mercredi 25 novembre 2015

Le démontage de l’euro avance en Finlande




Les raisons des doutes d’Helsinki

A priori, il est surprenant que la Finlande se demande s’il ne sera pas plus intéressant d’abandonner l’euro. En effet, voici un petit pays, voisin d’une Russie sensible à son aire d’influence, qui remet en question son appartenance à un club plus peuplé et plus riche que son encombrant voisin. Voilà qui en dit long sur tous les problèmes que pose cette union monétaire contre-nature. Comme l’avait résumé Romaric Godin il y a quelques semaines dans la Tribune, le pays expérimente une vague d’austérité drastique qui a provoqué une grève générale en septembre, la première depuis 1956. En effet, le gouvernement issu des dernières élections a annoncé vouloir baisser de 5% le coût du travail et toute une série de mesures de baisse des prestations sociales dans la lignée des potions de la troïka.

Il faut dire que la situation économique du pays est difficile, puisque son PIB a reculé de 0,3% depuis 2010 alors que celui de la zone euro a progressé de 2,9% sur la même période. La production industrielle recule de manière continue depuis deux ans et demi. Le chômage approche les 10% et affiche la plus forte hausse de la zone euro. Les capitaux quittent le pays. En cause : une progression du coût du travail de 8,9% en 5 ans, alors que la productivité a reculé, diminuant fortement la compétitivité du pays, d’autant plus que bien des pays de la zone euro ont pratiqué une dévaluation interne. La nouvelle majorité a proposé de mener la même politique, couplée à une austérité budgétaire. Mais la quatrième année de récession pourrait pousser le pays à remettre en cause sa participation à l’euro.

Le piège de la monnaie unique

Bien sûr, la situation économique de la Finlande a aussi un rapport avec les échecs de Nokia, ancien leader de la téléphonie mobile, qui est passé à côté de la révolution des téléphones dits intelligents, au point de finir par vendre cette activité à Microsoft. Mais plus profondément, cela démontre une des failles majeures de la monnaie unique, qui impose une même politique monétaire à des pays différents, et qui pousse, comme on pouvait l’anticiper dès les années 1990, à une course mortifère au moins disant social. Avant l’euro, les pays ajustaient leur compétitivité par la valeur de leur monnaie. L’euro a transféré le fardeau de l’ajustement sur les salariés, qui doivent accepter, au mieux, des baisses des prestations sociales, au pire des baisses de salaires, comme en Espagne, ou en Grèce (-22% pour le SMIC).

Mais cette course au moins-disant social est une course sans fin. D’abord, il faut garder en mémoire qu’il existe à nos frontières des pays où le salaire minimum dépasse à peine 100 euros par mois, en Afrique du Nord ou en Europe de l’Est. Et pire encore, l’Afrique, et les pays les moins développés d’Asie descendent encore plus bas, au nécessaire. Certes, les pays européens échangent d’abord entre eux, mais l’entrée de l’Europe de l’Est a mis une pression à la baisse sur les salaires, particulièrement bien exploitée par Berlin, qui a aussi tracé une voie mortifère pour les pays dits développés, la baisse du coût du travail, jusqu’à l’horreur sociale des mini-jobs et de l’explosion de la pauvreté dans la croissance d’un modèle qui n’en est pas un pour qui regarde d’un peu plus près à la situation.


Mais pour la Finlande, l’ajustement à mener est extrêmement important, après avoir perdu sa locomotive économique. Il est donc bien logique que le pays finisse par se poser la question d’un retour à la monnaie nationale qui lui permettrait de s’ajuster de manière bien moins douloureuse.

6 commentaires:

  1. Le pragmatisme fait dire que la construction de cet UE et de l'euro n'est qu'un montage artificiel où "la réalité" doit faire son chemin mais tombe en permanence dans "le virtuel"!

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  2. Également par « Ambrose Evans-Pritchard » : La dépression de la Finlande est l'acte d'accusation finale de l'union monétaire de l'Europe :

    http://www.telegraph.co.uk/finance/12001895/Finlands-depression-is-the-final-indictment-of-Europes-monetary-union.html

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  3. Islande, Finlande...

    On se gargarise de notre belle "démocratie" franchouillarde, sensée montrer la voie au reste du monde.

    On ferait bien parfois de se regarder un peu moins le nombril et de prendre un peu exemple sur ce que font d'autres pays, notamment les pays scandinaves effectivement.

    ***Jacko***

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    1. L’article d’Ambrose Evans-Pritchard fait aussi une comparaison de la Finlande avec la Suède, il aurait pu comparer aussi avec l’Islande. La Suède et l’Islande ont connu des situations de Crise et s’en sont mieux sortis que la Finlande qui a manqué au, moment où elle était touchée par une série de « chocs asymétriques », dixit Evans-Pritchard, et parce qu’elle était dans la zone euro, de quelques instruments clés qu’il aurait fallu actionner immédiatement, telle que la dépréciation du change, pour éviter que des problèmes sérieux, dès le départ, s’enveniment de plus en plus, cas typique des pays en crise de la zone euro. La France est elle aussi concernée par ce problème.

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  4. @ Anonymes

    Très justes. Merci pour les précisions

    @ Jacko

    En effet, il y a des choses intéressantes qui se passent ailleurs. Mais en Islande, il a fallu arriver à une grave crise pour permettre ce réveil

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  5. le dernier paragraphe est la description de ce qui s'est passée invariablement dans nombre de pays adhérents, en particulier la fuite des capitaux mais aussi ce processus de dévaluation interne qui conduit inexorablement à aligner vers le bas les politiques salariales et sociales.

    il faut citer l'Irlande, pays où la fiscalité est très arrangeante, qui a vu quand même les capitaux sortir en masse au moment de la crise. Les irlandais paient encore la note, seuls...

    deuxième élément qu'on évoque rarement en parlant de l'UE et de ses élargissemtns progressifs, c'est la concurrence entre pays, qui n'a pas apporté grand chose à ceux qui n'avaient pas grand chose.

    Il faut rappeler qu'au sein de la zone, les coûts de l'heure vont de 5€ à 36 €, ce qui souligne de suite la notion de concurrence juste etc....etc...

    or si on regarde bien, les pays à faibles coûts, pays de l'est principalement, n'ont pas vraiment bénéficié réellement d'un rééquilibrage économique suite aux transferts massifs de pans industriels et les délocalisations de la zone euro vers d'autres cieux.

    En réalité, les pays de l'est ont servi la cause des multinationales, qui se sont comportées comme des "donneurs d'ordre" face à des pays "sous traitants". En leur confiant une fabrication, les groupes ont aussi fixé le prix, maintenant ainsi ces états dans une zone de coûts favorables sur place..sans faire évoluer vraiment le niveau de vie général

    Je n'évoquerai pas les manouevres de déplacements de travailleurs en France par exemple, sous contrat étranger, qui portent une concurrence directe sur les coûts face aux travailleurs locaux à contrats français

    bref, continuons gentiment à accepter de laisser démanteler la France pour le plus grand bonheur de quelques actionnaires e, sous les applaudissements d'une majorité des concitoyens...


    Stan

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