samedi 7 décembre 2013

L’euro, boulet économique


Les statistiques économiques sont très révélatrices. En 2013, le PIB de la zone euro reculera de 0,4%, alors qu’il progressera de 1 à 2% dans tous les autres pays dits développés. Depuis plus de 10 ans, la monnaie unique est un boulet accroché aux pieds des économies qui en font partie.



Des résultats économiques désastreux

Les défenseurs de l’euro soutiennent qu’il vaut mieux y rester car en sortir provoquerait un cataclysme économique. Outre le fait que l’histoire économique démontre que la sortie d’une union monétaire est non seulement facile mais aussi libératoire pour un pays, c’est le moyen d’éviter une analyse des performances économiques de la zone euro, qui sont calamiteuses depuis le début. Déjà, dans les années 2000, la zone euro cumulait faible croissance, maintien d’un fort chômage, forte montée de l’endettement et gros déséquilibres. Bien pire que tous les autres pays dits développés.


Depuis 2010, les écarts se sont encore accrus. J’ai déjà souligné que les pays de l’UE hors zone euro ont maintenu leur nombre de chômeurs, quand les pays qui partagent le fardeau monétaire commun l’ont vu progresser de trois millions depuis trois ans et demi (quand il a baissé de trois millions aux Etats-Unis). La zone euro est également tombée dans une forte récession puisque son PIB reculera en 2013, comme en 2012, alors que le Japon et la Grande Bretagne ont bien rebondi en 2013 et que les Etats-Unis conservent 2% de croissance malgré les incessantes crises budgétaires.

Aux racines du mal : la monnaie unique

Mais pourquoi un tel décalage ? Par rapport aux pays de l’Union Européenne hors zone euro, il faut bien reconnaître que la principale différence est justement le fait d’avoir la monnaie unique. Et cet euro pose trois problèmes majeurs. Le premier, c’est qu’il est impossible de mener une politique unique qui convienne à un ensemble aussi hétérogène. L’Allemagne, où les prix de l’immobilier montent sensiblement, ne voit pas d’un bon œil le relâchement de la politique monétaire de la BCE. Mais parallèlement, ce léger relâchement est totalement insuffisant pour des pays comme la Grèce ou l’Espagne.


En outre, la politique moins expansionniste de la BCE (dont le bilan a baissé de plus de 500 milliards depuis quelques mois), par rapport à celles de la Fed, de la Banque du Japon ou de la Banque d’Angleterre, maintient l’euro à un niveau trop élevé, autour d’1,35 dollars, quand les pays du Sud auraient besoin d’une monnaie moins chère. Troisième problème, alors que les autres banques centrales achètent massivement de la dette publique, poussant les taux à la baisse, malgré des déficits bien plus élevés qu’en zone euro, la BCE ne peut pas le faire, au moins autant pratiquement que statutairement.

Bref, la seconde récession de la zone euro et la 2ème vague de hausse du chômage s’expliquent directement par le fait d’avoir une monnaie unique pour la zone. Le coût de cette monnaie est considérable. On peut estimer qu’elle nous a coûté 600 000 chômeurs de plus en trois ans et demi et sans doute au moins 2 à 3 points de PIB sur la même période, soit la bagatelle de 40 à 60 milliards d’euros. Cela s’explique aussi par le fait que les pays de la zone euro ont été contraints de mettre en place des politiques d’austérité suicidaires, comme nous l’avions dénoncé en 2010, ce que le FMI a admis fin 2012.

Malheureusement, le débat sur la monnaie unique est trop souvent refusé par des média qui excommunient les impis. Pourtant, aujourd’hui, nous avons les faits, l’histoire économique, mais aussi le soutien de 9 prix Nobel d’économie avec nous. Le temps joue contre cette construction totalement folle et artificielle.

Pour aller plus loin, sur le sujet, vous pouvez lire :

12 commentaires:

  1. Gilbert Perrin

    Honnêteté intellectuelle indiscutable !!!!
    Les "bonnets rouges bretons" ont tout à fait raison ?
    La Bretagne est la région la moins "INEGALITAIRE" ....

    La bretagne reste malgré la crise, la région française la moins exposée à la pauvreté et aux inégalités.
    Pendant la crise, les revenus des plus modestes ont continué à croitre !!!"

    Ce n'est pas pour autant que nous devons accepter les transferts du 93 !!!!!

    Les bretons ont bien raison de défendre leur "savoir faire ....."

    J' analyse les statistiques : La pauvreté en bretagne ....

    Ecart entre riches et pauvres Taux de pauvreté en %

    - Bretagne 4,1 11,5
    - FRANCE métropolitaine 5,6 14,3
    - Province 5,2 14,4

    Ces chiffres sont significatifs....et réfléchissez à mes raisonnements.
    MERCI


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  2. Comparaison avec le Royaume-Uni  qui est dans l'union européenne mais qui a la souveraineté budgétaire. Voir : Grande-Bretagne: les prévisions de croissance revue à la hausse:

    http://www.liberation.fr/economie/2013/12/05/grande-bretagne-les-previsions-de-croissance-revue-a-la-hausse_964378

    Il n'est pas facile même pour un pays qui a la souveraineté budgétaire de se sortir d'une situation de crise. Au moment du déclenchement de la crise de 2008 le Royaume-Uni a combiné la dévaluation de la monnaie, le quantitative easing et des mesures d'austérité. Le retour à la solvabilité budgétaire (le moment où le ratio dette publique sur PIB va commencer à baisser est prévu pour seulement 2016/2017, ce qui est basé sur des prévisions de croissance élevées, je cite : « En 2015 et 2016, elle devrait s'élever à 2,2% et 2,6% ».
    Tenons nous en à l'année 2013 pour faire quelques comparaison avec quelques pays en crise de la zone euro.

    Royaume-Uni : Au T2 2013 le ratio dette publique sur PIB est à 89,6 % du PIB, la croissance prévue pour 2013 est à 1,4 %, le taux de chômage est actuellement autour de 7,5 %.

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-23102013-AP/FR/2-23102013-AP-FR.PDF

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-29112013-AP/FR/3-29112013-AP-FR.PDF

    Italie : Au T2 2013 le ratio dette publique sur PIB est à 133,3 % du PIB, une récession de 1,8 % est prévue pour 2013, le taux de chômage est à 12,5 %.

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0203105903788-italie-une-sortie-de-crise-plus-fragile-que-prevu-625499.php

    Espagne : Au T2 2013 le ratio dette publique sur PIB est à 92,3 %, une récession de 1,3 % est prévue pour 2013, le taux de chômage est à 26,7 %.

    http://www.challenges.fr/economie/20130927.CHA4913/deficit-croissance-chomage-l-espagne-ameliore-ses-previsions.html

    France : Au T2 2013 le ratio dette publique sur PIB est à 93,5 %, une croissance de 0,1 ou 0,2 % est prévue pour 2013, le taux de chômage est à 10,9 %.

    Grèce : Au T2 2013 le ratio dette publique sur PIB est à 169,1 %, du PIB, une récession d'au moins 3,8 % est prévue pour 2013, le taux de chômage est à 27,3% en août 2013 :

    http://lci.tf1.fr/economie/conjoncture/zone-euro-61-000-chomeurs-de-moins-en-octobre-8321229.html

    Il est amusant de constater qu'un article du monde en date du 15 mars 2012 faisait état d'une prévision de croissance du FMI de 0,3 % pour la Grèce pour l'année 2013 alors que la récession y sera finalement de l'ordre de 4 % pour cette année. Voyez :

    http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/03/15/la-grece-sortira-de-la-recession-en-2013_1670332_3214.html

    Citation de cet article du 15 mars 2012  :

    « La Grèce sortira de la récession en 2013. Mais la croissance du PIB grec sera globalement nulle sur l'ensemble de cette année, selon de nouvelles prévisions du Fonds monétaire international (FMI) pour le pays publiées jeudi et revues en forte baisse par rapport à décembre.Le FMI estime que le produit intérieur brut grec devrait chuter de 4,8% en 2012 après avoir reculé de 6,9% en 2011. En décembre, il estimait que le PIB chuterait de 3,0% en 2012 après un recul de 6,0% en 2011 et que la croissance atteindrait 0,3% en 2013. »

    Citation de l'article du Figaro en date du 12 septembre 2013 :

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/09/12/97002-20130912FILWWW00362-grece-baisse-de-38-du-pib-en-2013.php

    « Le ministère grec des Finances prévoit que la contraction de l'économie atteindra 3,8% cette année, un chiffre inférieur à celui de 4,2% prévu par les bailleurs de fonds internationaux d'Athènes, selon le quotidien économique Naftemporiki. »

    Saul

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    1. Erratum: souveraineté "monétaire" et non "budgétaire" pour le Royaume-Uni, quoique les pays les pays de la zone euro non seulement ont perdu leur souveraineté monétaire mais ont aussi une souveraineté budgétaire restreinte.

      Saul

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    2. Comment l'UE peut-elle accepter que la situation soit si dramatique, notamment en Grèce, sans rien faire, ni changer à ses dogmes ? Comment peut-elle faire autant souffrir les peuples européens sans la moindre gêne ? Bien au contraire, elle en demande toujours plus. Soit dit en passant, nous savons ce qui nous attend si nous devons en passer par là.

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  3. La souveraineté n'est pas le problème, c'est le fonctionnement du système monétaire comme tel que conçu qui est le problème.

    Le retour à une monnaie "nationale" est d'échapper à un système monétaire qui a prouvé son dysfonctionnement, mais ne résoudra le problème de la pseudo démocratie :

    http://www.youtube.com/watch?v=KVW5ogGDlts#t=1599

    olaf

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    1. On ne peut avoir de démocratie sans souveraineté.
      Si un pays est contrôlé de l’extérieur son peuple n'est évidemment plus au pouvoir.

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  4. l'euro fort oblige Thales Alenia Space à lancer un plan de compétitivité

    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20131206trib000799702/espace-l-euro-fort-oblige-thales-alenia-space-a-lancer-un-plan-de-competitivite.html

    Ce n'est pas nouveau mais l'euro fort (1,36 dollar) pénalise toujours autant les industriels de la zone euro à l'exportation. Et le PDG de Thales Alenia Space (TAS), Jean-Loïc Galle, en tire les conséquences après une année 2013 jugée "moyenne" sur le plan des prises de commandes par le patron de la filiale spatiale commune de Thales et de l'italien Finmeccanica. Il a ainsi lancé un plan de compétitivité prévu sur 18 mois, qu'il a présenté vendredi matin aux syndicats puis l'après-midi aux 400 plus hauts cadres de la société."Mais ce plan ne suffira pas sur le court terme pour répondre à la perte de parts de marché dans les satellites de télécoms", estime-t-il. Ce plan sera donc complété par un programme de réduction des coûts qui passera par des réductions d'effectifs pour répondre aux problèmes de sous-charge d'activité...

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  5. Hors sujet mais important : http://www.avaaz.org/fr/no_champagne_for_monsanto_loc/?bwTAdcb&v=32176

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  6. Deux papiers récents de Natixis :

    - Un affaiblissement de l'euro serait difficilement réalisable pour différentes raisons (http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=74055).
    - Le consensus qui semble s'être dégagé sur les perspectives de croissance de la zone euro paraît excessivement optimiste (http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=74050).

    P. Artus semble rejoindre Sapir sur le scepticisme quant à la soit-disant reprise européenne. Il ne croit pas non plus qu'une baisse de l'euro soit envisageable (et signale le paradoxe des illusions relatives à la prétendue « sortie de crise » : « Plus la menace de crise s’éloigne, plus la confiance revient dans les dettes des pays périphériques, ce qui génère des entrées de capitaux, et l’appréciation de l’euro »). Bref, l'euro fort plombe la croissance de certains pays européens ; mais une reprise de la croissance se traduirait inévitablement par une hausse de l'euro…

    La réticence de P. Artus a tirer toutes les conclusions de ce qu'il a pourtant contribué à démontrer (dire carrément que l'euro coule une partie de l'Europe dont la France, que l'eurozone est sans avenir et qu'il faut donc la dissoudre) n'en est que plus frappante. Il ne peut pas se résoudre à tenir le discours que ses conclusions imposeraient logiquement (la sagesse pour la France serait de sortir de l'euro), mais que ses convictions personnelles contredisent et que son auditoire (les milieux économiques) ne veut pas entendre.

    YPB

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  7. Si nous prenons un peu de recul, il paraît évident que que la finalité de l'euro n'était pas, bien qu'on l'ait présenté ainsi, de faire le bonheur économique des peuples de sa zone. L'enjeu essentiel était la création d'une banque centrale européenne sur le modèle de la FED et de la banque d'Angleterre, c'est à dire indépendante du pouvoir des politiques.
    Il s'agissait seulement de donner le pouvoir aux grandes banques et cela
    a été réalisé.

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  8. @ Saul

    Merci pour ces rappels qui montrent le ridicule des prévisions européennes. La dette de la GB ne pose pas de problème à partir du moment où la BC la soutient (cf taux d’intérêts vs déficit budg.)

    @ Démos

    Cette europe est inhumaine

    @ Olaf et TeoNeo

    D’accord

    @ Anonyme

    Merci pour ce nouvel exemple

    @ YPB

    Pour le coup, je ne partage pas complètement l’opinion d’Artus et Sapir. Je pense qu’il est possible que la zone euro atteigne une croissance d’environ 1%, même si le mécanisme de montée de l’euro pénalise en effet la croissance.

    @ Cliquet

    Sur le modèle de la Bundesbank principalement, du fait des demandes allemandes pour compenser l’abandon du DM

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  9. @ Laurent Pinsolle

    Je sais que vous croyez à la possibilité d'une croissance européenne limitée et éphémère. Je suis un peu sceptique à cet égard, mais je me souviens que vous aviez eu raison en 2010-2011, à propos des capacités de résilience de la zone euro, lorsque beaucoup d'autres experts voyaient son éclatement comme imminent. Peut-être aurez-vous raison une fois de plus… L'aptitude au bricolage, au raccommodage et à la temporisation des dirigeants européens est il est vrai assez remarquable.

    Marx a dit de la France de son temps qu'elle était le pays où les idées politiques atteignaient leur pleine maturité, leur forme la plus complète. Cette vision n'est peut-être pas si datée. Il se pourrait que l'éclatement d'une crise politique majeure en France, dont la survenance semble de moins en moins hypothétique, marque le début de la délivrance, en ébranlant de manière décisive l'édifice européen.

    YPB

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