C’est un lieu commun de la pensée oligarchiste : les retraités Français seraient des profiteurs dont on aurait acheté les votes en leur accordant des pensions bien trop lourdes pour notre pays. Les éditorialistes économiques d’Europe 1 à France Inter, s’accordent presque tous sur le sujet. Pourtant, cette présentation des faits est largement abusive et repose sur des raccourcis.
Des boucs émissaires triplement utiles
Mais la première limite, c’est que notre système de retraite n’est pas si déséquilibré que cela si on rentre dans le détail des analyses annuelles du COR. En effet, si le COR continue de nous alarmer sur les déficits à venir, cette alarme repose sur un scénario d’évolution de l’espérance de vie totalement irréaliste. Le scénario central continue à projeter une forte hausse de l’espérance de vie, y compris pour les femmes, alors que depuis 2010, leur espérance de vie stagne. De facto, c’est le scénario plus négatif sur l’espérance de vie qui correspond bien mieux aux évolutions des 15 dernières années de notre démographie. Et selon ce scénario, le régime des retraites resterait proche de l’équilibre, sous l’effet des réformes Touraine et Borne. Mais le déficit projeté vient d’un recul d’un point de PIB des recettes. Quand on veut tuer son chien…. Bref, le déséquilibre projeté repose sur des hypothèses factuellement irréalistes et biaisées.
Bien sûr, leur revenu moyen est équivalent à celui des actifs, mais la France n’est qu’un peu plus généreuse que les autres pays européens, au même niveau que l’Espagne et moins que l’Italie. Et on peut objecter trois arguments. Cette équivalence vient de la baisse plus forte du revenu des actifs (le revenu médian a reculé de 21% depuis 2000 quand les pensions ont baissé d’environ 10% depuis 2012). Ensuite, les réformes des retraites doivent faire baisser de 15% le revenu des retraités par rapport aux actifs selon le COR dans les prochaines années, les ramenant sous la moyenne européenne. Enfin, si la réforme Borne est suspendue, elle n’est pas annulée, et les mesures de gel des pensions d’ici à 2019 vont à nouveau faire reculer leur pouvoir d’achat d’ici à 2030 : la sous-indexation des pensions doit rapporter 6,1 milliards en 2029. Bref, les pensions ne sont pas si géantes, et elles sont structurellement en baisse.
Mais cette guerre des retraites, qui unit les oligarchistes du centre-gauche et ceux de droite a un triple intérêt. D’abord, elle est le énième épisode de division des Français qui peut freiner la constitution d’un front populaire façon Gilets Jaunes qui pourrait renverser les élites en place depuis trop longtemps. En effet, la jeunesse vote bien plus pour les partis anti-système (LFI et RN). En adoptant cette dialectique, le bloc central peut espérer sacrifier son électorat (peu enclin à se tourner vers LFI et le RN) pour regagner la jeunesse avec un discours qui incrimine les boomers et leurs pensions prétendument géantes, payées par la jeunesse. Soit dit en passant, avec 6,9% de cotisations sociales patronales au SMIC (vs 45% au-delà de 2,5 SMICs), les actifs des classes populaires financent déjà peu les pensions des boomers.
Deuxième intérêt : une entreprise de réécriture de l’histoire économique de notre pays sous Macron. Les retraités, qui ont largement voté pour lui, deviennent ainsi les responsables de l’échec économique actuel, ce qui permet d’occulter les débats qu’il devrait y avoir sur l’extraordinairement coûteuse politique de l’offre, et son échec patent, qui se lit dans les statistiques du commerce extérieur. Cette réécriture, si elle peut s’appuyer sur quelques statistiques bien choisis, est pourtant totalement abusive puisque deux réformes majeures ont été votées depuis 2012 : la réforme Touraine et la réforme Borne, qui réduisent fortement les pensions, et que de nombreuses mesures fiscales ou de gel des pensions ont déjà raboté le pouvoir d’achat des retraités. Mais ce faisant, la macronie et l’oligarchie protége la politique de l’offre…
Troisième intérêt : faire avancer l’agenda des retraites par répartition. La France se distingue par un système largement centré sur la répartition. Cela fausse bien des comparaisons, puisque les sommes consacrées aux retraites dans d’autres pays sont finalement comparables aux nôtres, quand on cumule toutes les cotisations et souscription, publique, privée, répartition et capitalisation. Mais le secteur privé voit sans doute dans le marché français un eldorado qui demande à être conquis par la capitalisation, et les frais qui vont avec… La réduction des pensions par répartition est le moyen de développer la capitalisation en complément, un gisement de frais potentiel pour le CAC40. Pas étonnant que les médias des milliardaires et leurs porte-voix se fassent les avocats d’un système qui leur serait très lucratif…
Bref, non seulement les procès faits aux « pensions géantes des boomers » sont exagérés et ne résistent pas à une analyse plus circonstanciée. Les retraités ont été durement mis à contribution et ils vont encore l’être dans les prochaines décennies. Mais surtout, leur procès est trop intéressant pour être honnête dans un moment où les politiques oligarchistes sont en échec et où l’oligarchie y trouve trop d’intérêts…

Le discours des partis au pouvoir sur les retraites est, comme sur d'autres sujets, basé sur des mensonges .
RépondreSupprimerLe niveau de vie médian des retraités n'est pas l'égal de celui des actifs. Selon l'INSEE, les actifs ont 28100€ et les retraités, 21160€. La différence me semble importante.
Le retraités français ne sont pas non plus largement mieux traités que dans les autres pays européens.
Le taux de remplacement (niveau des retraites divisé par niveau des salaires) est en France de 59% contre 60% au Pays Bas, 75% en Italie, 77% en Espagne et certes 49% en Allemagne. Donc la France est plutôt dans le bas du classement des économies comparables.
L'argument sur la propriété immobilière montre la nullité logique de ceux qui l'avancent car la grande partie des retraités sont devenus propriétaires quand ils étaient actifs. Ce n'est donc pas leur condition de retraités qui leur a permis de devenir propriétaires, mais celle d'actifs
la guerre contre les retraités a clairement des motivations électorales, pour pêcher des votes à l'extrême gauche.
Mais il ne faut pas oublier que taxer les retraités signifie aspirer du pouvoir d'achat, et réduire donc consommation, activité économique et recettes de TVA. Signifie aussi rendre plus difficile l'achat immobilier par des jeunes souvent financés par leurs parents et grand parents. Signifie pousser dans la précarité encore plus des retraités pauvres qui n'arrivent plus à se chauffer et à se soigner.
Signifie inquiéter les retraités comme les actifs (qui seront tôt ou tard retraités) et donc les pousser encore plus à l'épargne privée aux dépens de la consommation.
Parmi toutes les erreurs de la macronie, celui-ci risque d'être l'un des plus graves
@ Anonyme 18h23
SupprimerUn grand merci pour votre commentaire. Auriez-vous un lien vers la synthèse de l’INSEE sur les revenus. En effet, il est possible que la statistique sur les revenus (qui indique une parité) soit basée sur une comparaison un peu ajustée (de la possession ou non du logement) et je souhaiterais creuser ce sujet pour parfaitement comprendre les chiffres utilisés. Outre le taux de remplacement, on peut insister sur le nombre d’années de cotisations, élevé en France, et qui compense largement l’âge officiel de départ à la retraite.
Il faudrait mettre le plus rapidement possible l’âge de la retraite à 67 ans, pour tout le monde sans exceptions.
RépondreSupprimerMerci à Laurent Herblay et à l'anonyme de 18h23 pour ces explications lumineuses.
RépondreSupprimerhttps://www.insee.fr/fr/statistiques/2415628
RépondreSupprimerCommençons par régler ou du moins contenir les deux points suivants :
RépondreSupprimer1/ Il faut absolument se pencher concrètement sur le licenciement des 50 ans et plus. En France, nous avons un véritable sujet sur le travail de ceux qu'on appelle les actifs seniors;
2/ De même, il est difficile pour les jeunes d'entrer sur le marché du travail.
Enfin, dire que les Français.es ne travaillent pas assez et qu'il faut qu'ils/elles travaillent plus...arrêtons les raccourcis. La situation est plus nuancée et subtile que cela. Il serait intéressant de voir le nombre de jours de congés qui sont passés sur les Comptes Epargne Temps (quand les actifs en ont un, je pense notamment à la fonction publique). Ou encore de comptabiliser le nombre d'heures qui ne sont perdus (voire volés) par (aux) salarié.es qui sont à la badgeuse et pour laquelle, les heures supplémentaires sont plafonnées. Par exemple, tu peux faire X heures supplémentaires en plus qu'on te redistribue soit en argent en plus sur ton salaire/traitement soit en te donnant une voire deux journées de récupération le mois suivant en sus de tes congés. Toutes les heures dépassant les X heures supplémentaires effectuées, tu les perds purement et simplement. Admettons que tu te retrouves à faire 12 heures en plus sur un mois, tu peux récupérer ces 12 heures soit en argent soit en journée de récupération. Or, au-delà de 12 heures, c'est perdu ! Eh bien...si des structures ont cette formule, je pense qu'il y aurait des surprises sur les heures supplémentaires perdues.
Ces points s'il venait à être réglé ne changerait peut-être pas la face de la lune mais il y aurait une certaine transparence qui rendrait le débat plus juste et plus serein.
@ Anonyme 20h20
RépondreSupprimerUn grand merci pour ce lien : décidément, les arguments des partisans de la saignée des retraités ne sont pas solides… C’est grâce à l’incorporation des très nombreux chômeurs que les revenus des retraités sont au niveau de l’ensemble ! Et c’est un point majeur en France, du fait du très grand nombre de chômeurs. Sinon, le niveau de vie des retraités est déjà inférieur de 9% en moyenne par rapport aux salariés et de 12% en médiane. Encore merci pour cette information !
@ Anonyme 12h59
Vous avez bien raison. Le problème, c’est que la France manque d’emplois du fait d’une ouverture à tous les vents mauvais de la globalisation (réseaux sociaux étrangers, marchés publics ouverts à tous, laisser-passer pour Amazon, Shein et Temu…) et du laisser-faire (caisses automatiques, caissiers aux péages…). Si notre commerce était équilibré, notre marché de l’emploi serait plus équilibré, et les licenciements des plus de 50 ans seraient probablement moins nombreux, et les jeunes pourraient plus facilement trouver un emploi.
Travailler plus en France, c’est essentiellement créer plus d’emplois. Les statistiques sur le temps de travail moyen ont un sens modéré sachant qu’il faudrait prendre en compte la part de temps partiel, et le niveau…
"Le problème, c’est que la France manque d’emplois"
RépondreSupprimerMon opinion est que la France manque d'emploi non pas du fait de la globalisation (d'autres pays tout autant ouverts n'ont pas nos problèmes). Mais à cause d'une pression fiscale excessive à la fois sur les entreprises (ce qui décourage les entrepreneurs) et sur les particuliers (ce qui empêche la formation du capital privé nécessaire à la création d'entreprises solides, et de taille importante). Les emplois sont créés par les entreprises, et les entreprises sont créés par les investisseurs, si l'état ne les privent pas des fonds nécessaires.
Plus l'état veut intervenir dans l'économie pour lutter contre le chômage, plus il s'endette, et plus il doit taxer, en aggravant le problème du chômage.
"Contre le chômage on a tout essayé" disait Mitterrand. Sauf s'abstenir d'essayer quoi que ce soit et laisser faire le marché, comme dans le pays qui n'ont pas de problème de chômage.
@ Anonyme
RépondreSupprimerSi c’était la pression fiscale qui posait problème, les 100 milliards par an de baisse de cette pression pour les entreprises sous Hollande et le premier mandat Macron aurait eu un impact sur l’emploi, ce qui n’est pas le cas.
Non, il n’y a quasiment aucun pays aussi ouvert que nous. L’UE est le groupe de pays le plus ouvert du monde, et au sein de l’UE, nous tendons à être les plus ouverts (cf marchés publics dont seulement 20% sont fléchés vers des entreprises françaises, contre 60% en Allemagne et en Italie)
Contre le chômage, nous avons abandonné l’outil monétaire et le protectionnisme. C’est cela qui nous fait mal
Avec le protectionnisme, on protège que les gens qui ne sont pas performants. On devrait leur donner des coups de pieds au derrière au lieu de les protéger!
SupprimerHERBLAY
RépondreSupprimer"les 100 milliards par an de baisse de cette pression"
Ces 100 milliards de baisse n'existent que dans votre imagination. Les recettes fiscales françaises sont passées de 268 milliards en 2012 à 330 milliards en 2022, et elles continuent de croître.
De toute façon, c'est simple: la France est le champion d'Europe (si non du monde) des prélèvements obligatoires toute catégories.
Et sans surprise, elle est aussi l'un des pays européens où le pourcentage de la population active est le plus bas et même le plus bas de tous, à l'exclusion des pays comme Grèce et Italie, dominés par le travail au noir.
Un exemple? l'état français ponctionne 47% du PIB en prélèvements obligatoires, les Pays Bas sont à 40%
Par conséquent 67% des hollandais en âge de travailler le font, contre 55% des français.
Trop d'impôt égale chômage, est-ce si dur à comprendre?
@ Anonyme
RépondreSupprimer100 milliards : 40 milliards sous Hollande (CICE + pacte de responsabilité) + 60 milliards sous Macron (baisse de l’IS, PFU, suppression ISF, baisse des cotisations sociales + des impôts de production). Quoique vous disiez, ces baisses d’impôts et taxes existent, et sont documentés. Moi, je mets des liens dans mes papiers qui permettent de soutenir ce que j’avance, contrairement à vous.
Vos chiffres viennent d’où ? Prennent-ils en compte l’inflation ? Bref, à date, ils ne valent rien.
Les prélèvements obligatoires ont atteint 42,8% en 2024, comme l’indique l’INSEE dans un commentaire que j’ai fait précédemment. Comme souvent, votre chiffre n’a aucune valeur.
Le manque d’emplois, c’est l’ouverture de notre marché à tous les mauvais vents de la globalisation.
HERBLAY
RépondreSupprimer"Vos chiffres viennent d’où ?"
De l'INSEE.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/8068624
puis vous consultez le fichier Excel
3.201 – Dépenses et recettes des administrations publiques (S13)
à la ligne 58 Total des recettes
Vous y trouverez que celles-ci sont passées de
1009 milliards en 2010 à
1455 milliards en 2023
augmentation régulière mais qui a fortement accéléré depuis 2020 pour s'établir à 45% cumulé.
Considérons maintenant l'inflation. Un euro de 2010 équivaut à 1,26€ de 2023.
Donc oui, les recettes totales de l'état ont augmenté considérablement même si l'on considère l'inflation.
Voilà la "politique de l'offre" du socialisme de Hollande et Macron qui enterre la France
@ Troll
RépondreSupprimerEnfin, une source ! Vous pouvez y arriver ! Entre temps, vous partez sur de nouveaux chiffres, pas si impressionant. C’est bien de mentionner qu’il y a eu 26% d’inflation de 2010 à 2013, mais vous oubliez que le PIB a progressé de 16% sur cette période (source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830613#figure1_radio2) . Le PIB nominal a donc progressé de 46% sur la période. En clair, les recettes de l’Etat n’ont pas progressé plus vite que le PIB…
Ce qui n’empêche aucunement que les sources de ces recettes aient changé, et que le poids des ressources venant des entreprises et des plus riches, aient baissé relativement, quand celles en provenance des classes moyennes et populaires, aient monté.
Cela n’enlève rien aux 100 milliards (par an) de baisse de la fiscalité des plus riches et des entreprises décidés par Hollande et Macron.
HERBLAY
RépondreSupprimeril est difficile de causer 'économie avec qui montre de ne pas connaître les fondamentaux, peut-être pour manque de formation. C'est drôle comme personne ne s'amuse à parler par exemple de chimie, ou de littérature portugaise sans connaître ces sujets, mais tout le monde se sent compétent dans la discipline de l'économie, même sans relatif diplôme ou formation approfondie.
Dans le cas qui nous occupe, il sera bien de rappeler que le PIB n'est nullement une mesure de richesse des contribuables, mais seulement de la taille d'une économie, que les ménages soient riches ou pauvres.
Par exemple, il augmentera avec l'immigration ou la démographie , sans besoin que personne ne s'enrichisse
Par exemple, si vous me vendez des cerises de votre jardin pour 100€, et je vous donne des cours particuliers de math pour le même montant, le PIB de la France aura augmenté de 200€, mais aucun de nous deux se sera aucunement enrichi. Bien au contraire, nous aurons perdu 20€ de TVA chacun.
Peu importe la progression du PIB, ce qui compte est l'évolution du revenu médian des français
Et si l'on fait confiance à l'INSEE, celui-ci est augmenté seulement de 11% de 2000 (20040€) à 2020 (22260€)
Evidemment, inflation comprise.
Donc chacun d'entre nous s'est enrichi de 11% (appauvri en réalité vu le 26% d'inflation), mais il est taxé 45% en plus.
Comment s'étonner de la dégringolade de la consommation de l'économie, de l'occupation, provoquées par la politique de taxation extrême pratiquée par le socialisme français ?
SOURCE:
https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371217?sommaire=5371304
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