vendredi 19 juin 2015

Loi Macron : combat de postures pour la motion de censure




Je communique donc je suis

Cette loi est l’occasion d’une mascarade de débat. Voici une majorité « de gauche », donc théoriquement moins encline au laisser-faire et au laisser-passer, qui fait ce que la précédente majorité, de droite, n’a pas osé faire, comme sur le travail du dimanche. Des « socialistes », en nom seulement, déconstruisent certains acquis sociaux historiques, comme le repos de fin de semaine ! Mais la loi Macron n’est pas seulement une affaire de fond. C’est aussi une manœuvre destinée à réduire l’espace politique des Républicains en vue de 2017, en les poussant à une surenchère idéologique. Et il est difficile de ne pas voir dans la théâtralisation de l’usage répété de l’article 49-3 un moyen de combattre l’image un peu trop molle et pas assez résolue du président de la République par rapport à son adversaire de 2012.

Mais le bal des hypocrites est généralisé. Ce débat est aussi un révélateur des priorités des frondeurs en carton du PS. S’ils étaient véritablement choqués par ce projet, ils voteraient la motion de censure, comme en 1962, quand la majorité d’alors s’était disloquée sur le projet d’élection du président de la République au suffrage universel. Les rebelles de papier du PS semblent préférer le confort de leurs investitures aux idées qu’ils prétendent défendre. Mais les ex-UMP, néo-Républicains, ont aussi un sacré culot de déposer une motion de censure sur un texte qui prolonge dans une large mesure les réformes de Nicolas Sarkozy. S’y opposer parce qu’il ne va pas assez loin, comme certains osent le dire, est le comble du ridicule sachant qu’il va plus loin que ce qui avait été fait de 2007 à 2012.

Un système à bout de souffle

PS et néo-Républicains donnent tous les jours davantage l’impression d’être les descendants de ces partis épuisés de la fin de la Quatrième République. Tout n’est plus que combinaisons politiciennes ou postures sans la moindre véritable réflexion, suivant le courant néolibéral. D’où des raisonnements absurdes. Car comment penser qu’une baisse de quelques pourcents du prix du travail en France changera quoique ce soit aux mouvements de délocalisation, quand les employeurs peuvent trouver des salaires minimums dix fois plus bas aux confins de l’Europe de l’Est ou en Afrique du Nord ? Comment pousser le travail du dimanche plus que Nicolas Sarkozy au motif que les riches touristes chinois, dépenseraient aujourd’hui leurs précieux yuans à Londres plutôt qu’à Paris le dimanche ?

PS et UMP ne nous offre plus qu’une dérisoire comédie du pouvoir, sachant que, parce que la principale opposition est aujourd’hui le FN, ils ne risquent pas grand-chose. Bien sûr, le parti lepéniste a atteint des scores inédits, mais le second tour des élections départementales a démontré que le plafond de verre s’est seulement déplacé et n’est pas cassé, avec une poignée d’élus malgré le score du premier tour. Comme en Grèce ou en Espagne, nous avons besoin d’un renouvellement aussi profond que rapide de notre classe politique. Et parce que le FN représenterait un empirement de la situation, il faudra qu’une nouvelle force émerge, comme en 1947, comme en 1958, ou plus récemment dans les pays méditerranéens qui ont subi la crise la plus douloureuse, qui a rebattu les cartes politiques.

La loi Macron est un double révélateur. Sur le fond, elle montre que la convergence entre PS et UMP atteint un nouveau niveau. Sur la forme, elle révèle que ceux qui nous dirigent ne sont que des pantins surfant sur des idées sur lesquelles ils n’ont aucun recul et qui se contentent de postures de communication.

13 commentaires:

  1. "Ceux qui nous dirigent ne sont que des pantins". Oui, mais ce sont des pantins dangereux qui détruisent notre société et ses valeurs au profit de la finance et des puissants, de plus en plus riches.
    Heureusement, il y a quelques moments de joie dans ce monde de brutes stupides grâce au comité grec de la dette grec, qui fait souffler un vent frais sur les institutions rances de la Troïka et à cette encyclique du Pape François, qui, il faut le reconnaître même quand on n'est pas croyant, recèle de belles et grandes idées. Il ne reste plus qu'à trouver les hommes et les femmes capables de les "mettre en musique".

    DemOs

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  2. Pourquoi utiliser l'expression les Républicains pour désigner les ex-UMP cautionnant ainsi le hold-up sémantique ? Alors que les autres partis n'ont droit qu'à leur sigle ? UDI, PS etc. Mettez tout le monde en toute lettre ou tout le monde sous sigle. Sinon 100% d'accord.

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    1. Oui, Laurent, c'est vrai çà: tu te laisses aller à accepter de les appeler "les Républicains" alors que tu convenais que "les Ripoux-blicains" leur iraient mieux.
      Sérieusement, il ne faut pas leur faire cette faveur et au contraire retourner contre eux leur volonté de ravaler la façade d'un parti sans aucun scrupule.

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    2. Ou simplement continuer à les appeler UMP.

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  3. 100% d'accord [avec le fond de l'article].

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  4. Rien à voir avec le billet (quoi que...) mais: ce matin, le Figaro publie un papier intitulé "Et si Hollande avait à apprendre de Tsipras". Evidemment, c'est signé d'un intervenant extérieur à la rédaction. Evidemment, ce papier risque plus d'être "entendu" sur ce blog que du côté de l'ex-UMP et du PS. Tsipras a le mérite de démontrer que le leadership peut encore exister dans un monde où "L'Etat ne peut pas tout" , une zone Euro avec zéro souveraineté et à la tête d'un pays au bord du précipice. A l'inverse des non-leaders (FH qui espère le retour de la croissance) et des pseudo-leaders qui s'agitent pour faire oublier qu'ils n'ont de contrôle sur rien (NS, Valls). Les seconds ont plus la faveur de l'Opinion mais au fond ne valent pas mieux. Quant aux soi-disant grands leaders politiques étrangers, en activité ou à la retraite, encensés par les élites... En freinant à mort au début de la crise grecque, Merkel avait presque réussi à faire aimer l'agitation sarkozyste. Son soi disant leadership s'est borné au fait de retarder le plus possible le passage à la caisse du contribuable allemand. Ce qui peut se défendre mais n'est pas à la hauteur d'une situation qui nécessitait un Roosevelt ou un De Gaulle à la tête du "boss" de la zone Euro. Blair? Laquais de la finance et homme de comm'. Schröder? Bras armé des intérêts du patronat allemand. Et pour l'Anglais et l'Allemand leurs activités d'après la politique ne parlent pas en leur faveur. Obama? Il a certes évité à son pays l'austérité bête et méchante mais sa volonté de vouloir éviter au maximum les conflits a tendance à virer au manque de leadership.

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  5. La loi Macron, qui comporte plus de 400 articles, ce qui fait qu'on ne peut être totalement "pour" ou totalement "contre" ( qui défend les privilèges des notaires?) a déjà fait l'objet de plus de mille amendements, venus aussi bien du gouvernement que du PS ou que de l'opposition : on n'allait pas recommencer !
    Et il y a une grande différence entre rejeter une loi et voter une motion de censure, c'est-à-dire faire tomber un gouvernement !

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    1. Lisez Marianne cette semaine, notamment l'éditorial de Joseph Macé-Scaron qui nous apprend qu'il y a, par exemple, des dispositions prévoyant la privatisation des industries d'armement (GIAT), condamnée par la Cour des comptes et l'adoption d'une taxe à 20% pour la vente d'une chaîne de la TNT. C'est ce qu'on peut appeler une loi "sur mesure".
      Les socialauds sont capables de tout, en allant dans tous les sens, avec, pour seule ligne directrice, leur bon vouloir, comme ressources leur incompétence et comme résultat l'échec. Comme l'a écrit Frédéric Lordon, il faut utiliser le balai (cf. le balai comme la moindre des choses - Les blogs du diplo). Le moment approche, mais les socialauds auront causé bien des dégâts. Il ne faudra alors être cohérents et choisir l'avenir en faisant passer Hollande et ses comparses dans les poubelles de l'histoire avec un h minuscule.

      DemOs

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    2. quand on voit qui combat le "privilège" des notaires...

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    3. @ Arié,

      je ne suis pas sûr que l'ennemi de mon ennemi soit toujours mon ami !

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  6. Cette nouvelle force qui doit impérieusement émerger; doit se situer au dessus du clivage gauche-droite habituel, comme l'a d'ailleurs finement compris l'équipe MLP-Filippot.

    Non pas qu'il n'y ait plus de corpus idéologiques de gauche et de droite. Mais le théâtre politique des camps retranchés qui se honnissent l'un l'autre est ridicule et source de statu-quo.

    Aujourd'hui, l'analyse sincère des multiples crises (écologique, économique, sociale, vivre-ensemble) que nous vivons nous renvoie vers des solutions mixtes, chaque partie détenant une part de la vérité.

    Celà ne veut pas dire que le Centre aie raison, car celui-ci a toujours servi de caution morale à la droite néolibérale.

    Même le centre rêvé de Bayrou ne semble rien d'autre qu'un UMPS rassemblé, ce qui ne serait pas plus mal ceci dit pour la démocratie.

    Non, sur le plan macro-économique, il faut radicalement revenir sur le libre-échange et instaurer un protectionnisme sans lequel nos choix démocratiques sont du vent.

    Sur le plan micro-économique, il faut par bien des aspects simplifier et apporter plus de souplesse.

    Sur le plan du vivre-ensemble, il faut à la fois réaffirmer fortement l'égalité des chances et la mixité sociale, la justice pour tous et l'exemplarité de l'Etat. Il faut en équilibre se montrer intransigeant sur les violences aux personnes et les revendications communautaires qui fragmentent notre société.

    Sur le plan écologique, il faut reconnaître le caractère d'urgence et prendre enfin des mesures fortes en conséquence, sans se contenter de faire de la com'.

    Voilà, je remercie ce qui auront lu.

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    1. A priori, en tant qu'électeur, je ne vote pas en fonction d'une étiquette de gauche ou de droite, mais au vu d'un programme, d'un projet, plutôt social ou plutôt libéral, voire carrément social ou ultra-libéral.
      De toute façon, la question n'est pas, pour moi, de dépasser un clivage gauche-droite, qui n'existe pas aujourd'hui, les RP et le PS étant tous les deux à droite, mais de changer les règles du jeu de façon à redonner la parole aux citoyens et à mettre fin à l'emprise des appareils des partis sur le pouvoir. Ces structures ne sont pas au service de la collectivité, mais ne visent qu'à capter et à conserver le pouvoir au profit des apparatchiks. Vous aurez d'ailleurs noté qu'on fait de belles carrières en politique, souvent plus belles que dans les entreprises.

      DemOs

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  7. @ Démos

    Bien d’accord sur la Grèce et le Pape.

    Du balai pour le PS et les Républicains. Je suis bien d’accord.

    @ Paul Boulvrais & Jauresist

    C’est leur nom officiel. En même temps, parler de « Parti Socialiste » n’a plus de sens aujourd’hui. Il n’y a plus rien de socialiste au PS…

    Ripoublicains est bien trouvé, mais cela ne change pas leur nom officiel

    @ Anonyme 15h51

    Très juste. Nos dirigeants ne réfléchissent plus au fond, mais seulement à la forme

    @ Elie Arié

    C’est juste. C’est une loi complexe dont tous les aspects ne sont sans doute pas tous négatifs. Mais il y en a beaucoup de discrets qui ne sont que des faveurs pour lobbys. Mais je persiste à penser que l’attitude des frondeurs est, au mieux, paradoxale

    @ Jauresist

    Bien d’accord, cette nouvelle force doit être au-dessus du clivage droite-gauche. Je suis complètement d’accord avec cette analyse qui consiste à dire qu’il faut davantage réguler d’un point de vue macro, mais sans doute simplifier d’un point de vue micro (sans remettre en cause certaines protections).


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