mercredi 7 décembre 2016

Italie, France : le crépuscule de la gauche eurolibérale se poursuit

L’actualité politique s’est à nouveau accélérée ces derniers jours. En France, François Hollande a annoncé qu’il ne se représenterait, ouvrant la voie à Manuel Valls, qui a déclaré sa candidature quelques jours après. Mais, ce faisant, il cherche à être le candidat d’une famille politique qui subit revers sur revers en Europe, comme le montre la défaite de Matteo Renzi à son référendum.



Quand il ne reste plus que la com.

S’il ne devait plus y avoir qu’un eurolibéral supposément de gauche, ce sera peut-être Manuel Valls. Alors que le SPD Allemand est réduit à jouer le petit allié d’Angela Merkel, que le PSOE est débordé par Podemos sur sa gauche, qu’en Grande-Bretagne, le parti travailliste a été pris par son aile la plus à gauche, que le PS semble se diriger vers une élimination dès le premier tour de la présidentielle et pourrait même finir 4ème ou 5ème du premier, celui qui était le chouchou eurolibéral, le premier ministre Italien Matteo Renzi va devoir quitter le pouvoir après une très large défaite lors du référendum qu’il a voulu. Bref, le rejet de cette pseudo-gauche eurolibéral semble la chose la plus partagée en Europe.

Le pari de Manuel Valls est sans doute aussi fou que raisonné. Fou car jamais un gouvernement sortant n’a été aussi impopulaire, et s’il l’est un peu moins que le président, on voit mal comment il pourrait réussir. Et le candidat perdant en 2017 portera les stigmates de la défaite, pas forcément un passeport pour prendre le contrôle du PS, à supposer que prendre le contrôle de ce parti ait le moindre intérêt… Fou car il affrontera l’aile gauche de son parti, qui semble se demander s’il vaut mieux que la droite. Mais après tout, sa position peut lui permettre de gagner l’investiture et il y a beaucoup d’espace politique entre Mélenchon et Fillon, car il n’est pas sûr que la bulle Macron n’éclate pas dans l’intervalle.

Mais finalement, le plus fou, c’est finalement le discours qu’il a servi pour annoncer sa candidature. Et si celui qui se voit en Sarkozy du PS n’était qu’un Copé ? Un homme à la langue de bois massif, prêt à dire avec conviction des énormités plus grosses que lui, un condensé de ce que les Français et bien des peuples européens ne veulent plus voir. Mettre sa candidature sous le signe du rassemblement est absolument ridicule pour celui qui a fait de la provocation un style politique, lui qui n’a cessé d’irriter une aile de son parti, que ce soit sur la loi dite travail ou la déchéance de nationalité. Le vide absolu au PS et les limites de ceux qui l’affrontent lui laissent un espoir, mais son discours est ridicule.

Ce qui ressort de Renzi et Valls, c’est que cette pseudo gauche eurolibérale est à bout de souffle. A quoi bon daigner l’appeler social-libérale quand elle refuse d’augmenter le salaire minimum tout en montant les impôts, ce qui diminue le pouvoir d’achat des plus pauvres, qu’elle diminue les droits des travailleurs, qu’elle flexibilise le travail du dimanche ou qu’elle consacre des dizaines de milliards pour baisser les coûts des entreprises ? Finalement, c’est une droite qui se dit de gauche pour se donner bonne conscience et tenter de séduire l’electorat populaire, qui s’en détourne logiquement de plus de plus, d’autant que les ficelles de communication sont de plus en plus voyantes, et même vulgaires.


Toute la question qui se pose, c’est de savoir à qui profitera ce grand recul de cette gauche eurolibérale. La droite classique est au pouvoir à Berlin, Londres et Madrid. Paris lui semble promise. Mais ce n’est pas une solution. En revanche, la question demeure en Italie, où le Mouvement Cinq Etoiles est en embuscade. Mais à supposer qu’il s’impose, il ne faudrait pas qu’il suive le funeste chemin de Syriza.

15 commentaires:

  1. Après le "moi, président...", Manuel Valls nous propose le "je ne veux pas...".

    Pour l'instant c'est tout ce que j'ai retenu de son discours d’Évry et des interviews qu'il a donné.

    L'Anonyme du jour

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    1. :-))))))))))))))))))
      Des frais de campagne économisés pour M. Valls. Son slogan : "je ne veux pas...". Et puis marteler avec conviction. Après le "Yes, we can" américain, la France propose le "je ne veux pas..."

      Sylvie

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  2. La "droite" ou la "gauche" ne sont maintenant plus que de simples courants dans le partie européiste! Mais ils continuent a vouloir le nier comme si la France était encore souveraine!

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  3. Ce qui les rassemble tous, c'est qu'ils n'ont honte de rien, vraiment. Valls hier au JT de F2 a été d'un pathétique... c'est pitoyable.
    Du grand discours du "il faut être fidèle et il ne faut pas quitter le navire, pour la France môssieur !" on est passé à "je lui plante un couteau dans le thorax et je reprends ma liberté, pour la France môssieur !". Pour ta gueule oui !
    ça serait tellement drôle que le PS soit au dessous des 10% aux présidentielles !
    Après son explosion est certainement voulue vue la situation, pour refonder sur les ruines, avec la création du Parti Démocrate à la française, et son héros mister Valls.
    Sauf qu'il y a l'autre Manu, le Macron, qui a a peu près la même ambition, mais avec une autre tactique.
    Qui va l'emporter ? Je mise une cacahuète sur le Macron.

    ***Jacko***

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  4. En mettant de côté ses ambiguïtés, l'arrivée de Hollande au pouvoir était celle d'un social-démocrate au moment où Europe et mondialisation rendaient caduc ce courant de pensée. Les ratés hollandais relèvent du symptôme (d'une "deuxième gauche" à bout de souffle) et non de la cause. Le vide laissé par cet essoufflement est comblé de deux manières, une relativement en phase avec l'époque (JLM), l'autre ringarde (Macron). Car dans un monde où Poutine rêve de restaurer l'URSS et Erdogan d'un nouveau califat il est absurde de traiter Mélenchon de ringard: le passéisme est in. D'autant qu'il incarne à la fois une déception vis-à-vis d'une social démocratie devenue un centre droit comme les autres et une peur du déclassement atteignant désormais une partie de l'électorat de Gauche. On peut penser ce que l'on veut de Mélenchon mais l'exemple Podemos empêche de voir en lui un anachronisme.

    Le vrai anachronisme, c'est Macron. Macron, c'est la post-social démocratie, un thatchérisme avec vernis progressiste. C'est aussi la post-politique, la croyance qu'il suffit de laisser l'Etat gérer un marché dérégulé pour que tout aille bien. Blair n'est donc pas très loin. Sauf que le New Labour était en phase avec le monde d'il y a 20 ans: chute du Mur, monopuissance américaine, croyance que la fin de la guerre froide serait celle de l'histoire, triomphe de l'économie de marché, croissance mondiale au beau fixe.

    Le monde a changé entre temps. Le 11 septembre a ramené la guerre, le monde est devenu multipolaire, la crise de 2008 a légitimé les critiques vis-à-vis du libéralisme économique sans frein, la croissance mondiale ralentit, des gens qui affirment vouloir empêcher les délocalisations sont au pouvoir à Washington et Londres et l'inquiétude pour le futur, autrefois exception française, se développe ailleurs en Occident. Il est alors fort de café pour Macron de se prétendre moderne, en phase avec son temps. Au moment où la Droite se croit à Downing Street en 1980, on pourrait dire : Macron est "vieux", mais moins que ses adversaires. Sauf qu'entre un Blair devenu l'homme le plus détesté du Royaume, un PSOE blairiste mis KO par la crise, un SPD réduit au mieux à être la béquille de la CDU au pouvoir, un Renzi désavoué, il n'a aucune excuse : comment prétendre incarner un semblant d'alternative en s'inspirant d'un courant de pensée à bout de souffle?

    De plus, lorsqu'on se prétend expert en économie, on devrait lire ce que disent tous les économistes aujourd'hui : un potentiel de croissance mondial pas très grand à court terme. Et ajuster son discours en fonction. Macron, c'est quitter une impasse pour aller vers une autre ayant un peu d'avenir électoral de court terme.

    Et Valls dans tout ça, en plus d'être encerclé par ces deux-là en terme d'espace politique? Vaguement autoritaire/patriote/social-libéral, cela ne vous rappelle rien? Prétendre refonder la Gauche en étant la copie carbone d'un ex-président envoyé à la retraite par son propre camp, c'est fort de café. Montebourg serait un peu plus en phase avec l'époque. Sa démondialisation précédait May et Trump. Mais outre sa nullité stratégique on peut lui reprocher de faire croire qu'il serait possible de s'affranchir des règles de l'UE en y restant, quitte à payer des amendes à la Commission. Il élude la vraie question: comment établir un rapport de force efficace face à Berlin et à ses dogmes comptables? La question ne concerne pas que la Gauche. Même si la Droite a renoncé au vu du programme Fillon.


    JZ

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    1. "On peut penser ce que l'on veut de Mélenchon mais l'exemple Podemos empêche de voir en lui un anachronisme."

      Je suis franco-espagnol (double nationalité). Je passe ma vie entre l'Espagne et la France. Je suis d'accord avec votre phrase. Mais si vous me le permettez, je la modérerai en vous disant que Podemos connaît le succès en Esapgne. On ne peut pas dire le contraire mais le mouvement butte sur une résistance, comme JL Mélenchon en France : l'immigration. Si l'Espagne n'a pas de mouvement type FN je peux vous dire que quand vous êtes là-bas et que vous discutez avec l'Espagnol(e) de base, Podemos oui on suit mais sur la question de l'immigration. En cela, l'Espagne ne change pas beaucoup des autres pays européens.

      Alina

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    2. @ Alina:

      Ce n'est pas nécessairement contradictoire avec mon propos. L'immigration limite le potentiel électoral de PODEMOS, je veux bien l'admettre. Je faisais allusion aux commentaires journalistiques récurrents dans l'hexagone faisant d'un niveau électoral "correct" de l'extrême-gauche un anachronisme, une exception française. Or l'extrême-gauche est en position de menancer le leadership de la gauche "de gouvernement" dans une partie non négligeable de l'Europe du Sud. Si Mélenchon confirmait sa bonne forme sondagière actuelle, il serait difficile pour les éditorialistes de la place de Paris de railler "ceux qui votent Mélenchon alors que le Mur est tombé".

      JZ

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    3. Bonjour JZ,

      merci pour votre réponse. Je suis d'accord avec vous. PODEMOS comme Jean-Luc Mélenchon représentent une vraie alternative (et avec la gauche parlementaire, social-démocrate, social-libérale etc...etc..)cela permet de rebattre le jeu politique . Mais je peux vous assurer que la question de l'immigration (pour PODEMOS) représente un frein important. J'ai des amis et membres de ma famille militants et sympathisants de PODEMOS. Certains ont fait campagne pour eux et si pour la majorité des questions beaucoup d'Espagnol(e)s étaient d'accord, suivaient.D'où un flottement sur PODEMOS et son arrivé au pouvoir en Espagne. En plus, l'étrange comportement d'A. Tsipras en Grèce fait hésiter en Espagne. L'immigration c'était vraiment le point de résistance. Pour moi PODEMOS a le grand mérite de bousculer tout le monde et arrive à s'imposer (élections à la mairie de Madrid), rien que cela, ça fait du bien. Pour l'Espagne, on sort du schéma: droite parti populaire/ gauche PSOE. D'autres mouvements, moins appareil politique, moins notables/élites (même si la nouvelle maire de Madrid fat partie de l'élite)sont possibles en Espagne.

      Alina

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    4. Excusez-moi je n'ai pas relu mon message et je m'aperçois qu'il n’est pas clair sur un paragraphe que je vous remets dans l'ordre:
      "Certains ont fait campagne pour eux et si pour la majorité des questions beaucoup d'Espagnol(e)s étaient d'accord, suivaient. L'immigration c'était vraiment le point de résistance..D'où un flottement sur PODEMOS et son arrivé au pouvoir en Espagne. En plus, l'étrange comportement d'A. Tsipras en Grèce fait hésiter en Espagne. "

      Voilà c'est mieux !
      Alina

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  5. @ Jacko

    Je crois beaucoup moins à Macron : c’est une bulle qui plait aux élites, rarement un signe de succès. En outre, il est tout sauf sûr qu’il réunisse 500 signatures. Et quelle légitimité a-t-il à ne pas passer par les primaires du PS : quelle majorité pour lui ? Je pense que Valls le pliera et que Macron rentrera au bercail tout penaud. L’intérêt pour Valls, c’est que Macron le recentre presque vis-à-vis du PS.

    @ JZ

    Bien d’accord !

    @ Alina

    Mélenchon aurait un sacré boulevard si Valls est le candidat du PS.

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    1. Macron aurait eu plus de chances et de légitimité à se présenter à la primaire de la droite (et du centre, mais cela n'aurait toujours pas fait un candidat pour le centre), mais la bulle se serait quand même dégonflée ensuite.

      Pour les 500 signatures je me fais plus de soucis pour Asselineau que pour Macron, ce dernier est quand même très bien vu par la bourgeoisie, son portrait officiel est celui du gendre idéal.

      Il y a aura aussi des considérations tactiques d'élus qui penseront qu'il pourra piquer des voix à la droite ou à la gauche.

      Au fait avec un peu de chance (et de patience) on pourrait bientôt avoir une réponse heureuse à la controverse tactique qui vous oppose à Asselineau, si Theresa May arrive à bien négocier le Brexit après avoir actionné l'article 50.

      Sur le fond du droit je reste d'accord avec vous : celui qui signe un traité a aussi le droit de le résilier même si aucun article ne propose une procédure particulière de sortie, et s'il y en en a un cela ne veut pas dire qu'on est ligoté et qu'on doit accepter n'importe quoi.

      Ivan

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    2. @LH:

      Concernant Macron, on peut donner raison d'un point de vue stratégique à son refus de la primaire. Qui est : 1) un machin censé atteindre un large public mais où les classes populaires ne se déplacent pas. 2) un fournisseur potentiel d'arguments à l'adversaire (PS 2011). 3) le lieu des stratégies type billard à trois bandes (je veux pas ce gauchiste de Juppé, les sondages disent que Fillon peut plus le battre que Sarko, je vote Fillon...). Encore que 3) serait en partie atténué si, comme dans le modèle ricain, un vote dans une primaire interdisait de voter pour celle du camp d'en face. Et la stratégie Macron est maline à court terme, cela permet de se mettre à distance d'un univers des partis discrédité auprès des Français. Sauf que s'il veut exister après l'élection il lui faudra bien intégrer un parti politique établi... Une limite majeure de Macron serait plutôt pour moi dans son pari type Bayrou 2007: être le réceptacle des socio-démocrates déçus du hollandisme et des gens de droite qui trouvent Fillon trop libéral. Cela exigera ironiquement pour lui de demeurer jusqu'au bout dans le flou qu'il reprochait à Hollande. Le pourra-t-il? Surtout, c'est une stratégie dont l'expérience a montré les limites: négligeant les classes populaires, elle offre au mieux 18% du corps électoral (Bayrou 2007), insuffisant pour être au second tour.

      JZ

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    3. "elle offre au mieux 18% du corps électoral (Bayrou 2007), insuffisant pour être au second tour. "

      Ça dépend des élections et Bayrou plus central et moins clivant était donné gagnant contre Sarkozy ou Royal. En 2002 avec 18% il était président, et vu l’éclatement actuel pas sur qu'il faille beaucoup plus que 18% en Avril 2017...

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    4. @Laurent,
      On verra bien ce qu'il en est, au pire je perds une cacahuète :)
      La primaire du PS semble tellement mal embarquée que je pense que Macron a bien fait de ne pas y aller.
      Peillon maintenant, merci Martine, bonjour l'ambiance.
      Et Macron, s'il perd, il part s'éclater dans le privé, il ne s'accrochera pas s'il ne ressent plus de plaisir, contrairement à tous les autres. C'est une force. Il joue un coup assez librement, s'il perd, il passe à autre chose. Fortiche le gars.

      ***Jacko***

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  6. D'une manière générale, le début de campagne semble donner une prime à la clarté, à l'opposé de tendances passées au ratisser large (synthèse hollandaise, feu de tout bois sarkozyste...). Les partis rassembleurs de sensibilités distinctes risquent soit le crash (PS), soit une performance relativement décevante par rapport aux prévisions (FN écartelé entre le "ni de Gauche ni de Droite" social et identitaire de Marine et la posture de Droite assumée de Marion-Maréchal, FN du Nord et FN du Sud-Est pour résumer). La primaire LR illustre bien cela: recentrage du parti sur une posture classiquement de Droite (libéralisme économique, conservatisme sociétal), on pourrait même dire que l'expression Droite décomplexée correspond mieux à Fillon qu'à son ancien "chef". Lequel cherchait en même temps à ressembler à DSK sur l'économie, à Le Pen sur l'immigration et aux gaullistes sociaux sur les délocalisations. Au vu de tout cela, on peut penser que la primaire PS risque de trancher la ligne du parti pour les années à venir. C'est pour cela que Valls s'y trouve alors qu'il n'avait objectivement aucun intérêt à y être: boulet du bilan Hollande, rejet suscité chez une partie de la Gauche et presque tout l'appareil du parti, forte chance d'en sortir encore plus abîmé s'il gagne avec crash électoral quasi-assuré. Crainte chez le franc-tireur du PS à l'ambition élyséenne chevillée au corps de se retrouver de nouveau marginalisé dans le parti. Crainte que la clarification qu'il a longtemps réclamée se fasse sur son dos.

    JZ

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