lundi 30 septembre 2019

Corbyn, M5S : encore une fois, la gauche « radicale » déçoit

Ce mois-ci, la gauche dite radicale était à nouveau sous les feux de l’actualité en Europe. En Italie, avec la rupture avec la Ligue de Salvini, le M5S a choisi de former un gouvernement avec le Parti Démocrate, pourtant honni il y a peu. Outre-Manche, c’est Jérémy Corbyn qui exige un report du Brexit avant de donner la parole au peuple. Deux nouveaux choix qui alourdissent le passif de cette famille.


Le talon d’Achille européen et internationaliste

Ce n’est pas la première fois que la gauche dite radicale déçoit. Syriza et Tsipras avaient porté l’espoir de la majorité du peuple grec de sortir de la tutelle austéritaire mortifère de l’UE. Les Grecs l’avaient propulsé chef du gouvernement début 2015, puis lui avaient donné le mandat pour rompre avec l’UE en rejetant clairement par référendum le nouveau plan d’austérité européen six mois plus tard. Las, quelques jours plus tard, contredisant le vote de ses compatriotes quelques jours auparavant, Tsipras finissait par capituler et accepter les conditions détestables et humaines imposées par les créanciers du pays, parce qu’il refusait de rompre avec l’UE. Il choisissait cette Europe plutôt que son pays…

En France, la situation n’est guère réjouissante. Malgré ses limites, Mélenchon s’était logiquement imposé comme le premier opposant à Macron au début du mandat : l’espace était immense et béant à gauche de LREM. Mais entre le manque de pédagogie sur l’économie, les ambiguités sur l’Europe, les compromissions communautaristes de certains, et un comportement peu engageant, le capital électoral de LFI a été divisé par trois, alors même que le PS ne s’est pas relevé, que Macron a beaucoup déçu et que l’ex-FN n’a guère changé depuis la débacle du débat du second tour. Bref, alors même que les citoyens veulent plus de social et de redistribution, LFI s’est démonétisé depuis la présidentielle.


La situation britannique est particulièrement ubuesque avec un Labour, qui demandait des élections il y a encore quelques semaines, mais qui refuse celles proposées par Boris Johnson, y mettant comme condition le report du Brexit ! Pourtant, des élections mi-octobre aurait permis de donner au peuple britannique le choix de reporter, ou non, le Brexit. Une majorité pour Boris Johnson, et le Brexit avait lieu le 31 octobre, à des conditions pouvant être ajusté lors du dernier sommet européen. Corbyn pouvait faire campagne pour le report et le demander s’il était gagnant. Mais les mauvais sondages, qui en disent long sur le vrai sentiment des britanniques, l’ont poussé à prendre cette position incohérente.


Il est assez vertigineux de constater les compromissions de la gauche dite radicale au nom de cette UE, pourtant ultra-libérale. L’internationalisme semble être une religion tellement puissante qu’elle passe avant l’agenda social ! D’ailleurs, le même phénomène est à l’œuvre avec Thomas Piketty, qui, s’il se radicalise économiquement, refuse de voir que dans l’UE, son agenda n’a aucune chance…

17 commentaires:

  1. Pour le Labour de Corbyn il s'agit de manoeuvres politiciennes pour s'opposer à Boris Johnson, en espérant que l'UE soit plus sociale que les gouvernements conservateurs. Le référendum est une exception dans la logique parlementaire fondamentale aux RU où prime le droit, la souveraineté du Parlement sur une souveraineté populaire exprimée par un référendum.
    Dans le cas italien une manoeuvre parlementaire classique a mis en échec l'hypothèse d'élections législatives anticipées qu'espérait le populiste Salvini. Cette nouvelle combinazzione ouvre un boulevard politique à Salvini lors de prochaines législatives.

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    1. C'est un calcul idiot alors. Parce que l'UE est tout aussi libéral si ce n'est plus que les conservateurs anglais. Ce qui est étrange avec la Grande-Bretagne c'est qu'elle a raison de vouloir sortir de l'UE mais qu'elle veut en sortir pour de mauvaise raison.

      Je suis certains que la gauche anglaise aurait fait de bien meilleurs scores en soutenant le Brexit tout en promouvant une politique plus keynésienne justement possible en sortant de l'UE.

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    2. L'Europe, c'est tout ce qui reste comme discours de légitimation idéologique à ceux qui ne veulent pas se ranger dans le camp des conservateurs, mais ne croient même plus à l'existence de quelque chose susceptible d'être nommé "peuple" ou "nation".

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  2. Je vous trouve injuste envers ce que vous appelez, sans vraiment la définir, la « gauche radicale. »

    Tout d’abord, Corbyn est à la tête du Labour, qui est l’équivalent du PS. Ce n’est pas la gauche radicale. Certes, il fait partie de l’aile gauche, mais vous savez bien qu’il ne fait pas ce qu’il veut, il doit tenir compte de l’appareil, des militants et des autres responsables travaillistes qui sont en majorité pro-UE.

    Quant au M5S, on ne peut pas non plus dire qu’il représente une gauche radicale. C’est un mouvement atypique, populiste, traversé par des courants divers. Le simple fait qu’il se soit allié avec la Ligue montre bien qu’il n’est pas un parti de gauche comme on peut l’entendre en France. Aucun parti de gauche ne s’allierait avec l’extrême droite.

    Et enfin, ce n’est pas la « gauche radicale » qui est décevante, c’est toute la classe politique. Theresa May qui tergiverse pendant plus de deux ans et qui approuve un accord de retrait inacceptable. Et le parti conservateur dont une bonne partie trahit le Brexit et va rejoindre les rangs de l’opposition pour demander un nouveau report…

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    1. J'ajoute, à propos de l'Italie, que Salvini est le premier responsable de la situation. C'est lui qui a décidé de mettre fin à la coalition avec le M5S.

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    2. La droite aussi est décevante : après avoir répété qu'il ne demanderait pas de report, Boris Johnson fait finalement savoir qu'il respectera la loi Benn qui lui impose de le faire. A sa place, j'aurais préféré démissionner en prenant les électeurs à témoins.

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  3. J’ajoute encore, à propos de Tsipras, que sa capitulation a été condamnée par la gauche radicale (par Mélenchon et le PG en France).

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  4. Jeremy Corbyn et non Jérémy Corbyn. L'anglais ne connaît pas les accents aigües, graves ou circonflexe sauf lorsqu'il s'agit de noms propres étrangers (noms de famille, prénom, noms de ville....).

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    1. Bien vu. Mais le français considère accent comme un nom masculin. Accents "aigus" donc. Et quitte à mettre "aigus" et "graves" au pluriel, pourquoi pas "circonflexes" aussi ?

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    2. "Accents "aigus" donc. Et quitte à mettre "aigus" et "graves" au pluriel, pourquoi pas "circonflexes" aussi ?"

      Merci pour ce retour...quelque peu taquin mais très sympathique (j'ai fait valoir le Jeremy anglais en lieu et place du Jérémy français, il y a 2 boulettes... ;-)!
      Ne vous inquiétez pas je connais les règles d'accord en français (et en anglais aussi étant franco-britannique et parfaitement bilingue)ainsi que l'orthographe des accents. Mon souci : message envoyé depuis le RER via mon portable. Donc pas super confortable pour écrire et surtout pour bien maîtriser les touches tactiles (sans compter le voisin qui matait pour voir ce que j'écrivais tout en mangeant son sandwich. Pas très cool comme situation)
      ;-) :-)) !

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    3. Je ne m'inquiétais pas du tout, puisque je corrige au quotidien des Français bien de chez nous qui font bien pire. J'ai même failli me faire piéger sur la position du tréma dans "aigües" : je l'aurais mis spontanément sur le "e", mais j'ai dû vérifier, non sans dépit (vous voilà bien vengé !), que les réformes orthographiques de 1990 vous donnent toute licence de l'écrire comme vous le fîtes.

      Je retiens tout de même une morale à cette histoire : ne jamais envoyer un message depuis un portable, dans le RER, à côté d'un individu trop curieux qui mange un sandwich, lorsque du moins vous risquez d'être lu par un prof mesquin, conservateur et tatillon... ;)

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    4. Merci pour votre réponse avec la petite touche d'humour en plus ;-)))))
      July

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  5. https://www.spiked-online.com/2019/10/03/theres-nothing-complex-about-the-irish-border/

    L'économiste pro-Brexit Graham Gudgin, professeur à Cambridge, dédramatise la question de la frontière irlandaise dans un entretien avec Spiked.

    Il note aussi le caractère délirant des anticipations cataclysmiques sur les conséquences d'un "No Deal". Par exemple : "The Yellowhammer dossier on the civil service’s No Deal planning that came out two weeks ago is almost in Monty Python land. Again, it was all about possible difficulties at Dover, but it relied on worst-case assumptions. And the worst-case assumption was that between 50 and 85 per cent of haulage companies wouldn’t be able to correctly fill in French customs declarations. And even three months later, most of them still wouldn’t have learned how to fill a French customs declaration. After six months, perhaps 50 per cent of them would still be in that difficulty. It’s just bizarre and outlandish but, of course, reported in the media as if it were a sensible assumption."

    YPB

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    1. @ tous

      Que penser du compromis proposé par BJ au sujet de l'Irlande ?

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    2. @Anonyme 4 octobre 2019 à 19:46
      Je pense que ce compromis n’a pratiquement aucune chance d’être accepté, que ce soit par l’UE, par le parlement britannique ou par l’Irlande.

      En conséquence de quoi, Boris Johnson va demander un report du Brexit jusqu’au 31 janvier 2020 comme la loi l’y oblige, et bien qu’il ait dit et répété pendant plusieurs jours qu’il préfèrerait encore être mort au fond d’un fossé… Après ça, pas sûr que son parti gagne les prochaines élections législatives alors qu’il était le favori des sondages. J’espère que c’est le parti du Brexit de Nigel Farage qui va en profiter.

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  6. Selon The Telegraph, Boris Johnson va se conformer à la loi Benn lui imposant de demander un nouveau report en cas de non accord le 19 octobre. Toutefois, le gouvernement espère que la Hongrie mettra son veto à ce report. Il faut en effet l'unanimité des 27 membres de l'UE.

    https://www.telegraph.co.uk/politics/2019/10/04/boris-johnson-pins-hopes-hungary-veto-brexit-delay/

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  7. @ Anonyme 11h45

    Bien d’accord, des combinaisons assez médiocres

    @ Yann

    Bien d’accord (sauf sur les mauvaises raisons pour en sortir ;-)

    @ Moi

    La « gauche radicale » regroupe pour moi les partis qui se placent à gauche des « sociaux-démocrates » qui ont été au pouvoir (Labour tendance Blair, PD, PSOE, PS, PSI). L’emploi des guillemets est une façon de me mettre à distance de cette famille, dont les failles apparaissent tous les jours plus béantes.

    Certes, le Labour, c’est le PS, mais la moindre fragmentation de la vie politique britannique fait qu’il y a deux ailes très différentes, les blairistes et les corbynistas. Il a profondément renouvelé l’appareil et les militants le suivent. Il n’y a guère que les députés qui ne sont pas complètement alignés. Le M5S représentait par certains aspects une forme de radicalité (sur l’UE notamment), mais ils montrent de plus en plus qu’ils ne sont que de nouveaux sociaux-démocrates.

    Pas faux sur toute la classe politique (droite comme gauche). Reste que la « gauche radicale » semblait porter l’espoir de politiques différentes et que ces espoirs se brisent les uns après les autres

    @ YPB

    Merci

    @ Anonyme & Moi

    Je n’ai pas encore étudié le dossier à fond, mais la solution semble bien mieux conçue que le backstop, respectant la souveraineté britannique. Du coup, l’UE annonce qu’elle veut la refuser. La partie de poker va continuer. Si BoJo est prêt à sortir sans accord le 31 octobre, alors l’UE finira par accepter sa proposition. De toutes les façons, ce sont les Etats qui auront le dernier mot et Merkel, ainsi que tous les Etats qui ont un fort excédent avec la GB seront beaucoup plus accommodants au sommet de la dernière chance.

    J’ai l’impression (peut-être à tort) que BoJo n’est pas dans une position politique où il pourrait demander un report au cas où l’UE refuse : sa crédibilité en souffrirait beaucoup et, même en argumentant que le parti du Remain l’a coincé, les Tories seraient en grande difficulté. Il me semble s’être mis sur un chemin qui lui impose de passer en force : son accord (modulo quelques ajustements éventuellement) ou sortie sans accord.

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