dimanche 8 février 2015

Législatives partielles dans le Doubs et effet « 11 janvier », vous êtes sûr ? (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus

Voilà donc, nous annonce-t-on, que, d’un coup d’un seul, François Hollande aurait enfin (après presque trois ans de mandat, il serait temps …) trouvé sa « stature présidentielle » après les évènements liés à l’attaque de Charlie Hebdo. Par effet ricochet, l’ensemble de la majorité présidentielle serait même en posture d’en bénéficier.


Et pour preuve : cette élection législative dans le Doubs pour laquelle c’est l’UMP, et non le PS, qui fait les frais de la montée du Front National, la droite sarkozyste se trouvant éliminée dès le premier tour au bénéfice de la « gauche de droite » hollandienne. Le Magnificient et volubile leader d’une droite en perpétuelle décomposition n’en a d’ailleurs eu cure puisque dès le lendemain il préférait remplir son portefeuille de dollar émiratis plutôt que de gérer une énième hystérie du parti dont il se présente pourtant comme le sauveur et dont il a grandement contribué à faire une machine à perdre, accessoirement dépourvu de programme et d’idée (car dans le monde politicien actuel, les idées ne sont guère mieux qu’un accessoire duquel toute forme de pensée élaborée s’évapore avant même d’être apparue).

samedi 7 février 2015

Grèce : pourquoi Obama appuie-t-il Syriza ?




Du bon sens économique

Comme le rapporte le Figaro, la troïka « demande à Athènes un surplus budgétaire (hors charge de la dette) allant jusqu’à 4,5% du PIB, au prix de lourds sacrifices sociaux ». Usant d’une belle image, Paul Krugman, « prix Nobel d’économie » 2008, dit que c’est vouloir « tirer du sang à une pierre ». Même le FMI dit que « maintenir un surplus de 4% du PIB pendant quelques années pourrait se révéler difficile ». Le 22 janvier, plusieurs économistes, dont Stiglitz et Pissarides, également « Nobel », ont demandé « une réduction de la dette, en particulier bilatérale, un moratoire sur le paiement des intérêts et un montant significatif d’argent » pour financer de grands investissements et d’importantes réformes.

Tout ceci montre peut être que la distance permet de mieux comprendre la folie des politiques menées en Grèce, que nous avions été plusieurs à dénoncer dès 2010, sans être écoutés malheureusement. Au final, ces politiques étaient aussi inhumaines que folles et il serait aberrant de les poursuivre. Le problème est que, pas illogiquement, les pays créditeurs renâclent à accepter une réduction de la dette grecque. Le système de la monnaie unique européenne dresse les pays les uns contre les autres. En conscience, je pense qu’il faudrait accorder une remise à la Grèce, d’autant plus que je crois que la banque centrale doit être sous le contrôle de l’Etat et pourrait donc éponger cette « perte ».

Un souci plus géopolitique ?

vendredi 6 février 2015

Dans le Doubs, je voterais contre le FN




Entre dérapages et affaires

Je m’oppose depuis toujours au parti de la famille Le Pen. Mais ce n’est pas une raison suffisante. Après tout, on peut se tromper et changer d’avis, comme j’ai pu le faire sur l’intervention en Libye ou le mariage homosexuel. Mais pour le coup, le temps qui passe ne fait que confirmer, mois après mois, mes craintes à l’égard du Front National. Les dérapages continuent à pleuvoir, de manière régulière, comme des éléments de communication destinés à se faire remarquer. Nous avons eu droit récemment à la séquence « guerre de civilisations » avec le député européen Aymeric Chauprade. Et la candidate frontiste du Doubs avait défendu les propos de Jean-Marie Le Pen sur l’inégalité des races.

Après les nombreuses affaires qui avaient entourées son père dans les années 1980 et 1990, il faut croire que la continuité pourrait bien également être de mise dans ce domaine. En effet, la justice s’intéresse de près aux modalités de la campagne législative de 2012, où le microparti mariniste Jeanne, « prêtait de l’argent aux candidats pour faire campagne, avec un taux d’intérêt, et dans le même temps leur vendait des kits de campagne (photo, tracts, etc.) », conçus et imprimés par Riwal, la société de Frédéric Chatillon, un proche de Marine Le Pen qui vient d’être mis en examen. Les modes de fonctionnement du FN semblent furieusement ressembler aux pratiques de l’UMP…

Le révélateur grec

Les 10 commandements du postmodernisme (3/10) : Le rapport à l’Autre, tu pourras vénérer toutes les idoles de ton choix, pourvu que tu adores le Dieu suprême, le Marché ! (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus




Suite des recensions sur l’ouvrage de Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché (Denoël 2007)

Lire également

Depuis la Renaissance, les hommes ont progressivement exclu Dieu d’à peu près tous les champs sociaux : Machiavel l’a sorti de la politique, Newton de la physique, Kant de la métaphysique, Darwin de la question de l’apparition de l’homme, Freud de nos rêves et de nos passions et Nietzsche d’a peu près tout (pages 108-109). Or, à l’inverse, on peut constater que plus l’homme sort de la religion, plus il a besoin de Dieu (page 109) ! C’est qu’en fait Dieu n’a pas cessé d’exister : « Dieu existe au moins dans la tête des hommes » (page 110). Nietzsche ne disait d’ailleurs rien de moins : « Dieu est mort ; mais à la façon dont sont faits les hommes, il y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre. Et nous, il nous faudra encore vaincre son ombre ! » (page 110).

jeudi 5 février 2015

Grèce : entre épreuve de force et ouverture au compromis

Depuis quelques jours, la situation semble se tendre en Grèce, entre un Juncker qui dénie le principe même de démocratie et Alexis Tsipras qui multiplie les déclarations chocs. Mais au bout, je persiste à croire qu’un compromis devrait finir par être trouvé entre les dirigeants européens et Athènes.



La tension qui monte

Le nouveau gouvernement grec maintient la pression sur ses créanciers tortionnaires. D’abord, il a mis un coup d’arrêt aux privatisations qui faisaient pourtant partie du plan de la troïka, alors même que les ventes restent minimes par rapport à ce qui était prévu. Plus fort encore, la Grèce s’est dite prête à se passer des 7 milliards d’euros que l’UE doit verser dans quelques semaines et le nouveau ministre des finances a déclaré qu’il ne souhaitait pas négocier « avec une commission branlante, la (délégation de la) troïka ». Quand on sait en plus qu’Alexis Tsipras semble pouvoir compter sur la Russie s’il ne trouve pas d’accord avec l’UE et qu’une option argentine reste possible, la pression est sur l’Europe.

Et elle monte doublement. D’abord, l’équation grecque divise les créanciers de la Grèce, entre Berlin qui semble rester intransigeant, et Paris plus ouvert aux demandes de Tsipras, pas à une incohérence près, mais qui y voit un gain politique potentiel. Mais en plus, le séisme grec se répercute sur tout le continent. En Espagne, c’est un encouragement formidable pour Podemos, qui semble en mesure de prendre le pouvoir dans quelques mois et a organisé une grande marche il y a quelques jours. Mieux, la renégociation en cours pose problème en Irlande, où le gouvernement a appliqué les potions amères de la troïka, ce qui amène les citoyens à se demander s’ils n’auraient pas pu être plus durs avec l’UE.

L’accord reste probable

mercredi 4 février 2015

Education : quelque chose de pourri au Royaume de Suède ?

C’est un excellent article de Slate, à lire pour tous ceux qui s’intéressent aux questions d’éducation. Si le titre  « la Suède est-elle en train de créer une génération de petits cons », est provoquant, il fournit une critique fouillée des carences du modèle éducatif suédois, y compris par des opposants de l’intérieur.



Derrière les statistiques

La Suède est souvent présentée comme un pays modèle, pour sa protection sociale, sa politique familiale, son système éducatif ou la condition féminine. Le pays fait aussi partie des références sur la qualité de vie, dans bien des classements. C’est le premier pays à voir instauré un congé parental en 1974 : « les parents disposent de plus de quinze mois de congé parental à répartir entre le père et la mère. Et il est rémunéré à hauteur de 80% du salaire pendant 390 jours ». La Suède est souvent en pointe sur les nouvelles idées comme la lutte contre les stéréotypes de genre et elle a poussé une vision de la société où les enfants sont choyés, écoutés et considérés comme des individus comme les adultes.

Une journaliste du Telegraph vient de descendre l’éducation à la suédoise, où les crises des enfants doivent être écoutées, où il faut négocier avec des enfants qui font un caprice. Pour elle, « on peut négocier avec un adulte, certainement pas avec un enfant. De la même manière que laisser des pré-ados fixer l’heure de leur coucher est totalement irresponsable ». Face à un enfant qui ferait un caprice en disant « tu n’es plus ma copine », elle suggère de dire « je n’ai jamais été ton amie. Les amis ne lavent pas tes chaussettes, ils ne t’achètent pas un manteau chaud pour l’hiver, pas plus qu’ils ne te forcent à te brosser les dents ». Et elle ne recule pas devant la menace si elle le juge nécessaire.

L’opposition de l’intérieur

mardi 3 février 2015

Merci à l’équipe de France de Handball


Merci à vous de représenter aussi bien notre pays, de montrer que nous pouvons être les meilleurs. Mais merci aussi pour avoir battu cette équipe du Qatar, collection de mercenaires apatrides. Ainsi, les gaulois sont les ultimes résistants à une vision du sport où l’argent, d’où qu’il vienne, y compris d’un pays dont nous ne partageons pas les valeurs, peut tout acheter. Merci de rappeler qu’une vision du sport, ancrée dans une communauté, peut venir à bout de cette armée de mercenaires seulement intéressés par l’argent. Merci pour nous, mais aussi pour le message passé au monde, ce qui est somme toute très français. 

Grèce : la revanche de la démocratie

Article publié dans le Figaro Magazine du 30 janvier

Dimanche, les Grecs ont voté massivement pour Syriza, une victoire qui est celle de cette démocratie trop souvent ignorée ou refusée par l’Union Européenne.



Une victoire doublement méritée

La victoire de Syriza est une revanche contre cette Europe, qui, en novembre 2011 avait osé refuser au Premier ministre grec de l’époque un référendum sur le nouveau plan d’austérité, malgré toute la bonne volonté de ce dernier pour créer des conditions favorables à son adoption. C’est une aussi une revanche contre ces hiérarques européens, Moscovici ou Juncker, qui avaient lourdement appuyé le gouvernement en place. A force de ne pas la respecter, la démocratie s’est bien vengée.

Cette victoire est aussi une victoire de la démocratie dans le sens où elle sanctionne l’échec de l’équipe au pouvoir, qui l’avait emporté d’un fil en 2012 en défendant les plans européens. Au final, l’austérité a enfoncé le pays dans la dépression et la misère sans même régler le problème de la dette malgré deux défauts : presque tous les économistes s’accordent pour dire qu’il faut une nouvelle restructuration de la dette ! Le fonctionnement normal de la démocratie impliquait un tel résultat.

Logique d’une coalition

lundi 2 février 2015

Quand la famille Le Pen joue à « gentil flic, méchant flic »

Naturellement, Marine Le Pen joue le premier rôle, quand son père et sa nièce jouent plutôt les seconds. Mais on peut néanmoins se demander s’il ne s’agirait pas d’une habile comédie destinée à propulser plus loin encore la présidente du FN dans les sondages, où elle atteint 30% au premier tour !



Dérapages chorégraphiés ?

La nouvelle séquence porte sur la vidéo d’Ayméric Chauprade, député européen et ancien conseiller aux affaires internationales intitulée « la France est en guerre », à la tonalité volontiers xénophobe. Marine Le Pen a réagi très rapidement, envoyant un courrier interne à une partie des cadres du mouvement pour leur demander de ne pas relayer la vidéo et a pris ses distances publiquement avec son ancien conseiller. Mais Marion Maréchal-Le Pen a tweeté quatre jours plus tard la vidéo, créant une nouvelle polémique entre les durs du FN et la direction, vue comme plus modérée. La jeune députée a revendiqué son choix mais affirme « qu’il n’y a pas de volonté de contester l’autorité de Marine Le Pen ».

Cette séquence n’est pas la première, la nièce de la présidente jouant en partie le rôle joué souvent par son propre grand-père. Lors de la campagne des élections européennes, Jean-Marie Le Pen avait évoqué l’explosion démographique en Afrique que « le docteur Ebola pourrait régler en trois mois » avant, sur une vidéo du site du parti de dire « on fera une fournée une prochaine fois » au sujet de Patrick Bruel, qui avait dit qu’il ne viendrait pas jouer dans les municipalités frontistes. Se développe l’idée qu’il y aurait une aile identitaire plus à droite que la ligne défendue par Marine Le Pen, comme le rapporte même le Petit Journal de Canal Plus, sans véritablement prendre de distance avec cette thèse.

Divergences et communication

dimanche 1 février 2015

Les conséquences politiques de l’euro 3ème partie (billet invité)

Billet invité d’Eric Juillot, dont j’ai chroniqué le livre « La déconstruction européenne », qui suit le premier volet, puis le second



Des Etats soumis

Les pays d’Europe du Sud aujourd’hui laminés par la crise de l’euro constituent un exemple de servitude volontaire comme l’Histoire en compte peu. Pour la Grèce, le Portugal et l’Espagne, l’euro a été le vecteur initial de la crise tout au long des années 2000, avant d’être aujourd’hui le principal obstacle à sa résolution. Jusqu’en 2008, chacun pouvait, sur la base des différents mirages économiques nationaux, se persuader à peu de frais du caractère bénéfique de l’euro. Depuis le début de la crise, il n’est en revanche plus possible de soutenir sérieusement l’idée que la situation serait plus grave encore si ces pays avaient conservé leurs monnaies respectives, tant la situation des pays les plus durement touché est catastrophique. Une abondante littérature démontre le lien objectif entre cette situation et l’existence de l’euro[1].