mardi 10 juillet 2012

Galbraith, Krugman : la rébellion des néo-keynésiens


La crise économique que nous traversons depuis quatre ans a ranimé le débat économique. Les néolibéraux et les néo-keynésiens débattent vivement, l’occasion pour moi de revenir sur les derniers témoignages de deux figures du second camp : Paul Krugman et James K Galbraith.

L’analyse de James K Galbraith

C’est sur le très recommandable blog d’Olivier Berruyer que j’ai trouvé un long entretien avec James K Galbraith, une figure du néo-keynésianisme outre-Atlantique. Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit (notamment sur l’euro, et les conséquences d’une sortie), cet entretien est intéressant. Comme tous les membres de cette école de pensée, il récuse fermement les plans d’austérité européens, arguant que le niveau des dettes n’est pas si élevé.

Pour lui, la priorité doit être donnée à l’emploi. Il est assez pessimiste, affirmant que « la construction de logements risque de s’arrêter » alors que quelques signes de reprise apparaissent. En revanche, il dénonce très justement le manque de régulation du système bancaire malgré la crise. Il souligne également les liens entre les dirigeants politiques et les grandes banques, dont les anciens employés trustent la très haute administration (y compris Obama).

Pour lui, les difficultés du système bancaire viennent en grande partie de la ruine de leurs clients, prenant l’exemple des ménages qui avaient acheté leur logement par des prêts hypothécaires. Il dénonce des politiques qui passent à côté des grands enjeux : chômage, évictions, énergie, changement climatique et infrastructures. Il relativise le problème de la sous-évaluation du wuan en soulignant qu’il n’explique pas à lui seul la compétitivité de la Chine.

L’analyse de Paul Krugman

lundi 9 juillet 2012

Le scandale LIBOR-Barclays, symptôme de l’anarchie financière


« Banksters » (contraction de banquier et gangster), « Le cœur pourri de la finance » : The Economist n’y est pas allé de main morte pour dénoncer le scandale de la manipulation du LIBOR par la banque Barclays, qui a abouti à la démission de son patron et une amende de 450 millions de dollars.

Un scandale inquiétant

Le LIBOR (London Inter-Bank Offered Rate) est un taux d’intérêt de référence des marchés financiers, sur lequel repose la bagatelle de huit cent mille milliards de dollars de contrat, plus de 10 fois le PIB de la planète… Le LIBOR est un taux fixé tous les jours par la compilation du coût de financement à trois mois en dollars estimé par 16 banques. Les 4 taux les plus élevés et les 4 taux les moins élevés ne sont pas pris en compte. Le LIBOR est la moyenne des 8 taux médiants.

De manière intéressante, on constate que ce taux fondamental sur les marchés financiers ne reflète même pas la réalité de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché, mais est seulement la moyenne d’estimations informelles fournies par quelques banques. Cette méthode pose beaucoup de problèmes car les banques sont juges et parties dans l’affaire. Communiquer un taux trop élevé (les chiffres sont publics) indique ainsi qu’une banque a des difficultés de financement.

Ensuite, ce taux détermine également une partie des coûts et des revenus d’une banque. Du coup, en fonction de son portefeuille, une banque peut avoir intérêt à faire baisser ou faire monter le LIBOR. Et c’est justement là que le scandale intervient. The Economist rapporte ainsi que Barclays a été reconnue coupable de manipulation du niveau du LIBOR, en soumettant presque toujours le taux plus élevé. Pire, il semble qu’elle ait agi en coordination avec d’autres banques.

A quand le karcher pour la finance ?

dimanche 8 juillet 2012

Allemagne, Grande-Bretagne, Finlande : le ras-le-bol grandit contre l’UE


Le docteur Franken-Delors pensait avoir réussi à imposer une construction fédérale aux pays européens avec l’euro. Mais la fin (plus ou moins prochaine) de son enfant monétaire monstrueux pourrait bien emporter l’ensemble de son projet supranational avec lui…

Discorde dans la zone euro

D’une part, les plans européens de soutien aux créanciers des pays en délicatesse avec les marchés financiers lessivent les peuples concernés par d’incessants plans d’austérité (l’Italie, dernière en date, vient de décider de couper 26 milliards d’euros de dépenses). C’est ainsi que le PIB de la Grèce devrait à nouveau baisser de 7% cette année, le même chiffre qu’en 2011, signe de l’impasse complète de ces politiques d’austérité sauvage, que beaucoup dénoncent.

Mais de l’autre, ils ne plaisent guère non plus aux pays créanciers, où les plans de sauvetage de l’euro commencent à émouvoir les dirigeants politiques. La ministre des finances de la Finlande vient ainsi de déclarer que son pays « ne s’accorchera pas à l’euro à n’importe quel prix et est prête à tous les scénarios ». En clair, Helsinki indique être prête à quitter la monnaie unique plutôt que de prendre de nouveaux engagements financiers pour l’euro.

Une Allemagne de plus en plus hostile

La situation ne cesse de se dégrader en Allemagne, malgré la ligne dure d’Angela Merkel qui avait pourtant dit de manière bien peu diplomatique « non à la mutualisation des dettes de son vivant ». Les concessions minimes qu’elle a faites au sommet européen de la semaine dernière (qui doivent encore être traduites dans un traité) ont provoqué la colère d’une partie des députés de la CSU, qui ne veulent plus entendre parler de la moindre concession aux autres pays.

Et ce n’est pas tout. Le débat public allemand diffère largement du débat français. Pas moins de 150 économistes viennent de signer une tribune pour dénoncer l’irresponsabilité des politiques européennes de garantie aux banques ou de mutualisation des dettes sans contrôle sur les budgets. Enfin, à l’initiative d’intellectuels hostiles à l’euro, des recours ont été déposés auprès de la cour de Karlsruhe, poussant le président à repousser la ratification du MES.

Londres envisage une sortie de l’UE

samedi 7 juillet 2012

Arbitrage vidéo dans le football : il faut aller plus loin !


Bien sûr, le sujet peut sembler un peu trivial, mais le football est le sport le plus populaire dans notre pays et à ce titre, il représente une sorte de barormètre de notre société. La FIFA vient enfin d’introduire une once d’arbitrage vidéo, mais il faudrait aller plus loin.

Un besoin d’exemplarité

Le football est à l’image de notre société : inégal, excessif, mais aussi l’occasion de beaux et bons moments passés ensemble, à se rassembler derrière une équipe, à la soutenir, à vibrer pour son drapeau. L’Espagne symbolise bien cette situation, avec ses clubs totalement surendettés mais qui continuent à porter haut les couleurs du pays dans les compétitions européennes et surtout cette fabuleuse Roja qui vient de remporter un troisième trophée international en quatre ans.

L’équipe espagnole réussit aussi là où l’équipe de France a des faiblesses, à savoir offrir un collectif extrêmement fort où tous les individus sont au service d’une cause qui les dépasse. En cela, c’est un plaisir que les espagnols aient à nouveau gagné car ils démontrent que croire au collectif permet d’être plus fort qu’en se reposant sur des individualités qui souhaitent parfois briller au détriment de ce même collectif. La victoire de l’Espagne, c’est la victoire de l’esprit d’équipe.

Mais le football, par-delà quelques comportements individuels regrettables, c’est aussi un véritable problème d’arbitrage. Il y a trente ans, les erreurs passaient relativement inaperçues (sauf dans le cas de Battiston en 1982) car il n’y avait pas autant de caméras autour du terrain et des ralentis permettant de disséquer chaque action pour savoir s’il y avait vraiment faute ou pas ou si le ballon avait bien passé la ligne blanche. Bref il y avait un relatif alignement entre le public et l’arbitre.

Une inégalité de moyens absurde

vendredi 6 juillet 2012

L’Union Européenne en procès sur internet


Alors que les pays de l’Union Européenne persistent dans l’impasse dans laquelle ils se sont eux-même enfermés, la déconstruction de cette impasse continue dans la blogosphère, avec de nombreuses analyses solides rapportées par des personnes à suivre.

La critique des économistes

Roland Hureaux, blogueur et chroniqueur sur Marianne 2, a récemment publié un papier reprenant les dernières critiques formulées par Paul Krugman et Joseph Stiglitz, les deux « prix Nobel d’économie » progressistes. Le second affirme que « si l’euro survit, ce sera au prix d’un chômage élevé et d’une énorme souffrance, notamment dans les pays en crise ». Selon lui « l’obstination des dirigeants (européens) dans l’ignorance des leçons du passé est criminelle ».

Paul Krugman, qui tient un blog pour le New York Times, dans une interview au Spiegel, ridiculise le plan de croissance européen décidé il y a une semaine. Pour lui, « c’est un pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge. Ce sont des choses ridicules et insignifiantes ». S’ils ne militent pas formellement contre l’euro, les deux s’en approchent de plus en plus. Et Krugman vient de lancer un manifeste contre la rigueur pour mener des politiques de relance s’inspirant des années 1930.

Jacques Sapir dénonce un « sommet en trompe-l’œil ». Il juge le montant du pacte de croissance « parfaitement dérisoire ». Pour lui, il s’agit d’un « prétexte pour faire voter le pacte de stabilité exigé par l’Allemagne ». Sévère, il affirme que « François Hollande ne se contente pas de se parjurer, il se ridiculise » et dénonce ces « solutions provisoires à la crise de liquidité mais qui sont assorties de mesures d’austérité qui renforcent en réalité la crise de solvabilité des pays européens ».

La critique des blogueurs

jeudi 5 juillet 2012

Merci au M’PEP et à Jacques Nikonoff


Cela a été une des jolies surprises des élections législatives : le soutien apporté à titre personnel par Jacques Nikonoff à Nicolas Dupont-Aignan pour le second tour. L’occasion de rendre la pareil à ce mouvement qu’il préside et qui vaut l’attention, le M’PEP.

Les souverainistes de gauche

En juin dernier, j’avais assisté à un très bon colloque organisé par ce mouvement qui réunissait Emmanuel Todd, Frédéric Lordon et Jacques Sapir. Le M’PEP occupe une place à part. Fondé par des anciens d’Attac qui souhaitaient passer à l’action politique, il s’agit du seul parti de gauche ayant mis en cohérence son analyse de la mondialisation avec son rapport à la nation. En clair, comme l’a écrit son porte-parole Aurélien Bernier, il prône « la désobéissance européenne ».

L’extrême gauche (NPA, LO) continue de faire de l’internationalisme et de l’ouverture des frontières un horizon indépassable, poutant totalement contradictoire avec les mesures qu’ils souhaitent mettre en place. En effet, si le programme de Philippe Poutou ou Nathalie Artaud était mis en place avec des frontières ouvertes, ce serait un carnage, avec une fuite des capitaux et des entreprises qui ruinerait le pays et rendrait inapplicable les mesures qu’ils défendent.

La position de la gauche radicale, représentée par le Front de Gauche, est compliquée. En effet, si leur analyse de la mondialisation est juste, elle est (logiquement) plus radicale dans les mesures à mettre en place (notamment pour la taxation des hauts revenus), mais Jean-Luc Mélenchon a toujours rechigné à évoquer le moindre contrôle des mouvements de capitaux, de biens et de personnes, sans lesquels son programme serait pourtant inapplicable.

Le seul parti de gauche cohérent ?


mercredi 4 juillet 2012

L’euro cher chasse Airbus d’Europe


A croire que le Figaro est totalement inconscient. Le quotidien de droite se réjouit de « l’offensive d’Airbus sur le marché américain ». Pourtant, cette offensive est surtout une catastrophe de plus pour notre industrie, encore et toujours pénalisée par cette monnaie trop chère.

Des Airbus de moins en moins européens

Bien sûr, Fabrice Brégier, président de l’avionneur européen fait son travail en expliquant que cette délocalisation « aura un effet sur les emplois en Europe », mais comment le croire ? Dans la réalité, Airbus va investir 500 millions d’euros dans une usine dans l’Alabama et y créer un total de 5000 emplois. Ce sera la quatrième usine d’assemblage de l’A320 après les sites de Toulouse, Hambourg et Tianjin en Chine, alors que Boeing ne produit qu’aux Etats-Unis.

Le président d’Airbus explique que ce sera le moyen d’augmenter sa part de marché aux Etats-Unis, qui reste coincée à 25%, alors que l’avionneur européen dépasse aujourd’hui les 50% dans le monde. Si cette implantation permettait en effet de nettement faire progresser les ventes de l’avionneur outre-Atlantique, alors on pourrait en conclure que cela n’est pas trop grave, mais on peut en douter car Boeing fait un lobbying effréné contre l’entreprise européenne.

Ensuite, point que Fabrice Brégier n’évoque pas, mais que le Monde précise bien : « Airbus cherche à réduire ses coûts en assemblant des appareils aux Etats-Unis », d’autant plus que l’Alabama est un des Etats où l’affiliation à un syndicat n’est pas obligatoire. Bien sûr, le patron d’Airbus affirme que l’assemblage ne représente que 5% de la valeur ajoutée, mais il est probable que les pièces détachées seront davantage achetées outre-Atlantique qu’en Europe…

L’histoire sans fin

mardi 3 juillet 2012

Hollande : quand 2012 a un parfum de 1983


Le mandat de François Hollande ne ressemblera pas à celui de François Mitterrand. Il n’essaie même pas de mener une politique différente et choisit directement l’Europe et la rigueur, comme en 1983, signant la victoire complète des sociaux-libéraux au Parti Socialiste.

1981 ou 1983 ?

De manière assez amusante, The Economist tend encore à présenter le président élu comme un socialiste version 1981 du fait de sa proposition de créer une tranche marginale d’imposition à 75% ou de permettre le départ à la retraite à 60 ans pour les salariés ayant travaillé le bon nombre d’années. Dans son édition de vendredi, il évoque également la hausse du SMIC pour relancer la consommation, en oubliant que le « coup de pouce » est totalement dérisoire, à 0.6%.

Mais l’hebdomadaire britannique devrait vite revoir son jugement avec la séquence des derniers jours. En fait, c’est Eric Zemmour qui avait raison la semaine dernière en parlant de « l’édulcorant Hollande ». Le Parti Socialiste a renoncé à changer la vie des Français, qui en auraient pourtant bien besoin aujourd’hui. Nous avons 1983 sans avoir 1981. Pour être clair, certains aspects de l’alternance d’alors étaient franchement négatifs, mais d’autres avaient été positifs.

Hier, Didier Migaud a présenté le rapport de la Cour des Comptes, qui chiffre le besoin d’un ajustement budgétaire de 40 milliards d’ici à 2013 pour tenir l’engagement de la France d’un déficit de 3% du PIB. Même s’il est bien évidemment souhaitable que les deniers publics soient dépensés avec toute la mesure nécessaire, une telle correction, à ce moment précis du cycle économique, risque de prolonger notre croissance molle, voir de nous faire retomber en récession.

La rigueur sans le tournant

lundi 2 juillet 2012

Copé-Fillon : deux visions de la trahison du gaullisme


Porté par les sondages, l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy a décidé de se lancer dans la course à la présidentielle. Alors que tout le monde le présente comme un gaulliste social, c’est l’occasion de se poser la question de ce qu’il reste du gaullisme à l’UMP.

Copé, ou la trahison assumée

A titre personnel, je n’aime pas du tout Jean-François Copé, qui est pour moi un clône de Nicolas Sarkozy, au détail près qu’il a fait l’ENA. Tout chez lui rappelle le président sorti : l’ambition 100% personnelle aussi démesurée qu’affichée, le cynisme, une (trop) grande assurance de soi, une grande aisance dans les médias ou un même goût pour le libéralisme anglo-saxon complètement déconnecté des traditions de notre pays et plus encore du du gaullisme.

D’ailleurs, Jean-François Copé ne se réclame pas du gaullisme, ce que des études d’image lui ont sans doute recommandé. Le secrétaire général de l’UMP représente cette génération de droite post-gaulliste, qui a totalement digéré et oublié tout ce que le Général avait laissé au pays. Néanmoins, on ne peut pas dire qu’il y a totalement tromperie sur la marchandise, tant il avance (pour l’instant) démasqué vers les électeurs et les militants de l’UMP. Il veut l’Elysée, point.

Le député-maire de Meaux, part un peu dans la position de Jacques Chirac en 1995 face à Edouard Balladur. Il tient l’appareil, dispose de bien davantage de soutiens dans le parti, s’étant créé un solide réseau d’affidés depuis qu’il en est à la tête. Il semble très populaire dans l’appareil et chez les militants qui apprécient son caractère de chef et son engagement de tous les instants. Mais François Fillon, très populaire dans les sondages, est un sacré adversaire.

Fillon, ou la trahison sournoise

dimanche 1 juillet 2012

La trahison européenne de François Hollande


Bien sûr, Libération a titré « Hollande 1, Merkel 0 », suite au sommet européen de cette semaine. Mais cette interprétation des choses révèle surtout le biais partisan du quotidien de gauche. Car, dans la réalité, c’est bien le président français qui a largement capitulé dans l’histoire.

Retour en arrière

On allait voir ce que l’on allait voir. En 2007, le candidat Sarkozy proposait de renégocier un traité européen limité aux questions institutionnelles prenant en compte le « non » de 2005, de réformer la BCE et de mettre en fin à l’euro cher. En quelques semaines, il avait abandonné toutes ses promesses, d’euro moins cher, de BCE au service de la croissance ou d’un nouveau traité européen prenant véritablement en compte le vote des Français deux ans auparavant. La trahison était totale.

Cette année, François Hollande tenait un discours assez proche, dénonçant l’Europe construite par le président sorti et la chancelière allemande. Il dénonçait cette Europe de l’austérité, qui ne se préoccupait jamais de la croissance. Il proposait alors un plan de croissance, une mutualisation des dettes européennes, une monétisation des dettes par la BCE, bref une réorientation radicale de la direction européenne dans cette crise de la zone euro dont nous ne sortons pas.

Malgré le soutien de quelques alternatifs, on pouvait douter de la réalité de ces promesses électorales. Frédéric Lordon avait aussi brillamment que cruellement fait un sort à ses promesses, évoquant les reniements du gouvernement socialiste en 1997. Et pouvait-on véritablement attendre une révolution européenne de la part du fils politique de Delors et Jospin ? Depuis 1983, le Parti Socialiste a toujours choisi l’idée européenne contre le peuple français.

Des vessies pour des lanternes