La
théorie des cycles liberté / protection
François
Lenglet développe une théorie passionnante sur des « cycles économiques de 70 à 80 ans, avec deux phases bien distinctes,
ponctuées l’une et l’autre par des crises. Et tout d’abord une phase où le
désir de liberté triomphe ». Pour lui, cette
phase, caractérisée par un abaissement des frontières, donne la main aux
riches, et donc aux prêteurs. Le consommateur l’emporte sur le producteur. L’Etat
s’endette et le système financier gonfle : « le prix des actifs progressent plus vite que les revenus, augmentant
les inégalités entre les détenteurs de patrimoine et les autres ».
Puis, suite
à un krach, c’est le désir de protection qui l’emporte, dominé par les classes
moyennes, le producteur et l’emprunteur. Il s’agit d’une phase protectionniste,
où « la finance est tenue en
laisse ». Après quelques décennies, « l’excès de contraintes sclérose l’économie, la crise revient,
réveillant le désir de liberté ». Pour lui, les débuts de chaque cycle
sont bénéfiques, parce qu’ils sont tempérés, mais au fil du temps, la situation
se déteriore et l’on tombe dans des excès (de liberté pour l’un, de contraintes
pour l’autre). Il dénonce aujourd’hui le
dévoiement du libéralisme par la finance, au détriment de l’économie
productive. Il souligne que la durée de ces cycles fait que les personnes qui
ont vécu le cycle précédent ne sont pas là, ce qui fait que l’humanité répète
les mêmes erreurs.
Il nous
conte alors une histoire fascinante de l’économie depuis le 15ème
siècle, illustrant sa théorie. Il cite un écrit de Keynes assez stupéfiant de
modernité : « Quel extraordinaire
épisode du progrès économique de l’homme cette époque qui prit fin en août
1914 ! (…) Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé du matin,
commander, par téléphone, les produits variés de toute la terre en telle
quantité qui lui convenait et s’attendre à les voir bientôt déposés devant sa
porte ».
Pour lui,
nous vivons actuellement le requiem d’un cycle libéral, dont les racines
remontent à 1968, et dont la base est la génération du baby boom. La prise de
pouvoir des libéraux commence en 1979, avec l’élection de Margaret Thatcher et
la victoire temporaire de Friedman, « partisan
de la concurrence, des privatisations, de la lutte contre l’inflation (…) et la
suppression des entraves frontalières » sur Keynes « qui militait pour la réglementation, le rôle
de l’Etat, le soutien à l’économie nationale, la monnaie asservie à la
croissance ». Il note l’ironie qu’il y a à constater que la Chine a
démarré ses réformes libérales au même moment, en 1978. Il souligne le rôle des
circonstances, avec l’effondrement du communisme.
Le point
d’inflexion est-il atteint ?