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vendredi 1 janvier 2016

Ne l’appelons plus néolibéralisme !

Depuis le début du blog, j’apporte ma petite pierre à la critique du néolibéralisme, mais, finalement, je me demande de plus en plus si le nom que beaucoup d’entre-nous utilisons pour dénommer ces idées est bien choisi. Par ce vocabulaire, ne combattons-nous pas avec un bras dans le dos ?



Le vocabulaire, clé des débats politiques

C’est Eric Hazan, avec son livre LQR, qui m’avait sensibilisé à un aspect fondamental du débat politique : le choix des mots. Celui qui parvient à gagner la bataille du choix des mots pour qualifier les différents tenants d’un débat fait souvent un grand pas vers la victoire idéologique. Ce n’est pas pour rien que les partisans des politiques monétaires européennes parlaient de franc « fort » puis d’euro « fort ». De facto, cela affaiblit la position des critiques qui deviennent implicitement partisans d’une politique de monnaie « faible ». Voilà pourquoi il était important d’utiliser le terme d’euro « cher », qui place le débat d’une manière plus favorable à nos idées, sans pour autant travestir la réalité. Sur ce sujet, c’est ce que je fais depuis assez longtemps, comme peuvent l’attester les liens vers mon premier blog.

Cela est aussi vrai pour le débat fiscal : ce n’est pas la même chose de dénoncer un « parasite » fiscal plutôt qu’un « paradis » ou la « désertion » fiscale plutôt que « l’évasion ». Les premiers donnent immédiatement une connotation négative à ces pratiques, quand les seconds sous-entendent de facto qu’il existe un enfer ou une prison dont on veut s’évader, les légitimant un peu de facto. Idem, le terme inversion fiscale trouble le débat alors que l’on pourrait parler de magouille, voir même de vol. Voilà pourquoi il est important de parler de « camisole » budgétaire pour bien qualifier les effets des traités européens sur nos démocraties. De même, il faut déconstruire les arguments néolibéraux en faveur du traité transatlantique, et globalement, tous les arguments des partisans du néolibéralisme.

Le bien mal nommé néolibéralisme ?

lundi 16 février 2015

Swissleak : ni évasion, ni paradis, désertion et parasite !

Les révélations sur les pratiques d’HSBC, qui aurait détourné pas moins de 180 milliards d’euros du fisc ont de nouveau démontré à quel point une partie des élites échappe aux impôts malgré la forte baisse des taux marginaux depuis plusieurs décennies. Mais dans ce débat, les termes sont souvent mal choisis.



Une guerre des mots mal engagée

Il est tout de même frappant que même Hervé Falciani, à l’origine de ces révélations, persiste à employer le terme « paradis fiscal ». Pourtant, comme Eric Hazan l’a si bien démontré dans son livre « LQR », le choix des mots n’est pas neutre dans le débat public. Et ici particulièrement. Quand on parle de « paradis fiscal », on sous-entend quelque part que les autres endroits pourraient être des enfers. Ce faisant, le choix de ce mot déforme le débat, en incriminant les Etats qui ne seraient pas des paradis et en présentant les voyoux fiscaux sous le jour flatteur de « paradis ». Voilà pourquoi, depuis des années, je me bats pour les appeler des « parasites fiscaux » et non des « paradis fiscaux ».

Il en va de même pour le terme d’évasion fiscale, qui pose les mêmes problèmes, de manière à peine moins subtile. Le terme « évasion » est souvent utilisé pour les prisonniers qui s’échappent d’une prison. Bien sûr, cela pourrait donner une connotation négative pour ceux qui s’en rendent coupables. Mais les choses sont plus compliquées que cela car si on s’en tient à ce raisonnement, cela implique qu’ils seraient dans une prison, manière de dire que les personnes qui fraudent leur fisc le feraient pour échapper à ce qui serait alors une « prison fiscale ». Voilà pourquoi, ici aussi, il convient de bannir ce terme de notre vocabulaire. On peut lui préférer le terme de « désertion » et donc de « déserteur ».

Des causes et des conséquences

mardi 29 avril 2014

Eric Hazan décrypte le choix des mots et la propagande

Papier publié une première fois en juin 2008, introduction au papier de demain sur la guerre des mots autour du traité transatlantique

Le livre LQR, la propagande au quotidien propose une réflexion particulièrement instructive sur l’influence du choix des mots dans la perception de la réalité. Il dénonce l’emploi par les élites d’un vocabulaire étudié pour étouffer le débat démocratique.

LQR signifie Lingua Quintae Republicae (langue de la Cinquième République). En créant ce terme, Eric Hazan fait un parallèle avec la Lingua Tertii Imperii (langue du Troisième Reich) et la novlangue du 1984 de Georges Orwell. La thèse de l’auteur consiste à soutenir que les élites du pays (politiques, médiatiques et économiques), qui ont toutes suivies les mêmes formations dans les Grandes Ecoles, ont créé petit à petit un langage, qui, en substituant un terme par un autre, transforme la perception de la réalité à des fins politiques, notamment de manière à contraindre l’adhésion aux politiques néo-libérales. Cette LQR viserait à établir un consensus politique en supprimant les opinions alternatives, par un double processus de dé-crédibilisation des opinions contradictoires et de présentation flatteuse de la « pensée unique ».

vendredi 1 février 2013

Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité


Comme le souligne Eric Hazan, la novlangue néolibérale a toujours été très habile pour travestir la réalité. Une monnaie chère devient forte. Une camisole budgétaire devient une règle d’or. Un parasite ou un déserteur fiscal deviennent un paradis et un exilé. Nouvel exemple avec la flexibilité.

L’horreur salariale

La flexibilité est, avec la compétitivité, l’impératif martelé par tous les dirigeants et commentateurs politico-économiques de notre pays depuis quelques mois. Le choix des termes est habile puisque leurs contraires sont porteurs d’évocation plutôt négative. La rigidité n’est pas un mot extrêmement positif, quand la flexibilité évoque l’adaptabilité. Idem pour la compétitivité : dans une économie de marché, il est bien évident qu’il faut l’être. Un bon moyen de couper court au débat.

Et d’ailleurs, il ne faut pas rejeter en bloc les demandes faites sous ces vastes chapeaux. Sur le fond, certaines propositions de l’accord entre les partenaires sociaux sont intéressantes. En revanche, il faut noter que flexibilité et compétitivité peuvent être la manière politiquement correcte de demander des baisses de salaires. C’est ce que fait Renault par exemple en France après avoir réussi à l’imposer en Espagne. Et attention car en France, les mauvais génis du néolibéralisme (The Economist et Goldman Sachs) pensent qu’il faut carrément baisser les salaires d’un tiers !

Les dangers de la dévaluation interne

Dans un papier assez technique, Jacques Sapir analyse de manière fine l’impasse que représente la dévaluation interne, le processus qui consiste à faire baisser les salaires d’un pays pour regagner en compétitivité sans jouer sur la parité de la monnaie. Tout d’abord, il rappelle que l’objectif final est d’augmenter le niveau des profits des entreprises. Mais il souligne qu’une telle politique produit une baisse de la demande et donc de la production, qui pénalise in fine ces profits…

Ensuite, dans un écho à Morad El Hattab, pour qui « les dettes s’accrochent » dans les crises, Jacques Sapir rappelle que la dévaluation interne (une manière politiquement correcte de parler des baisses de salaires) revient à alourdir le poids des charges financières, qui, elles, restent constantes, d’où une baisse du niveau de vie et de la consommation encore plus importante que la baisse des salaires ! Quand les charges financières représentent 30% du revenu salarial, une baisse de 20% des salaires produit ainsi donc une baisse de plus de 28% de la consommation !

L’alternative des dévaluations externes

lundi 24 décembre 2012

La désertion fiscale, produit de l’anarchie néolibérale


Le départ de Gérard Depardieu en Belgique a provoqué une immense polémique qui a dominé la fin d’année politique. Les critiques venues d’une partie de la gauche, qui a mis en place le cadre qui permet et autorise cela, sont assez mal venues. Peut-on critiquer les conséquences des causes que l’on chérit ?

Du sens des mots

Le débat sur « l’évasion fiscale » est en partie biaisé. En effet, le choix du terme « évasion » n’est pas neutre pour reprendre l’analyse d’Eric Hazan. S’évader à une connotation positive. En outre, cela suggère implicitement que les citoyens seraient prisonniers d’une prison fiscale, donnant également à la fiscalité une connotation très négative. On y trouve le décalque du terme très ambigu de « paradis fiscal » qui suggère tout de même que les autres pays seraient des enfers.

C’est pour cela que je préfère parler de « parasite fiscal », de manière à véhiculer des notions plus cohérentes à mon sens par rapport à la réalité de ces territoires, nouveaux pirates d’une mondialisation où les Etats se sont désarmés face à de tels comportements de coucou ou de passager clandestin. C’est aussi le sens du choix des mots quand on parle d’euro cher au lieu d’euro fort, de mariage pour tous au lieu de mariage gay, d’anarchie néolibérale au lieu de libéralisation.

Le choix des mots n’est pas neutre dans le débat public et certains mots sont porteurs de valeurs tellement positives qu’il est délicat de les utiliser pour dénoncer un comportement. Cela revient à se battre avec un bras dans le dos. Voilà pourquoi je préfère parler de « désertion fiscale » et non d’évasion fiscale ou même d’exil fiscal. Le premier est porteur de valeurs positives incompatibles avec le jugement que je porte sur ce comportement. Et le second est naturellement trop neutre.

Les ravages du libéral-libertarisme