vendredi 9 janvier 2015

Euro moins cher et conséquences





Le cours d’une monnaie pour les nuls

Dans le zoom éco d’Europe 1, Axel de Tarlé s’est lancé dans un décryptage effarant de qui profiterait de la baisse de l’euro. Dans son monde, les entreprises (exportatrices) seraient les gagnantes : on dit qu’Airbus gagne 1 milliard pour une baisse de 10 cents de l’euro. En revanche, les ménages y perdraient puisque ce que nous importons serait 15% plus cher, Axel de Tarlé évoquant les téléphones et le pétrole, tout comme le tourisme aux Etats-Unis. Dans sa bulle, il confond les classes moyennes avec les quelques pourcents de la population qui peuvent voyager outre-Atlantique. Et ses exemples sont bien mal choisis puisque le prix de l’essence baisse et que le prix des téléphones est stable…

C’est ainsi qu’il fait un parallèle ridicule avec les mesures du gouvernement en disant que la baisse de l’euro revient à prendre aux ménages pour donner aux entreprises. D’abord, il oublie que la la majorité de nos importations viennent de la zone euro, où rien ne change. Puis que le pétrole représente un quart du reste et voit son prix baisser. Bref, l’impact de la baisse de l’euro concerne à peine 7 à 8% de la consommation. Ensuite quand nos entreprises vendent plus, elles embauchent plus et peuvent payer un petit peu plus. Bref, les ménages perdent bien moins que suggéré et gagnent aussi, contrairement à ce qu’Axel de Tarlé dit en récitant le catéchisme de soutien à une monnaie chère.

Les conséquences de l’euro moins cher

jeudi 8 janvier 2015

Une pensée pour Charlie Hebdo, une pensée pour notre démocratie


Hier, la barbarie a frappé le journal Charlie Hebdo. Douze personnes ont été assassinées parce qu’elles s’exprimaient librement et avaient osé critiquer l’Islam. Un acte abominable tellement inhabituel dans notre pays qui a provoqué une réaction bienvenue.

Ma première pensée va naturellement aux familles, aux proches et aux collègues des victimes, ainsi qu’à tous les journalistes qui étaient les cibles de ces terroristes, dont l’ambition est de faire peur et d’imposer une censure. Ce faisant, c’est la démocratie qui était visée puisque leur objectif est de restreindre la liberté de penser et d’écrire en créant des interdits qui ne sont pas ceux de notre République. Du coup, Charlie Hebdo est devenu un marqueur très important de ce qu’est une véritable démocratie, où les médias doivent pouvoir remettre en cause les institutions, y compris de manière très irrévérencieuse. C’est parce qu’il est possible de faire cela que nous vivons vraiment dans une démocratie.



mercredi 7 janvier 2015

Disparition de la gauche et mise en péril de la démocratie (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus.


On serait, tout particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de M. Hollande et de ses sbires, bien en mal de définir ce qu’est la gauche aujourd’hui.

Pourtant si l'on prend une approche historique, on ne manque pas de concret. En effet, en repartant  du positionnement droite-gauche à la Révolution[i] :
- la gauche est initialement monarchiste constitutionnelle, pour proposer un espace de liberté et d'égalité en opposition à la monarchie absolue ;
- puis républicaine, pour une société où chacun peut accéder aux responsabilités ;
- puis sociale ou socialiste, pour une société qui ne laisse personne au bord du chemin.

A travers le miroir (billet invité)


Billet invité de Marc Rameaux


1.  Civilisation et barbarie

Le monde moderne aime à se présenter comme l’aboutissement et le gardien de la civilisation. « Moi ou le chaos ». Il ne semble pas se souvenir qu’il doit son existence à l’ancienne tradition de la discussion critique et à la lutte contre l’arbitraire monarchique. Un discours - quel qu’il soit - se présentant comme le seul raisonnable et possible est précisément l’inverse d’un discours civilisé. C’est une barbarie avide, qui a pris une apparence convenable pour mieux parvenir à ses fins.

mardi 6 janvier 2015

J-19 avant le début du démontage de l’euro ?


Dimanche 25 janvier, les Grecs sont appelés aux urnes pour élire une nouvelle majorité. Les derniers échos venus d’Allemagne semblent indiquer qu’une victoire de Syriza pourrait déclencher assez rapidement un début de démontage de la monnaie unique européenne dans les prochains mois.



Berlin et Athènes irréconciliables ?

Il y a quelques jours, le ministre de l’économie allemand, Wolfgang Schäuble, a jugé « que la Grèce était tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, ‘sans aucune alternative’, quel que soit le résultat du futur scrutin ». Cette position semble impossible à réconcilier avec celle du chef économiste de Syriza qui demande une nouvelle restructuration de la dette grecque, avec une décote d’au moins 50%, la fin de l’austérité et une hausse des salaires. Il faut dire qu’Angela Merkel a déjà eu du mal à faire passer les différents plans européens, au point qu’un nouveau parti, favorable au retour du deutsche mark, a pu émerger avec succès lors des élections européennes.

En outre, il est tout sauf évident que l’Allemagne soit si attachée à la monnaie unique européenne. S’il lui est difficile de prendre l’initiative d’en sortir, elle pourrait également créer une situation de blocage qui pourrait démarrer son démontage. Le cas pourrait se présenter dans quelques jours si Syriza gagne en Grèce. Le refus en bloc de toutes les demandes du nouveau gouvernement pourrait pousser celui-ci à opter pour la voie explorée par l’Argentine, faire défaut et revenir à sa monnaie. Certes, Berlin y perdrait mais serait alors protégé pour l’avenir. Ainsi, le démontage commencerait et se poursuivrait du fait de la pression des marchés et des conflits entre créditeurs et débiteurs européens.

Et si le supplice de l’euro continuait ?

lundi 5 janvier 2015

De Zemmour et de la démocratie


Cela a été une polémique du mois dernier : le renvoi d’Eric Zemmour d’Itélé suite à des propos tenus sur les musulmans. Une grande partie de la gauche a applaudi, quand la droite l’a soutenu avec le renfort de figures de la gauche, comme Jean-François Kahn, qui a dénoncé une « fatwa médiatique ».



Délit d’opinion et totalitarisme intellectuel

Le cas Zemmour est sans doute symptomatique de notre époque, de la difficulté, ou du refus, de débattre, et de la crispation, pour ne pas dire de la radicalisation, du débat. J’y reviendrai bientôt dans le compte-rendu du « Suicide Français », que je suis en train de lire. Même si l’on peut comprendre qu’un média ait une préférence idéologique et propose une lecture un peu partisane de l’actualité, comment ne pas voir que sur de nombreux sujets, la grande majorité des médias sont tous d’accord, qu’ils soient de gauche ou de droite ? Le comble a sans doute été atteint en 1992 et en 2005 sur les référendums européens, avec un véritable divorce entre l’opinion médiatique et celle de la population.

Dès lors, dans ce cadre, même sans être d’accord avec une bonne partie de ce qu’avance Zemmour, des personnes comme Jean-François Kahn ou Michel Onfray, ont pris position en faveur de l’éditorialiste auteur d’un succès de l’année en librairie. Pour ce dernier, « en France, on ne polémique plus : on assassine, on méprise, on tue, on détruit, on calomnie, on attaque, on souille, on insinue ». Il semble y avoir un refus du débat démocratique, auquel Zemmour participe en apportant une voix différente de celle de la grande majorité de ceux qui sont invités dans les grands média. En ce sens, le renvoi d’Eric Zemmour est plutôt regrettable car il peut représenter un appauvrissement du débat.

Opinion et responsabilité

dimanche 4 janvier 2015

2015 : l’année où les contradictions de l’euro exploseront en Grèce ?


L’élection du 25 janvier à Athènes est cruciale pour l’avenir de la monnaie unique européenne et l’Europe. Comme en 2012, le parti de gauche radicale Syriza pourrait gagner la majorité et amener le pays dans une voie fatale pour l’euro, malgré ses professions européennes.



Syriza : la mise à mort de l’euro sans le dire ?

Bien sûr, Alexis Tsipras professe qu’il ne souhaite pas quitter la monnaie unique et les partisans de cette solution au sein de Syriza se font plus discrets, mais il pourrait s’agir d’une posture destinée à rassurer les électeurs pour gagner les élections. En effet, comme l’a noté Romaric Godin dans la Tribune, le programme de Syriza (renégociation de la dette, fin de l’austérité, hausse du SMIC) placerait l’UE dans une position bien délicate. Il semble quand même totalement exclu que Syriza finisse par se plier à la troïka, comme l’indique le chef économiste du parti au Guardian, en évoquant une décote de la dette d’au moins 50%. En cas de désaccord, Athènes pourrait suivre la voie de l’Argentine, quitter la monnaie unique, démontrant sa friabilité, et ouvrant la voie à l’Espagne et à une spéculation déchainée.

C’est bien pour cette raison que l’UE pourrait être fortement tentée d’accepter une troisième restructuration de la dette grecque et un assouplissement des plans de la troïka, plutôt que de prendre le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Nul doute que, leur vie même étant menacée, les hiérarques européens ne manqueront pas de créativité pour trouver un accord qui pourrait convenir aux différents partis. Mais se poserait alors la question de l’Allemagne. Angela Merkel pourra-t-elle accepter, et faire accepter, une restructuration de la dette grecque, une perte pour son pays ? Sinon, le blocage mènerait à l’explosion. Si oui, cela renforcerait sans doute le camp des partisans du retour du deutsche mark.

Le statut quo est encore possible

samedi 3 janvier 2015

Hollande, capitaine qui s'abandonne au milieu de l’océan


L’an dernier, il avait placé ses vœux sous le signe d’un cap eurolibéral toujours plus assumé depuis le rapport Gallois, qui ouvrait la voie aux 40 milliards de baisses de cotisations sociales supplémentaires pour les entreprises. Un an après, il se veut combatif et relativement optimiste.



Nouvelle séquence de communication

Bien sûr, la communication est nécessaire, pour expliquer son analyse et mettre en perspective son action. Mais ici, les ficelles sont un peu trop grossières pour pouvoir camoufler la superficialité de l’analyse et le fait que le président est balotté par les évènements. L’an dernier il était dans le prolongement de la séquence engagée par le rapport Gallois, à savoir un cap eurolibéral plus assumé et amplifié, qui sera confirmé par le programme de baisse du prix du travail puis la nomination d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie. A mi-mandat, il ne peut plus être dans la clarification de sa ligne ou dans son inflexion, il doit avoir des résultats et en leur absence, il se contente d’injonctions.

Sur le fond, les vœux 2014 sont placés sous le signe de l’optimisme et de la combativité : la France est un grand pays qui va s’en sortir, de nombreuses réformes ont été mises en place, bousculant les habitudes. Elles devraient apporter des résultats et donc permettre une amélioration de la situation l’an prochain, même si le président s’est montré prudent du fait des résultats désastreux sur le front de l’emploi. Et sur la forme, il s’est voulu combatif et accessible, employant un langage assez simple. Mais il était étrange qu’il emploie le terme « elle » pour parler de la France au lieu d’un « nous » plus logique pour un président, comme s’il n’en faisait pas parti ou qu’elle lui était étrangère. Un choix qui en dit long.

Une impasse idéologique

vendredi 2 janvier 2015

100% monnaie (SMART) vs Monnaie Pleine (billet invité)


Billet invité d’André-Jacques Holbecq, qui vient de sortir la nouvelle édition de son livre « La dette publique : une affaire rentable »



Depuis longtemps j’ai défendu, dans la ligne d’Irving Fisher [1], de Maurice Allais [2] et de Christian Gomez [3] la proposition « 100% monnaie » que, pour des motifs communicationnels, j’ai préféré appeler « SMART » ( Système Monétaire À Réserves Totales) [4]

De quoi s’agit-il ? Simplement de scinder les banques en 2 ou 3 entités
-       les banques de dépôts (que Gomez appelle «  Compagnies de Sureté Monétaire »), ne seraient autorisées qu’à gérer les dépôts monétaires « liquides »[5] de leurs clients, en garantissant ceux-ci par des réserves obligatoires en garanties éligibles (donc de la « monnaie centrale ») déposées à la Banque Centrale
-       les banques de prêts qui ne seraient plus que des intermédiaires entre les épargnants et les emprunteurs, ayant l’interdiction de prêter les épargnes à des termes plus longs [6]
-       Éventuellement, les banques d’investissement.

jeudi 1 janvier 2015

Réapprendre à débattre en démocratie


Si nos démocraties sont malades, ce n’est pas uniquement du fait que les alternances se révèlent être beaucoup trop limitées, comme si nos sociétés étaient figées dans une impasse. C’est aussi le fait d’un profond manque d’écoute et de débat qui affaiblit la démocratie.



La fermeture à l’autre

Trop souvent, certains médias nous offrent des débats ne réunissant que de faux contradicteurs, d’accord sur presque tout. Chacun peut alors avancer des faussetés sans craindre d’être repris par ses comparses, qui défendent la même soupe, et qui ne veulent donc pas critiquer une pensée tellement proche de la leur. Les pseudo débats d’économistes sont trop souvent une calamité, trustée par les différents courants de la pensée néolibérale, tous favorables au libre-échange, à la course à la compétitivité, à la libéralisation, ou à l’Union Européenne. Bien sûr, certains pencheraient plutôt à gauche, et d’autres à droite. Mais sur le fond, il n’y a qu’une feuille à papier de cigarette entre eux.

Ces faux débats ne valent pas mieux que les programmes de propagande des dictatures et des démocraties autoritaires, que les tenants du néolibéralisme sont les premiers à critiquer, au nom d’une liberté de penser qu’ils foulent parfois au pied, sans forcément s’en rendre compte. Soit en participant à des cénacles fermés à toute pensée alternative (pourtant foisonnante en France), ou par le refus parfois totalitaire de toute remise en question, même quand elle vient de personnes respectables et sérieuses.

Et ces travers peuvent aussi se trouver chez certains alternatifs, qui finissent par se couper de l’extérieur, ne se rendant même pas compte que notre discours n’est plus compréhensible largement, ou que nous cédons à des postures trop agressives ou démagogiques qui disqualifient nos idées. C’est ainsi que l’on finit avec un débat façon guerre civile, comme cela a été le cas sur le mariage pour tous. Mais dans le dur climat actuel, il importe sans doute de rassurer pour convaincre quand on porte des idées si différentes de celles appliquées depuis trop longtemps pour ne pas davantage inquiéter et susciter le rejet.

Des facteurs d’espoir