vendredi 27 novembre 2015

L’Argentine tourne la page Kirchner




La défaite logique du Kirchernisme

Bien sûr, les politiques menées après le défaut et la dévaluation ont sorti le pays de l’ornière, permettant une envolée du PIB par habitant, après avoir touché le fond en 2002. L’imposition d’un défaut aux créanciers du pays, encore remis en question par des fonds vautours aux Etats-Unis, la dévaluation et le protectionnisme ont nourri une croissance dépassant largement le cadre étroit des matières premières, contrairement à ce que répètent des analystes à courte vue. Buenos Aires continue à se passer des capitaux étrangers après s’être brûlé les ailes dans les années 1990 et s’être vu imposer des programmes d’austérité étrangement proches des récents plans Grecs. En fait, c’est la banque centrale qui finance en partie le gouvernement avec de la création monétaire, comme le fait aussi le Japon.



Cependant, il semble que le gouvernement ait pris un peu trop de liberté avec la planche à billets, poussant l’inflation au-delà des 20%, tout en tentant de nier la réalité en trafiquant les statistiques. En fait, certains ont vu dans les dernières années de présidence Kirchner un reflux d’autoritarisme et de corruption, avec la mort d’un procureur juste avant son témoignage sur une affaire importante. Mais au final, l’alternance qui a été votée démontre non seulement le caractère fondamentalement démocratique du régime déchu (ce qui loin d’être aussi évident au Venézuela), mais aussi que l’Argentine est une démocratie qui fonctionne plutôt bien puisqu’un peuple déçu vote pour l’alternance. Mais, comme le note Romaric Godin dans la Tribune, il ne faut pas s’attendre à un grand soir avec la victoire de Mauricio Macri.

Leçons pour les alternatifs

L’expérience Argentine est sans doute une des expériences alternatives les plus intéressantes. Le bilan de ces douze années reste largement positif, avec la sortie du pays de l’impasse néolibérale, le redressement de l’économie (qui ne peut être expliqué seulement par l’agriculture, qui pèse environ 10% du PIB, quand le PIB par habitant a doublé sur la période). Mieux, la défaite démontre aussi que les Kirchner ont laissé une démocratie fonctionnelle, ce qui est bien moins le cas du Vénézuela de Maduro, qui semble multiplier des pratiques profondément anti-démocratiques. Bien sûr, certains pointeront l’inflation Argentine pour critiquer la monétisation de la dette publique, mais le Japon démontre que celle-ci est possible, y compris dans une grande proportion, en fonction du contexte national.

En revanche, même si le contexte latino-américain est différent du nôtre, il faut aussi reconnaître les côtés obscurs de certaines figures alternatives. La monétisation, quand elle est utilisée avec manque de mesure peut mener à l’inflation. Malgré tout, au global, l’expérience Argentine reste un grand succès. Mais en fait, ce qui est le plus inquiétant dans les régimes dont nous soulignons parfois certaines réussites, c’est la tentation autoritaire (largement refusée à Buenos Aires), mais que l’on peut voir à l’œuvre en Russie ou au Vénézuela jusqu’à un niveau qui brouille la distinction entre démocratie et régime totalitaire. Et même si on critique les caractéristiques antidémocratiques de notre régime, nous devons sans doute marquer clairement notre refus absolu de ces dérives, largement plus graves encore.

Voilà pourquoi, pas si paradoxalement, il faut sans doute se réjouir de cette alternance, apaisée et modérée. Non seulement, la plupart des acquis du passé seront maintenus, il n’était pas injuste que le pays vote pour un changement et cela démontre les bienfaits de l’alternance.

4 commentaires:

  1. Le taux de chômage trouvé sur le site «lesechos.fr» pour l’Argentine est de 6,9% en 2015, contre 19,2% en 2001 et 22% en 2002, au moment de la faillite du pays largement liée à la surévaluation de sa monnaie qui était alors arrimée au dollar.

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/argentine/taux-de-chomage.html

    Ce qui me confirme que l’excès de monétisation et un taux de change trop bas et l’inflation qui en découlent, voire d’autres bêtises, n’ont pas forcément des inconvénients aussi graves qu’ont connus aussi certains pays de la zone euro qui n’ont pas eu la possibilité de déprécier le taux de change au moments où ils en avaient besoin (comme l'Argentine il y a une quinzaine d'années) :

    Grèce : Taux de chômage 25% en 2015. Elle avait un taux de chômage à 10,5% quand elle est entrée dans la zone euro en janvier 2001.

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/grece/taux-de-chomage.html

    L’Espagne qui va semble-t-il beaucoup mieux grâce à la dévaluation interne avait un taux de chômage de 21,6% en septembre 2015 après un pic de 26,3 en 2013 (contre 14,5%, c’était déjà beaucoup au moment de l’entrée dans ce pays dans la zone euro).

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/espagne/taux-de-chomage.html

    Le Portugal qui qui va lui aussi beaucoup mieux grâce à la dévaluation interne a un taux de chômage à 12,2% en septembre 2015. Mais au moment de son entrée dans l’Euro ce pays avait un taux de chômage de seulement 5,2%.

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/portugal/taux-de-chomage.html

    L’Argentine a vu sa une dette publique passer à 137,7% du PIB 2002, elle est en 2015 à 52,1% du PIB.

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/argentine/dette-publique.html

    Le Portugal était endetté à 51% du PIB au moment de son entrée dans l’Euro, il est aujourd’hui endetté à 128,2% du PIB. La Grèce était déjà endettée à 114% du PIB quand elle est entrée dans l’euro, sa dette publique pointe à 194,8% du PIB aujourd’hui, presque le quadruple de celle de l’Argentine en pourcentage du PIB.

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/portugal/dette-publique.html

    http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/grece/dette-publique.html
    etc. etc.

    On n’en finit pas d’aligner les chiffres qui confirment le désastre qu’a été la construction de l’Euro.

    Saul

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    1. Pour Espagne et Portugal, des dizaines de milliers de chômeurs, jeunes surtout, ont fuit le pays et disparu des statistiques officielles : le vote par les pieds qui terni les beaux bilans politiciens...

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    2. Entre parentèses: "Grèce : le PIB a plongé de 0,9 % au troisième trimestre. Mauvaise surprise pour l'économie grecque. Publiée ce vendredi la deuxième estimation pour le PIB du troisième trimestre s'avère beaucoup plus mauvaise que la première. Selon l'agence nationale des statistiques, Elstatle le PIB de la Grèce a en effet plongé de 0,9% au 3e trimestre. Dans sa première estimation, le 13 novembre, Elstat avait annoncé une contraction de 0,5%.

      http://www.lesechos.fr/monde/europe/021515536156-grece-le-pib-a-plonge-de-09-au-troisieme-trimestre-1179396.php

      Pour ceux qui observent cela depuis longtemps, ce n'est pas vraiment une surprise.

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  2. @ Saul et anonymes

    Merci pour toutes ces précisions

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