dimanche 12 octobre 2025

La lourde responsabilité de la BCE dans la crise actuelle

Dans la série des angles morts de l’analyse de notre situation économique, la politique monétaire n’est pas la dernière. Parce que les médias oligarchistes, cosmopolites ou conservateurs, ne remettent pas en cause l’euro et la sortie du cadre démocratique de la politique monétaire, le sujet est ignoré. Le cas du Japon nous montre pourtant bien que c’est une des principales raisons des tensions actuelles.


 

Quand la BCE nous abandonne aux marchés

 

C’est un sujet qui devrait faire la une des informations et être débattu par nos politiques, au parlement et sur les plateaux de télévision, tant il est important : la politique monétaire. Non seulement, les politiques menées par les banquiers centraux devraient pouvoir être réellement questionnées, mais le principe même de sortie du cadre démocratique devrait être un sujet. Il est tout sauf établi que des banquiers centraux n’ayant pas de comptes à rendre aux représentants gèrent mieux la monnaie : ce sont eux qui nous ont mené aux crises financières de 2001 et 2008 et la crise de la zone euro. On peut également penser que leur réaction au rebond inflationniste post-covid était exagéré, et a provoqué un atterrissage économique brutal qu’une gestion plus prudente du resserrement nous aurait sans doute permis d’éviter.

 

Malheureusement, ce questionnement est totalement absent de la sphère politico-médiatique dominante et est confinée à des recoins bien trop discrets. LFI fait largement l’impasse sur le sujet, préférant une posture tristement irréaliste et probablement malhonnête, de changement de l’intérieur. Le RN a largement abandonné la remise en question de l’UE en général, de l’euro et la politique monétaire en particulier. Toute la sphère médiatique de droite ignore largement ce sujet n’étant que des oligarchistes conservateurs, et non de vrais populistes, au sens noble du terme. Il est profondément révoltant pour une personne comme moi, persuadé du caractère profondément politique de la monnaie, de voir ce sujet si important largement ignoré du débat public, les rares bribes étant aussi incomplètes et biaisées que les interventions des banquiers centraux, reçus comme des oracles quasi-devins, et presque jamais questionnés.

 

Pourtant, il y aurait beaucoup à dire sur la politique monétaire de la BCE depuis 2022. Non seulement, elle a remonté ses taux d’intérêt trop vite et trop forts. En moins de 18 mois, de mi-2022 à fin 2023, la BCE a monté son principal taux directeur de -0,5% à 4%, du fait du rebond de l’inflation, passée à 5% en 2022-23. Cette réaction s’est révélée excessive, comme on pouvait le prévoir. La forte hausse de l’inflation venait d’une explosion du prix de l’énergie, aussi excessive que temporaire, dont il était prévisible que la stabilisation, voir la baisse qui allait suivre, allait permettre une forte décrue de l’inflation juste après, dans un continent européen où les équilibres économiques restent profondément déflationnistes (fort chômage, austérité budgétaire, poids des importations peu limitées de pays à bas coûts). C’est pour cette raison que la BCE a été contrainte de baisser vite et fort les taux directeurs dès mi-2024, de 4 à 2%.

 

Problème : les taux ne sont qu’un aspect de la politique monétaire. Dans sa panique monétariste de l’année 2022, la BCE a aussi remis en cause un aspect trop peu connu de sa politique : la monétisation des dettes publiques. La sortie difficile de la crise de la zone euro, malgré des taux directeurs au plancher, a poussé les banques centrales à suivre l’exemple du Japon, et mener une politique de rachat de dettes publiques. C’est ainsi qu’environ un quart de notre dette publique a été détenue par la Banque de France. Cette politique a un double intérêt : non seulement elle pousse les taux auxquels nous empruntons vers le bas (en augmentant la demande), mais elle revient à se payer à nous-même les intérêts de notre dette, et non à des investisseurs. Avant 2022, les banques centrales européennes rachetaient des titres pour compenser ceux qui venaient à échéance, gardant un même volume de dettes publiques monétisées.

 

Progressivement, les banques centrales ont réduit leur rachat de titres, jusqu’à cesser complètement tout rachat début 2025. Ce choix explique pour une large part l’envolée des taux auxquels les pays empruntent : en revendant leurs titres, les banques centrales pèsent sur l’équilibre offre-demande, poussant les taux à la hausse. C’est ce qui explique la déconnexion entre l’évolution des taux courts et longs. Mais si les banques centrales appuient sur l’accélérateur avec la baisse des taux directeurs, la revente des dettes publiques est un coup sur le frein, un talon-pointe malhabile pour un continent où la croissance s’est effondrée après le rebond de 2022. Rien ne justifie ce choix alors que l’inflation est repassée à l’objectif de la BCE. Les banques centrales devraient a minima maintenir leur portefeuille de dettes publiques, d’autant plus que notre continent est victime des coups de boutoirs économiques des USA et de la Chine.

 

Ces choix posent de nombreux problèmes. Ils expliquent l’envolée des taux, et donc le renchérissement du service de la dette, qui pèse sur le financement des services publics. Et en propulsant les taux longs à des niveaux trop élevés, cela pèse sur une croissance qui n’en a pas besoin. Il est grand temps de questionner les choix de politiques monétaires des banques centrales.

4 commentaires:

  1. La première affirmation fausse de votre message est que l'inflation de 2022-3 aurait été due aux prix de l'énergie.
    Le contre exemple le plus simple est le cas de l'Espagne et des Pays Bas, où l'énergie n'a pas du tout augmenté en 2022, mais l'inflation a été bel et bien présente.
    Ceci parce que l'inflation trouve toujours sa source dans l'accroissement de la monnaie disponible pour la consommation, qui a gonflé en toute Europe suite aux "quoi qu'il en coûte" décidés en réaction à la grippe Covid (financement du chômage partiel, allocations aux entreprises, aides au restaurants et commerces...)

    La deuxième affirmation fausse est que la Banque de France devrait acheter la dette de l'état.
    L' article L-141-3 du statut de la Banque de France dit verbatim que "Il est interdit à la Banque de France d'autoriser des découverts ou d'accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics. L'acquisition directe par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite."

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    1. >le cas de l'Espagne et des Pays Bas, où l'énergie n'a pas du tout augmenté en 2022, mais l'inflation a été bel et bien présente.
      2€ ont été déposés sur votre compte par East Stratcom, le shill.
      Dur de raconter des mensonges alors que recherche de chiffres est faisable par tout le monde.
      https://www.lefigaro.fr/flash-eco/pays-bas-l-inflation-depasse-10-pour-la-premiere-fois-depuis-1975-20220804
      >l'Office central néerlandais des statistiques (CBS). «La hausse de l'inflation s'explique principalement par l'évolution des prix de l'énergie et des loyers des logements», a précisé l'Office.
      >«L'énergie est actuellement un contributeur majeur à l'inflation globale», a rappelé le CBS. La progression des prix de l'énergie (électricité, gaz et chauffage urbain) était de 108%, contre 84% en juin.
      Date: 4 août 2022

      Quant à l'Espage:
      https://www.europe1.fr/economie/pourquoi-le-prix-de-lenergie-va-baisser-en-espagne-et-au-portugal-et-pourquoi-pas-en-france-4111768
      >Grâce à une dérogation de l'Union européenne, la péninsule ibérique va voir son prix de l'énergie chuter de manière importante. Bruxelles va en effet autoriser l'Espagne et le Portugal à fixer eux-mêmes le prix de l'électricité et du gaz. Une dérogation exceptionnelle valable un an à laquelle la France n'aura pas accès.
      >tout simplement une dérogation de la part de l'Union européenne qui va permettre à l'Espagne et au Portugal de fixer eux-mêmes le prix de l'électricité et du gaz pour les ménages et l'industrie. Un mécanisme qui fait espérer à Madrid et Lisbonne une baisse de 25% à 30% sur la facture énergétique.
      >Concrètement, pendant 12 mois, les deux Etats vont faire baisser le prix du gaz, ce qui leur permettra de produire de l'électricité moins chère. Et donc de réduire la facture pour les ménages et pour l'industrie qui a beaucoup souffert de la flambée des prix.
      Date 17 mai 2022

      Scheibe, der währung n'est pas neutre et n'est pas le seul composant impactant les prix.

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  2. @ Troll,

    Comme d'habitude, vous racontez n'importe quoi :
    - Oui, les prix de l'électricité domestique se sont bien envolés en Espagne : 0,1358 euro / kWh en juin 21, 0,2966 18 mois après... L'Espagne est ensuite sortie du mécanisme européen de fixation des prix, ce qui lui a donné un avantage compétitif
    Source (je ne sais pas si vous savez ce que c'est, vous qui éructez des contre-vérités non vérifiées) : https://fr.countryeconomy.com/energie-et-environnement/electricite-prix-domestique/espagne
    Sur le rachat des titres, si votre article est correct, cela n'empêche pas le rachat sur le marché secondaire et je vous renvoie au lien de mon affirmation, qui illustre mon point avec un article du Figaro qui décrivait comment la Banque de France avait fini par détenir plus d'un quart de notre dette publique

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  3. Vos chiffres sur les prix de l' énergie en Espagne sont fantaisistes.
    Instruisez vous sur le lien suivant:
    https://www.energynomics.ro/en/spain-the-only-oecd-country-where-energy-prices-fell-in-2022/

    Si, les règlements européens empêchent bel et bien la Banque de France de racheter de titres de dette étatique sur le marché secondaire de sa propre initiative
    La Banque de France ne peut acheter de titres sur le marché secondaire que au nom et pour le compte de la BCE, et à la suite d'une décision de la BCE.

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