire de François Hollande, suite


Hier, le Parlement a adopté la première mouture du projet de loi de réforme bancaire du gouvernement. Un texte qui démontre l’inutilité complète du PS qui a proposé une loi moins ambitieuse encore que celles passées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des pays pourtant guère interventionnistes.

Beaucoup de bruit pour rien

On se souvient que, pendant la campagne électorale, François Hollande avait fait, le temps d’un discours, de la finance son ennemi. Mais, dans une logique toute sarkozyste, il était allé quelques jours après dire le contraire absolu au Guardian, vantant alors toutes les réformes néolibérales menées par de précédents gouvernements socialistes, comme si les Français et les journalistes ne lisaient pas la presse internationale, ce qui avait déclenché une belle polémique.

Du coup, il n’y avait pas grand chose à attendre. Et de facto, comme avec Sarkozy, la France est en retard dans la réforme de la finance. Alors que Berne ou Londres imposent des normes prudentielles plus sévères que Bâle 3 (malheureusement assouplies) pour tenir compte de la crise, le projet de loi français n’aborde même pas le sujet… Bref, sous Hollande comme sous Sarkozy, comme le soulignent beaucoup, Paris se montre moins contraignant que Londres. Un comble !

Le refus du Glass Steagall Act

L’élément le plus emblématique est clairement le refus de couper les banques en deux, comme l’avait fait Franklin Roosevelt après la Grande Dépression. Pourtant, l’ensemble du Glass Steagall Act, qui avait influencé les lois du monde entier, avait assuré des décennies de stabilité financière et son démantèlement a immédiatement provoqué de nouvelles crises. Mais comme souvent, les socialistes restent sourds aux leçons de l’histoire. Leur cerveau est encore débranché.

La simple séparation dans des filiales différentes ne changera rien en cas de panique car il est bien évident qu’une filiale peut en couler une autre et que les déposants pourront toujours craindre la faillite de leur banque, ce qui n’aurait pas été le cas avec une stricte séparation. Mais le comble du ridicule a été atteint lors des auditions en commission des finances quand le président de la Société Générale a admis que moins d’1% de son activité serait touchée par le projet

La colère des économistes

Le plus extraordinaire est que depuis quatre ans, d’innombrables économistes ont fait des propositions de véritables réformes du système financier : Frédéric Lordon, Jacques Sapir ou Jean-Luc Gréau, dans son dernier livre, absolument excellent (et bientôt en résumé dans le blog). Bref, ce ne sont pas les idées qui manquent et la grande majorité des économistes sérieux (de droite comme de gauche) soulignent la nécessité de couper les banques, a minima en deux.

Certains, proches des théories du 100% monnaie, proposent même de les couper en trois : dépôt, prêt et investissement. Olivier Berruyer, sur son très recommandable blog, a publié un papier très critique du projet gouvernemental et les économistes atterrés ont qualifié la loi de « dangereuse et inapplicable ». Bref, de droite, de gauche, des fédéralistes ou des souverainistes, les critiques sont sévères à l’égard du projet gouvernemental. Il est désolant que le PS fasse si peu.

Bien sûr, le lobby bancaire a sans doute eu une grande influence, mais cela n’a été possible que parce que les socialistes ont arrêté de réfléchir sur la question, alors qu’une simple analyse des carences actuelles, puis la définition des principes d’une réforme aurait permis de présenter une réforme bien plus solide.


Ajout : sur ce thème, lire le papier de Frédéric Lordon, « La régulation bancaire au pistolet à bouchon »

11 commentaires:

  1. Bonjour M. Pinsolle,

    Je vous cite "la grande majorité des économistes sérieux (de droite comme de gauche) soulignent la nécessité de couper les banques". Quels sont alors les conseillers ou "têtes pensantes" économistes de notre gouvernement ou du PS au sens large (je parle d'économistes de formation) ? Pourquoi seraient-ils sur une autre ligne que la majorité des économistes sérieux ? A la lecture de votre papier, on a l'impression que l'on fait le contraire de ce qui apparaît comme être le bon sens puisque les précédents historiques le montrent... Je n'arrive pas à suivre...

    Amicalement.

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    1. Bha, 'on', préfère écouter ses amis banquiers et certainement pas des 'têtes pensantes'...
      Lobbys, intérêts, toussa...

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    2. Vincent,
      chaque famille de pensée choisit ses économistes, et légitime son choix en leur appliquant une labellisation flatteuse.
      Je ne rappelle pas cela pour vous laisser entendre que Gréau, Sapir ou Lordon ne seraient pas vraiment sérieux. Ils fournissent la base scientifique des projets ou complots que nous fomentons ici sur ce blog...
      La raison est de leur côté car les économistes bancaires qui continuent à sévir dans le camp d'en face ont prouvé depuis trente ans leur nocivité. C'est pour cela que les hétérodoxes que nous vous conseillons vivement de connaître sont sérieux et les autres pas du tout.
      Ensuite on peut toujours continuer à consulter son astrologue même s'il n'a dit jusque-là que des âneries. C'est l'attitude du PS qui continue par exemple à fréquenter les faux frères Cohen (si au moins c'était du cinéma, on rirait un peu...)
      En espérant que votre intervention ne contenait pas trop de naïveté feinte. Depuis que l'on sait que l'UE a décidé d'investir contre la blogosphère hostile, on se méfie un peu de tout le monde.
      Francis Commarrieu.

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  2. Sur le blog d'Olivier Berruyer "les crises.fr" il a été démontré depuis quelques semaines en quoi la "réforme" des banques était une "réformette" pour ne pas déplaire aux banques. On pouvait compter sur ce haut fonctionnaire et social-traitre qu'est Moscovici pour aboutir à un résultat pareil.

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  3. @Francis,

    merci pour la réponse, pas de naïveté feinte, je suis scientifique océanographe de formation et j'aime à analyser un sujet sur des bases les plus larges possibles pour me faire mon opinion.
    Je me sens véritablement eurosceptique mais j'ai besoin de lire les thèses qui s'affrontent même si cela devient vite compliqué quand on n'est pas économiste de formation. et quand on écoute nos élites, on se demande si eux-mêmes y comprennent quelque chose à raconter tout et son contraire...

    Cordialement

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    1. C'est une saine attitude.
      L'euroscepticisme ne correspond cependant pas à une aversion pour l'Europe, entendue au sens de la coopération voire de l'amitié entre les peuples du continent. Il correspond à une volonté politique de réviser si possible, voire démonter si nécessaire l'UE, parce que cette dernière contribue largement à détruire la structure économique d'une partie des pays membres, le nôtre compris, et s'est édifiée contre les principes élémentaires de la souveraineté nationale.
      Les eurobéats font de tout avatar de l'Europe (UE et UEM) une vache sacrée. Les économistes de banque et le PS ont comme vaches sacrées, pour des raisons profondes mais différentes, la libre-circulation absolue des capitaux et marchandises, et le relais de la mondialisation que constitue l'UE. Ces vaches sacrées comptent pour eux davantage que la défense de l'intérêt général du pays et le sort de ses citoyens.
      Ceux qui réagissent dans ce blog perçoivent une telle fracture comme essentielle, qui départage clairement économistes et responsables politiques en deux camps peu réconciliables.
      FC.

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    2. N'oublions pas que l'UE, telle qu'elle est construite par nos dirigeants, n'est qu'une des formes que peut prendre la coopération entre les Etats d'Europe et entre ses habitants, tant pour ses règles et principes que pour son périmètre. Mais s'il existe des alternatives, d'autres modèles possibles, certains choix, comme ceux qui concernent la monnaie unique, la banque centrale européenne indépendante, le commerce et la finance dérégulés et bien d'autres sont faits et inscrits dans le marbre.

      Et l'UE fait ce qu'il faut pour que les citoyens-consommateurs-salariés comprennent bien que ce qui est décidé et mis en place par elle et par les organisations qu'elle a créées, y compris de manière anti-démocratique(cf. le TSCG), est sacré, d'essence divine.

      Des philosophes avaient rêvé d'une cité idéale, des écrivains nous avaient laissé entrevoir un monde idéal, des religieux l'avaient promis dans l'au-delà, mais personne jusqu'à ce jour n'avait réussi à l'incarner. Avec l'Union européenne, voilà qui est fait.

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  4. Je reste sceptique sur cette histoire de séparation des activités. En témoignent les 2000 pages du projet US, un truc imbitable, tout comme le traité constitutionnel de l'UE.

    Le problème n'est pas d'avoir des barrières statiques, mais des règles d'observation des bulles en croissance, une régulation dynamique. Il faut quand même pas oublier que ce sont des bulles immobilières qui souvent font tomber le système, pas tant du trading. Lordon signale la nécessité de juguler les bulles dans son dernier billet.

    On parle trop de la séparation, alors que le problème se situe sur les bulles spéculatives macro qui ne relèvent pas que du trading fondamentalement. C'est le point de départ qui emballe la machine, le reste est la queue de la comète.

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  5. @ Vincent

    Le problème est qu’ils n’écoutent que les gens qui pensent comme eux, presque jamais ceux qui osent penser différemment, par dogmatisme et paresse intellectuelle. Ils pensent qu’il n’y a pas d’alternative.

    J’ai cité à dessein Lordon, Sapir et Gréau car ils viennent de trois courants de pensée différents : Gréau est un libéral, humaniste et pragmatique, mais fondamentalement un libéral. Sapir est un keynésien, un socialiste dans le sens que devrait recouvrir ce terme. Et Lordon est plus à gauche encore. Certains le voient comme un néomarxiste démocrate. Et puis, beaucoup d’autres ont écrit sur ces idées : vous pouvez consulter mes résumés de livres d’auteurs très différents.

    http://www.gaullistelibre.com/2012/10/41-livres-pour-mieux-comprendre-la-crise.html

    @ Anonyme

    En effet, rien de bon à attendre de Moscovici.

    @ Olaf

    La séparation en deux permet d’éviter les paniques bancaires et les cloisons, comme dans la cale d’un bateau, sont le moyen de rendre le monde financier plus stable. Et il faut y ajouter une régulation dynamique. Mais cette seule régulation dynamique ne sera pas suffisante. Je crois que l’expérience actuelle montre qu’il nous faut ceinture et bretelle en la matière.

    Le projet US a été capturé par les lobbys. Le diable est dans les détails. Le Glass Steagall Act était très court, mais portait sur l’essentiel. D’accord néanmoins sur la séparation, qui n’est qu’un élément parmi ceux nécessaires pour réformer la finance.

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  6. On fait beaucoup référence au "Glass Steagal Act" par facilité de langage mais la France avait aussi sa réglementation en la matière après guerre et il semble qu'elle était plus poussée encore.

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006072686&dateTexte=20101130

    Sinon pourquoi 5 ans après la crise on n'a rien fait ? Pourquoi on n'a pas organisé un système pour gérer une faillite bancaire ? Est il normal que l'actionnaire doit gagner sur tous les plans ? Une mise sous tutelle par la banque centrale pour sauvegarder les comptes en banques, une fois la liquidation realisée, est il vraiment irréalisable ? Ou le but de cette inaction est de ne pas montrer au peuple qu'on peut se défaire de la dictature de l'argent ?
    Bien sur, je ne considere pas les différentes mutualisations de pertes type MES, union bancaire,etc...comme des solutions.

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  7. NDA a voté pour cette réforme à l'A.N. d'après ce que je lis ?

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