vendredi 19 décembre 2014

Les agriculteurs, abandonnés à la loi de la jungle


Il y a trente ans, la PAC garantissait des prix planchers qui garantissaient un minimum de revenus et une visibilité pour l’avenir. Avec la déréglementation et la baisse des aides, les agriculteurs sont abandonnés à la dure loi du marché, avec des revenus qui peuvent baisser de 40% en un an !



Les hommes comme variable d’ajustement

Les chiffres du ministère de l’agriculture font froid dans le dos. Bien sûr, certains diront que les céréaliers ont aussi profité de l’envolée des cours des céréales, mais après une baisse de 30% en 2013, leurs revenus ont chuté de 40% cette année, à 11 500 euros annuels en moyenne, 50% sous le niveau moyen… Les bonnes récoltes, du fait d’une météo favorable, ont fait plongé les prix, et les revenus avec. Les producteurs de fruits et les éleveurs de bœufs ont également les victimes du jeu de massacre du marché, avec des revenus sous la barre des 15 000 euros de revenus annuels. En revanche, pour une fois, les producteurs de lait s’en tirent mieux, avec des revenus en hausse de 30%, à 30 000 euros.

Pire, ces froides statistiques ne rendent compte que d’une partie de la dureté de ces évolutions. D’abord, il ne faut pas oublier qu’aussi basses soient-elles, il s’agit de moyennes, ce qui signifie que pour beaucoup d’agriculteurs, la réalité est encore pire. Et cela ne prend pas en compte non plus le temps de travail, assez souvent très important, et qui ramène les revenus horaires à un niveau totalement indécent. Et que penser des suicides ou des symptômes d’épuisement professionnel, dont on sait malheureusement qu’il touche particulièrement les agriculteurs, ce qui est tristement normal étant données la faiblesse de leurs revenus et leur extrême variabilité. Qui pourrait vivre de la sorte à part eux ?

L’horreur et la folie du laisser-faire

Malheureusement, cette situation n’est pas nouvelle. Chaque année, de nouveaux cas montrent l’abandon de cette profession si importante à cette loi de la jungle cruelle et inhumaine. Pendant l’été 2013, c’étaient les producteurs d’ail, de lait et de viandes qui allaient particulièrement mal. Plus récemment, c’étaient les producteurs de pêches qui souffraient de la concurrence délétère de l’Europe du Sud. Bref, les revenus de la profession semblent davantage suivre les règles d’un jeu de hasard qu’autre chose. Une bonne indication sans doute de ce que produit l’application non encadrée de la loi du marché. Faut-il y voir ce que serait une société néolibérale où le marché ne serait pas entravé ?

Le plus effarant est que toutes ces statistiques ne provoquent pas une remise en question de notre politique agricole. Les agriculteurs ont été abandonnés à une loi de la jungle absolue, alors que le système précédent, certes bien moins libéral, avait montré sa capacité à développer l’agriculture de notre continent tout en fournissant des mécanismes de régulation évitant de telles variations, même s’ils n’étaient sans doute pas parfaits. Bizaremment, aujourd’hui, presque personne ne semble vouloir remettre cette logique en cause, nos gouvernements se contentant de jouer aux pompiers avec des aides temporaires, que l’UE, jamais à une horreur près, exige parfois de faire rembourser !

Merci aux agriculteurs de continuer à travailler dans des conditions aussi difficiles et inhumaines que le dogmatisme néolibéral, l’aveuglement et l’insensibilité de nos dirigeants ne remettent pas en cause. Dans quelles conditions laissons-nous travailler ceux qui nous nourrissent ?

5 commentaires:

  1. Bonjour,
    Il n'est même pas sûr que les 30 000 euros des producteurs de lait en fasse une population avec un niveau de vie supérieur à la moyenne. En effet, ce secteur est en forte restructuration et une bonne partie de ce résultat est en fait affecté à la capitalisation de la ferme, ce qui le rend disponible que le jour où l'activité cesse ("vivre pauvre et mourir riche" en quelque sorte). Et sans compter que les bonnes années sont souvent consacrées à se refaire une santé après les mauvaises, ce dont vous faites état.

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  2. "Ceux qui nous nourrissent", un des plus beaux métiers du monde, abîmé par l'ultra-libéralisme. Merci de le dire.

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  3. @ Rieux

    Bien vu. Il ne faut pas oublier qu'ils doivent investir beaucoup.

    @ Jacques

    Merci à vous

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  4. Il y a 30 ans, c'était l'apparition des quotas laitiers, qui privilégiaient les gros en se distribuant proportionnellement à la taille de l'exploitation. Cela a fait disparaître les petites exploitations.

    Il aurait fallu faire exactement le contraire et favoriser les exploitations modestes.

    Il y a 30 ans, la PAC était déjà une belle saloperie. Cela ne s'est pas arrangé entre temps, il est vrai.

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  5. La liberté, le capitalisme permet aux plus forts d'imposer leurs lois aux plus faibles. C'est le système qui le veut. Il faut agir au plus vite pour ne pas se retrouver comme les Etats-Unies.

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