jeudi 7 mars 2013

Finance : les frontières, nos armes pour réguler la finance


Avec la dérisoire réforme bancaire du gouvernement, dont le patron de la Société Générale a admis qu’elle ne toucherait que moins d’1% de ses activités, le débat fait rage sur la nécessité d’aller beaucoup plus loin, mais une question se pose : comment faire en sorte de pouvoir le faire ?

Tous d’accord pour dire que cela ne va pas assez loin



Quand 4 chroniqueurs d’Atlantico sont d’accord avec Frédéric Lordon pour dire que, grosso modo, rien n’a été fait pour tirer les leçons de la crise financière de 2008, il y a de quoi être inquiet. Alors que Karine Berger se prend pour Roosevelt, la quasi unanimité des économistes, de droite comme de gauche, critiquent la modestie du projet gouvernemental et démontrent que nos gouvernements, en France comme ailleurs, ne se sont pas emparés du problème de la régulation de la finance.

Dans un papier enlevé, comme toujours, Frédéric Lordon dénonce « la régulation bancaire au pistolet à bouchon » de François Hollande, dans un écho à la critique de Paul Krugman du plan de croissance européen, qu’il avait qualifié alors de « pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge ». Emmanuel Lévy, dans Marianne, rappelle qu’aujourd’hui, les grandes banques ne paient que 8% d’impôt, selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, démentant la propagande du secteur.

Atlantico a également publié de nombreux papiers dénonçant la non régulation du secteur financier. Simone Wapler souligne qu’« en France, les banques n’ont pas encore été confrontées à l’éclatement de la bulle immobilière ». Dans un entretien croisé intéressant, trois experts, Thierry Bonneau, Paul Jorion et Pascal Ordonneau se demandent si « l’industrie de la finance est devenue totalement incontrôlable », démontrant à nouveau la modestie des mesures prises ici et ailleurs.

L’oubli des frontières, notre arme atomique

Dans un blog du Monde hallucinant, Georges Ugeux s’en prend au projet de réglementation européenne visant à limiter le montant des bonus des banquiers. Il dénonce le manque de souplesse que ce projet devrait provoquer tout en mettant en avant le risque vis-à-vis de la compétition internationale, qui devrait provoquer une « migration des talents ». Il est tout de même désolant que cette pseudo gauche en vienne à critiquer les timides efforts de réforme des rémunéations délirantes de la finance au nom de la concurrence internationale, signe qu’elle a vraiment perdu le nord.

En fait, le problème est assez simple et vient du fait que nos gouvernants sont incapables de raisonner dans un cadre autre que celui d’une libre circulation des capitaux. Et il est évident que dans ces conditions, il est difficile de durcir sa réglementation si le voisin ne le fait pas car les capitaux iront vers le moins-disant, souvent des parasites fiscaux. Pourtant il n’est pas compliqué de comprendre qu’en restaurant des frontières pour les mouvements de capitaux, tout deviendrait possible.

Qui plus est, cette idée gagne du terrain. Joseph Stiglitz en a été un des premiers promoteurs, dans son livre de 2001, « La grande désillusion ». Le FMI, depuis, a reconnu que les mouvements anarchiques de capitaux pouvaient être un frein au développement. Jacques Sapir a récemment consacré un texte de son blog pour montrer qu’il s’agissait d’une idée « qui faisait son chemin ». Ragemag a également publié un bon papier pour réhabiliter l’idée de patriotisme, notamment à gauche.

La gauche molle ne cesse d’accepter l’agenda néolibéral car elle est incapable de penser en dehors de ce cadre internationaliste qui finit par la rendre aussi bête qu’antisociale. C’est ce qui la mènera à sa perte car le patriotisme, la nation et les frontières sont les seuls moyens de reprendre notre destin en mains.

12 commentaires:

  1. Qu'un banquier critique toute réglementation de son activité c'est normal et c'est plutôt le contraire qui serait étonnant. Les socialistes ont tout oublié de Jaurès, qui ont pourtant une Fondation Jean Jaurès, au point d'être incapable de contrer Sarkozy en 2007 qui le récupérait, qui disait que les pauvres ont une Nation. Seul le capital n'en a pas et est apatride comme Madame Parisot et son Mouvement des Exploiteurs de "France" comme la gauche est internationaliste conçu en haine de l'Etat et de la Nation. A cet égard l'UE même très libérale leur convient bien puisque selon eux et tous les européistes et une grande partie de la droite Nation=nationalisme=guerre depuis 1945.
    Il faut lire et relire l'opuscule de Régis Debray "éloge des frontières".

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  2. La gauche molle reste certainement internationaliste, mais c'est quasiment la même chose pour l'aile gauche du PS et pour le Front de gauche, même si ils partagent par ailleurs beaucoup de vos critiques du système. Comme l'illustre très bien cet article, l'euro, le protectionnisme et le contrôle des capitaux ne sont certes pas complètement tabous pour eux, moins que pour le gouvernement,mais on en reste au niveau des bonnes intentions, les propositions ne sont pas creusées, les conséquences en terme de rupture éventuelle avec l'europe pas appréhendées jusqu'au bout. Du coup, on se demande ce qu'il se passerait s'ils arrivaient au pouvoir, est ce que ce serait si différent de ce que fait Hollande ? Pas sûr. Et une politique de relance qui ne prendrait pas en compte les autres aspects que je mentionne, dont le contrôle des capitaux, aurait le même résultat qu'en 81 je pense.

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  3. "La gauche molle ne cesse d’accepter l’agenda néolibéral car elle est incapable de penser en dehors de ce cadre internationaliste qui finit par la rendre aussi bête qu’antisociale. C’est ce qui la mènera à sa perte ...".
    C'est à coup sûr ce qui va se produire, mais d'ici là, nous allons payer très cher cette fuite en avant des libéraux-sociaux après le désastre sarkozyste. Choix que nous continuerons d'ailleurs à devoir assumer à l'arrivée de leurs successeurs si les idées que nous défendons ne se diffusent pas dans la société et qu'aucune alternative structurée n'émerge.

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  4. @ Démos,

    Je crois qu'il fallait passer par l'échec de Sarkozy et du PS pour qu'une alternative s'impose.

    @ Bernard

    L'internationalisme dogmatique est aujourd'hui ce qui limite l'évolution de la pensée du FG et de l'aile gauche du PS. Le cadre national est tabou. En cela, on peut douter de ce qui se passerait, pour l'aile gauche du PS en tout cas. Que ferait un Montebourg président s'il n'était pas prêt à désobéir aux traités européens et sortir du cadre de l'euro ? Rien. Et il n'est pas sûr qu'il soit capable de sortir de ce cadre. Pour le FG, je crois que c'est différent. Ce qu'ils défendent est trop radicalement différent pour pouvoir être mené dans le cadre actuel. Disons qu'ils préfèrent ne pas aller au bout de leur logique, mais on peut penser qu'un Mélenchon au pouvoir ne s'encombrerait pas longtemps de ce cadre néolibéral totalement contradictoire avec la politique qu'il souhaiterait mener.

    @ Cording

    Bien d'accord. J'aurais dû faire une référence implicite à cet excellent livre.

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  5. Bonjour,

    Ce n'est pas le sujet, mais je viens de tomber sur un article du Monde "Pas de panique..." sur l'Europe assez deprimant et ecoeurant..
    Notamment la phrase "il n'est pas si choquant, après soixante-dix ans de paix, d'émigrer en Allemagne, à 20 ou 30 ans, quand on a perdu l'espoir de trouver un emploi dans son propre pays" et j'avais deja entendu des remarques du meme genre a la radio.
    De meme que cela fait des decennies que l'on s'accomode de 3 millions de chomeurs en France, je suis sur qu'une bonne partie des classes superieures accepteraient sans probleme que les pays du sud (y compris la France) deviennent des deserts industriels et que la production se concentre au nord.
    Dans leur optique, apres tout puisque c'est l'Europe il n'y a rien de genant a cela.

    Donc j'ai peur que la derive continue encore longtemps...

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    1. Le STO nouveau est arrivé et le Monde avec 70 ans de retard fait sa promo.
      Surpris ???

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    2. N'exagérons rien avec le STO ... Les allemands triment, sont pragmatiques et surtout solidaires entre eux.

      Par exemple, les clusters allemands sont à des années lumières en efficacité des clusters francais.

      Le systéme de co-financement entre entreprises pour développer ensemble (et de façon équilibrée) des projets et donc des activités n'a rien à voir avec le système en France où parfois on a l'impression qu'il y en a toujours un qui cherchent à rafler la mise.

      Le système social n'est pas moins bon mais surtout moins couteux. Comme les dépenses des élus dans des projets pharaoniques comme le grand paris, cela n'existe que très rarement et la population se soulève contre (la CDU en a fait les frais). En France, qui se soulève contre le grand paris ?

      Tant que les français agiront par opportunité (celui qui promet le plus) alors il n'y aura rien qui changera, et jalouser les allemands n'est pas une bonne approche.

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    3. http://www.rfi.fr/economie/20130307-allemagne-pauvrete-merkel-rosler-caritas-crise-economique

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  6. L'UE ne fait que reproduire à grande échelle ce qui se passe dans beaucoup de pays. A savoir des déserts économiques et des zones de concentration d'activité. L'Ile de France et la Creuse par exemple ou la Bavière et l'ex RDA. Dans tous les cas, on retrouve des problèmes d'aménagement du territoire...

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    1. C'est vrai et le point commun de ces exemples est la monnaie unique que ce soit au niveau national comme avec l'ex RDA ou le sud de l'Italie ou au niveau européen avec des pays entiers cette fois ci. Merci l'Euro...
      La capacité des élites politiques a reproduire les erreurs malgré les évidences est assez stupéfiante.

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    2. Sauvons pendant qu'il en est encore ( juste ) temps la Nature autrement dit la Vie
      vous n'allez tout de même pas ... bétonner , autoroutiser , macadamiser , lampadairiser , tégéviser , métrodiser etc ... toute la surface du Pays ...

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  7. J'ai pensé à cette vidéo (voir 5mn 24") en lisant votre article :

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=Bzrwaju1sGg#!

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